Aucard de Tours annulé : la mobilisation s’organise

Pour la première fois, Aucard a dû annuler son festival suite aux intempéries et inondations. Tmv s’est entretenu avec Enzo, programmateur, qui nous parle de l’avenir d’Aucard.

Hier soir, une centaine de bénévoles démontaient les structures du festival.
Hier soir, une centaine de bénévoles démontaient les structures du festival.

Un arrêté municipal a mis fin précocement au festival Aucard situé sur la plaine de la Gloriette, en raison des risques de débordements du Cher. Informés mercredi dans l’après-midi par la police municipale, l’équipe d’Aucard a d’abord annulé les concerts de la soirée avant de mettre fin à tout le festival le lendemain. Enzo Petillault, l’un des programmateurs d’Aucard de Tours, nous a accordé une interview ce vendredi matin.

Vous êtes encore sur le site en train de démonter ?

Oui et ça devient urgent car l’eau monte à une vitesse fulgurante. Il nous reste un petit chapiteau à démonter et 3 ou 4 heures avant que la zone soit vraiment inondée.

Vous aviez pensé à délocaliser le festival, pourquoi est-ce que ça n’a pas pu se faire ?

Mercredi, on a fait un brainstorming avec toute l’équipe dans l’urgence pour savoir si l’on trouvait un autre site. Mais nous n’avions pas vraiment de solution de repli et face à l’urgence de la situation trouver un lieu avec les bonnes jauges était trop compliqué. On a préféré mobiliser nos forces dans le démontage.

À combien estimez-vous les pertes ? Comment ça se passe avec les assurances ?

Il est encore trop tôt pour les évaluer mais elles seront forcément énormes avec quatre soirs sur cinq annulés. Pour les assurances, on a eu un premier contact avec eux hier, tout va dépendre de si la zone est déclarée zone naturelle inondable. Nous aurons plus d’informations sur ces points la semaine prochaine.

Combien de pass et de places aviez-vous vendus ?

On avait vendu la totalité des pass 5 jours (1400) et pas mal de places sur les soirées du vendredi et du samedi.

Niveau remboursement, comment ça se passe ?

On a créé un mail pour ceux qui souhaitent se faire rembourser (inondation.aucard@radiobeton.com), on a déjà quelques demandes. Dès cet après-midi on envoie des bénévoles en renfort à Terres Natives pour ceux qui ont acheté leurs places là-bas. À l’inverse sur les réseaux sociaux, beaucoup de personnes ont manifesté leur décision de ne pas demander le remboursement, ça fait chaud au cœur.

Vous vous sentez soutenus ?

Le festival Aucard est très ancré dans le paysage tourangeau, les gens se mobilisent pour qu’il continue. Ce soir et tout le weekend de nombreux bars ont pris l’initiative d’organiser des concerts avec des cagnottes. Nous avons mis en place une billetterie de soutien, les gens peuvent donner autant de billets de 1, 5 et 10 euros qu’ils souhaitent. Samedi soir les îlots seront au Winchester pour une soirée de soutien. On espère pouvoir s’y rendre aussi !

 

Les bénévoles ont tenté de démonter les structures le plus rapidement possible face à la montée des eaux.
Les bénévoles ont tenté de démonter les structures le plus rapidement possible face à la montée des eaux.

Inondations : quel risque pour Tours ?

En 2015, l’État lance une grande enquête publique, la dernière phase de la révision du Plan de Prévision des Risques d’inondations (PPRI). François Louault, président de l’association Aquavit et géographe tourangeau spécialisé dans l’hydrologie, fait le point.

Inondations à Tours
Contrairement aux idées reçues, la menace de crues importantes viendrait du Cher.

C’est quoi cette révision du PPRI ?
[François Louault, président de l’association Aquavit et géographe tourangeau spécialisé dans l’hydrologie] : Depuis deux ans, il y a eu un travail sur cartes et en laboratoire pour simuler les crues dans les conditions actuelles. Les résultats montrent qu’en cas de crue historique, basée sur celle de 1856, le niveau d’eau serait plus important aujourd’hui. Les digues, qui protègent Tours, résisteraient mieux. En revanche, certains ponts ne résisteraient pas au débit de la Loire. Pareil sur le Cher, le Pont Saint-Sauveur et celui du tram, en cas de crues très importantes, ne tiendraient pas.

Quels sont les risques de vivre une crue centennale à Tours ?
Je suis certain que je n’en vivrai pas d’aussi importantes que celle de 1856 dans ma vie. En revanche, je m’attends à voir le Cher déborder de manière catastrophique. Tous les experts locaux s’accordent pour dire qu’il y a une faiblesse sur ce point.

Quelle est la réaction des élus locaux faces à ces risques ?
Ils sont inconscients et juridiquement exposés. En cas de catastrophe, même si l’État a sa responsabilité, ce seront eux qui seront jugés. Regardez la tournure que prend le procès Xynthia. Leur maître mot, c’est « résilience » : la résistance d’un bâtiment et la capacité d’une ville de rebondir après une crue. C’est du pipeau. Une crue historique à Tours et les villes alentours ne fera pas de victimes. En revanche, il n’y aura plus de gaz, d’électricité, de communication et de traitement des eaux. Ce n’est pas comme dans le midi de la France où en deux heures le niveau d’eau baisse. À Tours, qui est une ville sanctuarisée, elle resterait des dizaines de jours.

Propos recueillis par B.R.