Le RIIP Fest revient : le hardcore casse les clichés

Le Riip Fest revient pour faire la part belle au hardcore, un genre musical méconnu. Le festival promeut des valeurs environnementales et le respect d’autrui. Sans
langue de bois, Émile, vice-président et programmateur, casse les préjugés.

Au néophyte, comment décririez-vous le hardcore et ses valeurs ?
Le hardcore est né du mouvement punk. C’est une musique puissante, violente, intègre, dansante. Ça a du sens. Derrière le bruit, il y a une âme. Victor Hugo disait : La musique, c’est du bruit qui pense. Eh bien, le hardcore, c’est du bruit qui pense. En fait, c’est une branche proche du hip hop, aussi bien dans les codes et la danse.

Précisons quand même aux lecteurs qu’on n’y danse pas la valse non plus ! (rires)
Oui, bien sûr ! (rires) C’est un peu plus impressionnant que la danse de salon. Ce n’est pas du lindy hop évidemment.

Le Riip Fest fêtera ses 5 ans en juillet. En regardant dans le rétro, que voyez-vous ?
Pas mal de choses. Une belle évolution et des retours on ne peut plus gratifiants. On a découvert un public et un public nous a découverts. De quoi donner envie d’aller plus loin. Bref, de belles rencontres et de fortes chaleurs ! (rires) Evidemment, il y a eu des années plus fastes que d’autres, mais il y a eu un bel élan et du soutien. La preuve lors de notre 3e édition : le même jour, à Terres du Son, il y avait Gojira en face (célèbre groupe de metal français – NDLR). C’était dur, mais on a été aidés, notre post Facebook partagé même à l’étranger et 2 000 € de dons nous sont parvenus !

Le but premier du festival, c’est de soutenir la scène locale voire régionale ?
Oui ! On a environ un cinquième, un quart de programmation locale et régionale sur notre affiche. C’est important. Un festival, c’est aussi pour mettre en avant des petites pépites qui ne demandent qu’à se développer.

Vous avez une particularité : celle de sensibiliser à la cause environnementale…
Cela a toujours été une belle valeur de notre festival. Notre équipe de sécurité – je n’aime pas trop ce terme, car tout se passe toujours bien ! (rires) – fait des maraudes pour sensibiliser le public au tri des déchets notamment. Des poubelles spéciales sont mises en place pour tout ce qui est verre, tout-venant, carton… On était conscients de cet enjeu bien avant le succès d’Europe Ecologie ! Et c’est un message souvent véhiculé dans le metal et hardcore. C’est important de sensibiliser, d’autant que nous sommes nombreux dans l’équipe de l’association à être travailleurs sociaux. De quoi permettre aussi de véhiculer une autre image, loin des stéréotypes difficiles à faire tomber : on nous voit encore comme des égorgeurs de chèvre ou des hooligans.

Le Riip Fest, c’est aussi pour casser les préjugés donc ?
Complètement. Venez partager avec nous ! C’est un moment interculturel et intergénérationnel. Beaucoup de gens sont bourrés de préjugés. Les médias n’aident pas, ils désinforment plus qu’ils n’informent. Alors que nombreuses sont les personnes nous ayant dit : « Mais qu’est-ce qu’ils sont bien éduqués et polis, les festivaliers ! »

Vous dites vouloir sensibiliser « au droit à la différence et au respect d’autrui ». 
Le droit à la différence passe par la diversité des genres musicaux qui ne sont pas à la radio. En France, on prône le droit à la liberté, mais encore faut-il avoir vraiment le choix. Combien de métalleux sont associés à des exclus sociaux à cause de leur look atypique ? Moi, ça m’interroge en tant qu’éducateur spécialisé ! Arrêtons d’avoir peur de l’autre et de la différence. On peut être percé et tatoué et être intégré. En 2018, un mec en costard est arrivé au Riip Fest. J’ai eu peur que ce soit un inspecteur de la SACEM ! (rires) En fait, il sortait simplement du travail et aimait la musique hardcore !

