Livres et édition : le futur sera numérique

C’est une première à Tours : le Salon du livre numérique débarque. Deux jours entièrement dédiés à l’édition et la culture numérique. Tmv s’est penché sur cet univers en pleine expansion, qui ravit les amateurs de nouvelles technologies.

édition numérique

Success story 2.0

15 ans. C’est l’âge qu’avait Abigail Gibbs quand elle a commencé à publier son roman, chapitre par chapitre, sur une plate forme de lecture en ligne. Sous son pseudo Canse12, la petite Britannique écrit The Dark heroine. L’histoire d’une jeune femme témoin d’un meurtre, puis kidnappée dans le royaume d’un vampire sur qui elle va flasher. Le pseudo-Dracula, lui, préfère la salade — il est végétarien — et a une trouille bleue du sang. Les mots d’Abigail auraient pu en rester là. Perdus dans les méandres du web.
Sauf que. Le site sur lequel elle poste ses chapitres, c’est Wattpad. Sorte de gros réseau social made in Canada, mixé à une plate forme d’autoédition gratuite. Un café littéraire 2.0 en somme. Les jeunes plumes s’y pressent. Le public aussi : chaque mois, 11 millions de visiteurs, cinq millions d’histoires, 25 langues différentes. Peu importe le support — tablette, ordinateur, téléphone… — les internautes sont là.
Ils seront 17 millions à lire le Twilight végétarien d’Abigail Gibbs. Et un agent littéraire qui lui conseillera de tenir à distance la publication de la fin de l’histoire. HarperCollins, maison d’édition américaine, se chargera du reste: Abigail, pour fêter ses 18 ans, signera un contrat d’édition à six chiffres pour publier son roman. Une success-story numérique comme il en arrive de plus en plus souvent maintenant. Oui, il va falloir se mettre à la page.

En chiffres (et en mots)

120 000
Le nombre de livres numériques français sous droit disponibles à la vente, répartis entre nouveautés et catalogues de fonds (chiffres 2014, d’après le SNE, Syndicat national de l’édition). 15 % de la population française (15 ans et plus) ont déjà lu un livre numérique.

(AUTO)ÉDITION
E.L James était une inconnue. Un jour, elle écrit un certain 50 Shades of Grey. Mis en ligne sur Thewriterscoffeeshop.com, le roman est repéré par l’éditeur Vintage Books qui le sortira en version papier. On connaît le destin plutôt jouissif de la trilogie érotique…

UNE GUÉGUERRE ?
62 % des lecteurs numériques ont lu un livre imprimé au cours du dernier mois. D’après de nombreuses études, le e-book ne ferait pas d’ombre au livre papier : il ne représenterait d’ailleurs que 1,6 % en valeur des ventes de détails de livres en France, loin derrière les États-Unis.

Notre top 4

Les quatre moments du samedi à ne pas louper au Salon du livre numérique à l’Institut de Touraine, à Tours, alias Le Futur du livre (ça en jette comme nom).

DES DÉDICACES
Toute la journée, une vingtaine d’auteurs et dessinateurs dédicaceront leurs oeuvres et leurs ouvrages numériques. Patrick Jacquemin, Marek Corbel, Jean-Mathias Xavier et Blandine Jacquot… Idéal pour tailler le bout de gras (numérique).
> Toute la journée au square Sourdillon.

DES ATELIERS
Soyez rapides, filez vite sur lefuturdulivre. com pour vous inscrire aux ateliers. À l’heure où nous écrivons, il restait quelques places aux ateliers de dessin pour les enfants ou encore pour s’essayer à l’écriture numérique (adulte et enfants).

UNE CONFÉRENCE
Emmanuel Roc (oui, encore, il est partout !), de l’Esten, tiendra une conférence : Bien choisir son orientation dans les métiers de la publication numérique. Nombreux sont les gens intéressés par l’évolution des pratiques liées au numérique. Votre chaise vous attend. > À 11 h 30.

DES APPLIS DE CHEZ NOUS
Sans se la jouer chauvin, on assure en Touraine (lire ci-dessous). Pirates de Loire, Peetch, Rêve aux lettres, Parembole… Le module pecha-kucha présentera applis et ePubs développées aussi bien par les étudiants que par des start’up du coin.
> À 10 h 30, 12 h 30, 15 h 30 et 16 h.

>>>>>>>>>> A LIRE : L’INTERVIEW D’EMMANUEL ROC, CRÉATEUR DU SALON DU LIVRE NUMÉRIQUE <<<<<<<<<

>>>>>>>>>>>>>> A LIRE : NOTA BENE, LA CHAINE YOUTUBE D’UN TOURANGEAU QUI CARTONNE <<<<<<<<<<<<<<<<<<<

Numérique : les talents du coin !

