Emilie Tardif, de TV Tours : « Les chaînes locales sont devenues le nouveau cool »

Elle est l’une des figures emblématiques de la petite chaîne qui a bien monté depuis sa création le 24 mars 2006. La journaliste-animatrice Émilie Tardif, aux manettes de l’émission TILT, promène sa bonne humeur et son dynamisme depuis un bout de chemin déjà. Des projets, des idées pour la chaîne, elle n’en manque pas. Panorama de 15 années de TV Tours.

Émilie, vous souvenez-vous de vos premiers pas à TV Tours ?

C’était en 2008, j’étais d’abord une simple invitée dans une émission de Jean-Baptiste Boursier (aujourd’hui sur BFM TV) qui a créé le format du talk à 18 h. J’étais là pour parler de la mode du vintage. Comme ça s’est bien passé, il m’a proposé de venir faire une chronique régulière dans son émission sur un format qui s’appelait le « J’ai testé pour vous… » et alors là j’ai tout testé : toiletteuse pour chiens, la pole dance, le kayak en eau vive… L’émission s’appelait « Tout sur un plateau » et le principe était justement de faire tout ce qu’on voulait. On avait une liberté totale et on a rigolé comme jamais. Et puis un jour, Émilie Leduc qui présentait ensuite cette émission m’a demandé de la remplacer, c’était en 2013. Vous avez en quelque sorte grandi aux côtés de TV Tours.

Emilie Tardif, l’un des visages de TV Tours.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce cheminement ?

C’était un rêve de devenir journaliste quand j’étais petite. En fait, mon job, c’est le meilleur de la ville, c’est d’être la tour de contrôle de tout ce qui se passe de positif sur le territoire, c’est un job en or, je connais avant les autres tous les bons plans sympas et je les diffuse ensuite. Je pourrais être engagée par le Petit Futé dans une deuxième carrière !

Comment l’image de TV Tours a-t-elle évolué en 15 ans d’existence ?

L’évolution de TV Tours est étonnante. Notre image est bien meilleure et nos audiences sont en train d’exploser. Lancer une chaîne locale à l’époque, c’était super cool, tout le monde le faisait en 2006 et puis il y en a plein qui ont périclité. Et puis maintenant, le local est le nouveau cool, tout le monde s’y remet car les gens ont une sorte de défiance vis-à-vis des grandes chaînes, se posent la question de la fiabilité de leurs sources.

Nous proposons cette traçabilité de l’information qui est possible pour nous parce que nous sommes des journalistes du coin, que nous connaissons notre territoire et que nous restons accessibles pour les gens. Aujourd’hui, le circuit court ce n’est pas que pour la nourriture, on a envie de savoir ce qu’il y a dans notre assiette comme dans notre télé.

L’équipe s’est renouvelée depuis les débuts, la ligne éditoriale initiale – la proximité – est-elle toujours identique ?

Oui, le local, le local, le local ! La ligne éditoriale est la même, ce sont les programmes qui changent de temps en temps. On fonctionne avec une rédaction de neuf journalistes indépendants et chacun a tendance à avoir sa spécialité, son émission qui lui ressemble. Romain Delville et Audrey Champigny font les sports, Aurélie Renault est sur l’actu format magazine, moi je fais l’info positive… Chaque journaliste apporte des idées et on s’adapte aussi aux envies des téléspectateurs… Tout en ne parlant que de ce qui se passe chez nous aux gens de chez nous.

Peut-on dire que vous êtes aujourd’hui bien inscrits dans le paysage local ?

La notoriété est super bonne. Les gens nous connaissent bien mais on a encore un énorme travail de conquête à faire sur le Loir-et-Cher.

Dans Tilt, l’émission que vous présentez (avec Samuel Collin le lundi), vous mêlez info pratique et divertissement. Quelle est la recette, le bon mix ?

C’est du journalisme de solution et de service. Le bon mix c’est quand on arrive à intéresser à la fois Sandrine, assistante de direction et Michel, ouvrier, qui le soir se retrouvent. J’ai en tête les téléspectateurs. Mon émission, c’est un zapping géant, c’est un sujet positif sur le territoire par jour abordé sous forme de chronique et de l’initiative citoyenne : les animaux le lundi, le mardi les commerces, le mercredi les associations de solidarité, le jeudi des artisans, le vendredi les peech pour obtenir des financements participatifs locaux. Au total, c’est une trentaine de chroniqueurs qui sont tous des pros de ce dont ils nous parlent. L’idée c’est aussi de mettre des gens du territoire à la télé qui n’y seraient pas passés autrement en les faisant chroniquer. Cela devient une petite bande locale, un joyeux bazar.