Le hardcore est connu pour ses préceptes vegan et végétariens. Ça vous touche au Riip Fest ?
Oh je le vois de très près, je suis végétarien depuis 8 ans. Il y a effectivement une restauration végé au Riip Fest. Les festivaliers aiment nos produits végétariens, car ils sont faits et préparés par des végétariens. On fait aussi du vegan, mais c’est important de laisser le choix, donc il y a aussi de la viande. Mais… il y aura aussi des hot dog vegan (sourires). Un omnivore pourra goûter aux deux extrêmes. Ce n’est pas un effet de mode chez nous.

Comment ça se passe avec la municipalité et les élus locaux ?
Bien. On est tolérés par les élus. On a un soutien matériel. Ce qui est déjà, en soi, de la tolérance. Donc respect. On aimerait des gestes plus importants, bien sûr, mais ça demande du temps et de l’échange. La salle Oésia nous a bien accueillis. On est tranquilles. À l’époque, on était à l’Espace Gentiana à Tours. C’est fini, mais on aimerait faire un « Winter Riip » là-bas, un festival pour l’hiver.

Vous vous positionnez comment vis-à-vis des médias régionaux ? Le hardcore est mis de côté, non ?
Sincèrement, on est même ignorés. Les gens ne savent pas qu’on existe ! C’est le prolongement du fait qu’il n’existe pas de culture rock en France. Donc pourquoi il y en aurait pour le hardcore ? On est comme des Gaulois à se battre contre les Romains.

Ça vous énerve ?
Oui complètement. Je suis arrivé à Tours en 2002. A l’époque, ça bougeait, il y avait des concerts punk dans divers endroits. Là, c’est compliqué. C’est inquiétant quand on sait les pressions sur les lieux de diffusion.

Au Riip Fest, quel est le public ?
Je dirais que c’est du 20-40 ans. Les hommes sont plus importants, mais il y a aussi pas mal de femmes. Bien plus qu’on ne le pense ! D’ailleurs, à chaque fois, elles disent que tout se passe à merveille ici. Elles n’ont aucun souci, même si elles sont en mini-short et brassière. Et c’est malheureusement loin d’être la même chose ailleurs… Sinon, deux tiers du public est extérieur à la Région Centre.

Parlons chiffres… Quel est le budget du festival ? Et à combien on évalue les cachets ?
Le budget est de 20 000 €. Tout fonctionne grâce aux festivaliers, puisqu’on n’a pas de subventions. Au niveau du cachet, un groupe situé en bas de l’affiche sera surtout défrayé. Mais pour un gros artiste, il faut compter trois zéros.

Parfois, vous vous sentez seuls avec l’asso et le festival vis-à-vis des politiques culturelles de Tours et son agglo ?
Oh oui. S’il n’y a pas, dans la politique locale, une personne indirectement passionnée, il n’y a aucune chance qu’on soit soutenus. On se bat contre des courants d’air. La tâche est dense, mais pas impossible.

Propos recueillis par Aurélien Germain / Photos : Maxime Hillairaud 


> RIIP FEST, les 12 et 13 juillet, salle Oésia à Notre-Dame d’Oé. Tarifs : Pass 2 jours : 30 € (résa) ou de 20 à 25 € la journée (résa). Site internet /  Event Faceboook 
> Avec Nasty, Back Down, Arkangel, Brutality Will Prevail, Verbal Kint et bien d’autres.

RSA : bonnes ondes sur Radio Béton

Salon de pauvres, une nouvelle émission sur Radio Béton, veut casser les a priori sur les bénéficiaires du RSA.

RSA
(Photo groupe Facebook Bénéficiaires du RSA)

« Nous souhaitons communiquer sur la précarité. Le but est de “ déstigmatiser ” l’image du bénéficiaire du RSA qui profite du système. Il faut casser les préjugés. » Isabelle Thuillier parle de Salon de pauvres. Une nouvelle émission qui, un mardi par mois, sensibilise à la situation des gens contraints de vivre avec quelques centaines d’euros. C’est Radio Béton qui offre sur son antenne une heure à « Bénéficiaires du RSA, des gens comme les autres », le groupe derrière Salon de pauvres.

La première diffusion à la mi-novembre était « un rodage ». Pour la prochaine, ce mardi 13 décembre, la fine équipe promet « d’avoir un discours plus accessible ». D’autant que l’invité, cette semaine, est Vincent Louault, conseiller départemental délégué, en charge du RSA et de l’insertion.