Ils sont de plus en plus nombreux à se faire une place dans le beau monde du numérique. Tmv a choisi de mettre trois initiatives tourangelles en lumière.

> PEETCH En mars 2015, la start’up tourangelle a remporté le StartUp Weekend tourangeau. Derrière Peetch, des jeunes qui en veulent. Et une idée lumineuse : une application qui permet de créer de petites histoires bien fun, entre utilisateurs, grâce à une chaîne d’idées. En gros, vous créez des histoires collaboratives avec des internautes du monde entier. Un projet amené à cartonner. Il sera d’ailleurs présenté aux éditeurs français et au public, lors du Salon du livre numérique.

> E-STOIRES Quatre mots : édition numérique jeunesse interactive. Cyril Puiseux, quadra tourangeau, a créé e-stoires, un site internet de lectures d’histoires via… webcam ! Imaginez, vous êtes en voyage d’affaire à 500 km de chez vous : vous enregistrez vos histoires sous forme de vidéos et vos enfants ou petits-enfants pourront les écouter, même si vous êtes loin. D’ailleurs, c’est à l’occasion d’un déplacement professionnel en Ukraine que Cyril Puiseux avait eu l’idée, alors que sa petite lui réclamait une histoire avant d’aller dormir.

> NUMËE L’appli mobile Tours sur Loire ? C’est eux. Le site internet de l’Esten ? C’est encore eux. Numëe est une agence de com et d’édition numérique qui aide les PME ou encore les collectivités à concevoir et réaliser un projet de communication multimédia. Basée à Saint-Avertin, la start’up accompagne les entreprises de Tours et de Paris dans leur développement numérique. Elle sera aussi présente ce samedi au Salon.

« L’économie numérique n’existe pas qu’à Paris »

Emmanuel Roc, fondateur de l’école Esten Sup’édition. Il organise le Salon du livre numérique à Tours. Pour lui, la France doit s’ouvrir à l’édition numérique.

Comment est né ce Salon du livre numérique ?
Au départ, je voulais organiser des rencontres professionnelles pour mes étudiants (l’Esten Sup’édition, une école spécialisée dans les métiers de l’édition et de la communication, lire page 5, NDLR). L’idéal pour leur constituer un réseau. On voulait le faire sur Paris, avec des acteurs de l’économie numérique pour un speed dating. Mais c’était très cher à mettre en place. L’opportunité est venue d’une éditrice en Bourgogne qui avait organisé un salon du livre numérique qui avait bien marché. Elle était en reconversion professionnelle et m’a donc cédé le nom. J’ai relié les deux idées et c’est ainsi qu’est né le Salon du livre à Tours. Il permettra aux étudiants de l’Esten de rencontrer des professionnels venus de Paris. J’ai aussi invité des start-up de l’économie numérique en Touraine qui ont toutes été partantes. Et le grand public pourra découvrir un autre univers.

Il y a peu d’événements comme ça en France et dans la région qui permettent aux talents numériques de s’exprimer. Pourquoi ?
Les salons parisiens sont organisés à but lucratif. Le prix des stands est démesuré. Nous avons voulu un prix attractif pour les invités. Leur emplacement leur coûte 250 € (contre parfois 3 000 € à Paris, NDLR). On reste une école…

Emmanuel Roc (Photo Supedition.fr)
Emmanuel Roc (Photo Supedition.fr)

Et côté public ? Il n’y a pas d’intérêt pour l’édition numérique ?
En France, on est en retard concernant le sujet, comparé aux pays anglo-saxons. Le public français doit savoir ce qu’il se passe dans ce domaine pour être ensuite demandeur. C’est pour cela qu’on a étendu le Salon du livre numérique au grand public, à Tours. Le salon va montrer ce qu’on fait avec les tablettes, la presse numérique, les applis jeunesse, etc. Le public pourra essayer des tablettes, télécharger des applications… Celles et ceux qui possèdent déjà une tablette pourront repartir avec plein de livres numériques. Il y aura aussi un stand senior qui expliquera comment ouvrir un compte Amazon, Google, etc. Histoire de mieux appréhender les nouveaux supports.