Vous avez toujours réservé une place importante à la culture qui manque aujourd’hui de visibilité…

L’idée, c’est de faire émerger des talents du coin, les musiciens, les artistes plasticiens sont également beaucoup présents à l’antenne. On a une nouvelle émission « 3…4 » (gérée par Nivek) une émission de clip locaux et ça permet d’aider les musiciens du cru ! Dans les tuyaux, on va lancer les artistes TV Tours, on va en sélectionner trois qui vont bénéficier encore plus de notre média, de spots gratuits et de visibilité.

D’autres projets sont à venir pour TV Tours ?

Le nouveau projet pour septembre, c’est une émission de témoignages. Je pense qu’avec la crise sociale, il y a de plus en plus le besoin de trouver un relais dans nos associations. On ne les connaît pas toujours. Chaque fois, il y aura une thématique, un témoignage fort sur des sujets difficiles et, à côté, une association sera là en pivot pour donner du conseil et la solution. Autre programme important pour nous, on sélectionne des documentaires sur le territoire, coproduits avec Ciclic et France 3 Bip TV (Les séances de docu). Il y aura également une émission culinaire et une telenovela brésilienne, permis par le regroupement avec d’autres télés locales.

Propos recueillis par Aurélie Dunouau

> Les photos illustrant cette interview sont des photos d’archives TV Tours, d’où l’absence de masques. 

PHOTO GERARD PROUST TOURS LE 22 FEVRIER 2016 REPORTAGE SUR TV TOURS TELEVISION LOCALE DU GROUPE LA NOUVELLE REPUBLIQUE L’EQUIPE AVEC OLIVIER SAINT CRICQ CLOTILDE MASSARI ET JEROME DESRUY

Les Topovaures : une vidéaste au top sur Internet

Pour sa journée d’information sur les métiers du numérique, l’Esten recevra Coralie Brillaud, la vidéaste qui réalise Les Topovaures . La chaîne Youtube de la jeune femme propose des vidéos de quelques minutes pour raconter des anecdotes sur l’art ou l’histoire.

Alors, on fait moins l'malin Norman ?
Alors, on fait moins l’malin Norman ?

Ses yeux bleus se posent sur sa tasse de chocolat chaud, sa voix est tranquille, presque timide. Une grande humilité émane d’elle et peu soupçonneraient qu’elle accumule des centaines de milliers de vues sur sa chaîne Youtube, Les Topovaures. Coralie Brillaud a 27 ans, elle est vidéaste et préfère ce terme à celui de Youtubeuse. « Je ne veux pas être rattachée à une seule plateforme », défend-t-elle. Originaire de Paris, elle a élu domicile à Tours depuis trois ans avec son mari et ses deux enfants. « Nous avons eu un vrai coup de cœur ici, nous ne sommes pas près de partir », assure-t-elle. Cela n’est pas toujours pratique pour fréquenter les réseaux professionnels parisiens, mais à peine une heure en TGV, la petite famille trouve des solutions.

Vidéaste, Youtubeuse, c’est quoi exactement ? Encore quelqu’un qui se met face caméra pour nous raconter des tas d’histoires ? Eh bien non. Contrairement à nombre de ses confrères, Coralie ne se met pas en scène dans ses vidéos, elle utilise seulement sa voix pour commenter ses sujets (qu’elle monte d’ailleurs elle-même). Quant à ce qu’elle raconte, ce sont des anecdotes sur l’art ou l’histoire avec, par exemple, les cinq meilleures improvisations au cinéma, les cinq partis politiques les plus improbables, les cinq morts les plus atroces dans les Disney ou encore les cinq lois françaises les plus absurdes. Image12
Du haut de son mètre soixante- dix, la réalisatrice ne manque pas d’imagination. Son projet de créer une chaîne Youtube est né de deux idées : les vidéos sont un format à la mode qui touche facilement les gens et permettent de croiser divertissement et instruction. « J’ai voulu utiliser la vidéo pour montrer que Youtube n’est pas réservé à l’humour, au gaming et à la beauté », ajoute-t-elle. À l’époque, son concept de le construire sous forme de « Top » ne convainc pas ses pairs. Le milieu de la culture et du web le perçoit comme un format trop facile, peu créatif et très commercial. « Moi j’étais convaincue que c’était un excellent moyen d’être pédagogique et synthétique », s’accroche-t-elle. Elle lance son essai le 1er avril 2015, moment où de nombreux blogueurs et youtubeurs publient des vidéos « blagues ». « C’était symbolique, pour montrer que j’avais compris la critique mais en la détournant ».