Une émission idéale pour offrir réflexion et prise de conscience. Car, concède Isabelle Thuillier, les a priori sur le RSA sont encore nombreux. « Alors qu’il y a un réel handicap psychologique pour les bénéficiaires… Et n’importe qui peut tomber au RSA. »

 > Le 13/12, à 15 h, sur Radio Béton, 93.6 FM. Avec l’appui de Sandrine Marchais, conseillère à l’insertion à Tours Nord (MDS).

Corentin Charbonnier : « Le metal est une valeur refuge »

Vous connaissez Corentin Charbonnier ? Ce Tourangeau chevelu est anthropologue doctorant, auteur d’une thèse sur… le festival de metal Hellfest comme lieu de pèlerinage ! A l’occasion de la semaine liée à la culture metal à Tours, on a parlé socio avec lui et dézingué les préjugés.

Corentin Charbonnier, docteur socio, mister Hellfest.
Corentin Charbonnier, docteur socio, mister Hellfest. [Photo tmv]

On vous surnomme l’anthropologue du metal. Une petite présentation ?
Je suis docteur en anthropologie et j’ai rédigé une thèse sur le Festival Hellfest, comme lieu de pèlerinage. Je suis aussi prof et chargé de cours dans diverses institutions. Il y a mon association Throne of Thanatos et avec ça, des conférences, expos-photo et l’organisation de concerts. Mon travail sur Radio Béton m’a aussi pas mal aidé pour préparer ma thèse et ses 375 interviews. Sinon, je suis Tourangeau et j’ai 33 ans. L’âge du Christ ! (rires)

Concernant votre thèse sur le Hellfest, c’est Isabelle Blanquis, de l’université de Tours, qui a accepté d’être directrice de recherche. C’était compliqué à trouver ?
Elle m’a tout de suite dit : « Je n’y connais rien. » Et moi, je m’y connaissais trop ! J’avais besoin de quelqu’un pour objectiver mon propos. Grâce à elle, j’ai pu simplifier des termes comme le mosh-pit  (un dérivé du pogo dans le public, NDLR) ou la symbolique d’un veste à patchs (une caractéristique vestimentaire du métalleux, NDLR). J’avais tout à réexpliquer, car de l’extérieur, le Hellfest est perçu comme un ramassis de gens en noir, psychopathes dans une messe satanique qui mangent des poules. Bref, la vision M6+TF1.

On trouve quoi dans votre thèse ?
Il y a une partie sur le terrain, une sur le pèlerinage du point de vue religieux et sur l’économie. Car le Hellfest, c’est tout de même 16 millions d’euros de budget alors qu’ils sont partis de rien. C’est un festival auto-subventionné vivant grâce au festivalier qui est en fait un « consommateur-actionnaire » ! Il faut aussi rappeler que le festival a réussi à se lier au local. C’est 70 000 litres de Muscadet pendant trois jours au Hellfest… et grâce à des viticulteurs du coin.

Hellfest 2015 (photo tmv)
Hellfest 2015 : on the road to Hell (photo tmv)
Capture
Cliquez sur la photo pour l’agrandir et avoir accès au programme de la semaine metal à Tours.

Votre travail doit d’ailleurs être publié…
Oui, normalement, vers octobre-novembre 2016. J’ai réduit à 200 pages et ce sera sûrement en auto-édition, pour moins de 20 € avec, peut-être, une traduction future en anglais. Bref, du « do it yourself » de A à Z.

Cent quarante personnes à la soutenance de votre thèse. Le jury a dit ne jamais avoir vu ça…
Oui, d’habitude, une thèse, c’est 30 personnes dont la famille et les potes. Là, l’amphi était blindé. Dans la foulée, la vidéo de la présentation a comptabilisé 94 000 vues sur Internet.

C’est osé d’utiliser un terme religieux – pèlerinage – pour une thèse sur le Hellfest (1). Vous avez hésité ?
Oui… J’étais passionné par ce remplacement de la religion par d’autres facteurs, comme le metal. On sait pourquoi on vient au Hellfest et pourquoi on va s’entendre entre festivaliers. Donc oui, c’est comme un pèlerinage, où l’on oublie ses différences pendant trois jours, en étant hors du temps. Il faut savoir aussi qu’un tas de festivaliers débarquent chaque année dans la petite église de Clisson. Et il n’y a jamais eu de souci.