J’ai envie de vous embêter… « Ah de toute façon, rien ne vaut un vrai livre physique, avec des pages que l’on peut tourner ! »
(Rires) J’adore le livre papier ! Mais le numérique est un complément. D’ailleurs, les ventes de livres n’ont pas chuté avec la venue du numérique. Le secteur se porte toujours bien, notamment les ouvrages jeunesse par exemple. Les deux forment un binôme. Mais je comprends les personnes réfractaires. Pour le salon, ce samedi, il y aura des ateliers d’écriture pour enfants et adultes. Des éditeurs confirmés seront là pour donner des conseils. L’écriture numérique est différente. C’est plus court. Pour reprendre la citation d’un éditeur : « les passages et chapitres sont calibrés par rapport à deux stations de métro ! »

Lors du salon, il y aura des dédicaces numériques. Qu’est-ce que c’est ?
On a développé un système qui permet aux auteurs de dédicacer leurs livres numériques. Cela ne se faisait pas jusqu’à maintenant. Là, les gens pourront tendre leur tablette à l’auteur qui signera avec le doigt ou un stylet. On va présenter ce système en avant-première au salon !

Pour le reste du programme, quelles sont les grandes lignes ?
Le samedi, le grand public pourra télécharger des livres gratuitement, en acheter, il y aura des dédicaces aussi bien papier que numérique, des ateliers d’écriture, de dessin. Et les étudiants de l’Esten présenteront les applis « enfance » qu’ils ont créées, sur le thème contes et légendes. Les enfants pourront découvrir tout cela et jouer.

À Tours, on commence à avoir de sacrés talents numériques, non ?
Je pense à Pirates sur Loire ou encore le pure-player 37°… Oui ! Justement, Pirates sur Loire est partenaire du salon. Ils organisent une chasse au trésor numérique qui partira de la gare et ira jusqu’à l’Institut de Touraine. On a vraiment des talents dans le coin. Le salon met l’accent sur le local, le régional. L’économie numérique n’existe pas qu’à Paris.

Propos recueillis par Aurélien Germain

Salon du livre numérique, les 11 et 12 septembre (vendredi pour les professionnels, samedi pour le grand public). Dès 10 h, à l’Institut de Touraine. Gratuit.
>>lefuturdulivre.com

Nota Bene : l’Histoire façon YouTube

Rencontre avec Ben, créateur de la chaîne YouTube Nota Bene, où il enseigne l’Histoire de façon légère et compréhensible. Ses vidéos cartonnent et cet habitant de Tours sera au Salon du livre numérique samedi !

Ben est le créateur de la chaîne Nota Bene.
Ben est le créateur de la chaîne Nota Bene.

« Pour moi, l’Histoire n’est pas une matière chiante, loin de là. La meilleure façon d’intéresser les gens, ce n’est pas en les écrasant de dates, c’est en racontant des anecdotes et des histoires… » Ça, c’est le credo de Benjamin Brillaud. Ben, pour les intimes. Vous l’avez sûrement vu sur le Net. Grosse barbe, yeux bleus clairs, tee-shirts geeks, Ben fait le bonheur des internautes avec sa chaîne YouTube Nota Bene : « Une émission de vulgarisation de l’Histoire avec un grand H. » Tout y passe: les expéditions maritimes, les anniversaires au Moyen Âge, ou encore des questions comme Les Gaulois avaient-ils des pompiers ? Un objectif, faire découvrir l’Histoire de façon légère… et compréhensible.

Ben, ex-Parisien de 27 ans installé à Tours depuis trois ans, voit maintenant ses compteurs s’affoler. 180 000 abonnés par mois suivent ses vidéos. Certains de ses « hits », comme les morts insolites des rois, comptabilisent déjà 145 000 vues. Pourtant, Nota Bene n’existe que depuis un an.
Lancé alors qu’il était au chômage. Ben commence ses vidéos pour « passer le temps ». Maintenant, c’est un rendez-vous. Il fait des tonnes de recherches. « Sur Internet, Google Books, des livres numérisés, des encyclopédies numériques… », indique-t-il. Le reste, c’est deux, trois jours d’écriture sur un sujet, une demi-journée pour la recherche d’illustration et avoir « un script bétonné ». Il n’a plus qu’à se filmer dans son salon, puis monter sa vidéo qui durera entre 10 et 20 minutes. « Et je ne suis pas prêt de m’arrêter, c’est ma vie, mon salaire, ma crédibilité. »
Il sera d’ailleurs présent au Salon du livre numérique, samedi 12 à 14 h 30, pour parler de l’édition sur YouTube. Parce que, comme le dit Ben, « il n’y a pas que des vidéos de chat sur cette plateforme ! ».

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=83E4gDRgPqE[/youtube]