La chaîne des Topovaures décolle rapidement, parvenant aujourd’hui à la coquette somme de 245 000 abonnés. « On est très fiers d’elle », insiste sa maman, « première fan » dont on voit les yeux briller même à l’autre bout du téléphone. « C’est vrai qu’au début quand elle m’a parlé de son projet, je voyais ça comme un passe-temps, pas comme un vrai travail », confie-t-elle. Mais très vite toute la famille, Coralie incluse, doit bien admettre que le projet prend de l’ampleur et qu’il devient une alternative professionnelle crédible. « Coralie est quelqu’un de très intuitif et je lui ai dit : “ Si tu arrives à faire de ta passion ton métier alors vas y, fonce ” », ajoute Annie.

Inventer son métier

Pour Coralie, cela avait toujours été compliqué de visualiser quel métier elle exercerait « plus tard ». Passionnée de numérique depuis qu’elle a posé les doigts sur un clavier, elle a fait une section Littéraire tout en gardant une option math pour ne pas abandonner les sciences. Après le bac, elle valide une licence en art et culture à Lille et un master cultures et métiers du web à Marne-la-Vallée. Ses premières expériences professionnelles la conduisent vers la formation pour adultes, lui permettant d’acquérir un autre atout : la pédagogie. Au bout du chemin, un dilemme : comment créer un pont entre toutes ces compétences ? « Depuis des années, j’avais envie de métiers qui fassent le lien entre le numérique et le traditionnel, mais je ne visualisais pas à quoi cela correspondait. Je me rends compte que c’est parce que ces métiers n’existaient pas. Nous sommes en train de les inventer. »
Les métiers du web sont effectivement en pleine expansion, aussi neufs que le secteur qui les abrite. Pour l’instant, force est de constater que ce sont plutôt les hommes qui s’en sont emparés, un constat qui n’a évidemment pas échappé à la jeune femme. Son apparente timidité disparaît d’ailleurs rapidement quand on aborde le sujet, même si le thème lui brûle un peu les lèvres. Pour elle comme pour d’autres, l’envie de faire avancer les choses le dispute souvent aux conséquences catastrophiques d’une mauvaise phrase dans un journal. Elle le reconnaît pourtant : elle a dû affronter la réalité d’un milieu professionnel très masculin et pas toujours enclin à respecter la minorité.

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Peu de femmes

Image11Pas plus tard qu’il y a deux semaines, elle assistait à la deuxième édition du salon Neocast, à Strasbourg, qui rassemble environ 70 Youtubeurs. « Nous étions cinq femmes seulement », raconte-t-elle. A l’annonce de la programmation, les critiques avaient fusé sur les réseaux sociaux, s’interrogeant sur les raisons de cette sous-représentation. « Quand j’en ai parlé autour de moi j’ai entendu tout et n’importe quoi, notamment que les femmes n’avaient qu’à augmenter la qualité de leurs chaînes. Ou encore que dans ce cas, nous pourrions aussi bien parler du quota d’handicapés et de noirs qui sont invités, ce à quoi j’ai répondu : oui parlons en aussi ! », s’agace Coralie. Heureusement, certains se sont simplement contentés d’une mauvaise foi absolue : que cinq femmes ? Ils n’avaient « pas remarqué ».
Pour faire évoluer les mentalités, le meilleur moyen est encore la preuve par l’exemple. Coralie continue à développer son projet, même si elle reconnaît que sa seule chaîne Youtube ne lui permet pas d’atteindre un Smic. Ce qui lui permet d’en vivre, ce sont les contrats qu’elle décroche « à côté », grâce à l’audience qu’elle a développé sur le web. « Je ne fais pas de placement de produits, à la fois car j’ai un public jeune et parce que je ne veux pas que Youtube devienne une télé bis. En revanche, je crée des partenariats avec des organismes privés ou publics où il est entendu que j’ai été payée : ce qui est normal puisque c’est mon métier », justifie-t-elle. Un grand musée français vient d’ailleurs de la contacter pour réaliser deux vidéos… tenues secrètes pour l’instant.

> INFOS PRATIQUES
Journée d’information aux métiers du numérique le samedi 7 mai de 10 h à 18 h, à l’Esten (18 rue Bretonneau à Tours)
→ Plus d’infos sur supedition.fr

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