Alors pourquoi toujours autant d’a priori en France ? Pourquoi, en Norvège par exemple, il y a des groupes de metal qui gagnent l’équivalent de nos Victoires de la musique. Idem en Allemagne, où ce genre de musique est parfaitement intégré.
Ça choque encore. C’est un territoire judéo-chrétien, où la religion a encore un impact. On a du mal, quoiqu’on en dise, à intégrer tout le monde, alors que peu importent ses différences. Dans les autres pays, le hard-rock et le heavy metal sont apparus plus tôt. Dès les années 60, en Angleterre, ils ont eu Black Sabbath, Iron Maiden… En Allemagne, pareil avec Scorpions, ou encore les années 80, en Norvège, avec les débuts du black metal. En France, on aime tacler le truc visible et – sans vouloir taper sur les journalistes, hein – mais il y a un journalisme « gros medias » toujours soumis au diktat de l’audimat. Mais voilà, désormais, les gens commencent à voir que ce n’est pas si malsain.

Beaucoup voient le métalleux comme violent, bête et bourré de bière. Mais que fait-il dans la vie ?
Oui, bon, il boit, c’est sûr ! Le Hellfest, c’est tout de même 270 000 hectolitres de Kro ! Mais le métalleux sait gérer. Il y a plus de comas éthyliques dans les soirées étudiantes (rires). Dans le village de Clisson où se déroule le festival, les habitants sont contents. Ils disent que le festivalier est propre, poli et sympa ! Majoritairement, c’est quelqu’un d’intégré. Il y a très très peu de drogues… D’ailleurs, ce n’est pas spécifique aux métalleux. Ce sont aussi des gens qui aiment jouer avec la religion. Si le metal ne choque pas, il se fait bouffer par le système.

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Et concernant les catégories socioprofessionnelles ?
Il y a de tout. Des étudiants, beaucoup de travailleurs sociaux, des gens de la police, de l’armée, ou encore des cadres de banque et des professions libérales. Au Hellfest, tout le monde se fout de la classe sociale. À préciser aussi que le métalleux consomme sa musique : il paye pour ses concerts, ses tee-shirts, sa collection de CD et de vinyles.

Certains imaginent le public metal très masculin et machiste.
En fait, le Hellfest devient de plus en plus féminin. Ce n’est pas l’équilibre, certes, mais il y a 35 % de femmes. Ça évolue ! C’est intéressant de voir leur façon de se vêtir en festival : elles peuvent être habillées hyper court, personne ne vient les embêter. Il y a toujours un respect de la femme.

Hellfest 2014 (photo tmv)
Hellfest 2014 (photo tmv)

Les médias français ont mis 10 ans à se rendre compte que le Hellfest avait du succès. Pourquoi ?
Personne n’y croyait ! Alors que maintenant, certains crèvent de faim pour obtenir leur accréditation au festival ! Cela dit, dans les années 80, Philippe Manoeuvre (journaliste et critique musical) avait dit que les Ramones et AC/DC ne feraient pas carrière…

Le sociologue Gérôme Guibert a dit que le metal donnait à ses fans une forme d’énergie face à l’adversité. Vous êtes d’accord ?
Oui, le metal est un exutoire ! Peu importe les tracas de la vie, cette musique est une valeur refuge. Le metal, ça les tient en vie ! C’est un peu comme le milieu des motards : on se rassemble dans l’adversité.

En 1991, la sociologue Deena Weinstein disait que le metal permettait d’oublier la pression du quotidien à travers un imaginaire. Est-ce toujours vrai ?

Oh oui ! Je ne pense pas qu’il y ait un seul secteur musical qui ait autant d’imaginaire. Il suffit de voir les groupes de black metal, d’autres qui parlent d’heroic fantasy, Klone et son univers positif, Avatar et ses monstres ou encore Amon Amarth et ses vikings.

Alors au final, est-ce que le metal est une contre-culture ?
J’ai du mal avec ce terme. Je ne sais pas… Disons que pour moi, c’est une culture à part entière. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si le Hellfest fonctionne si bien. Le metal possède ses rites, mais il ne rentre pas dans les moeurs et son acceptation est encore différente suivant les territoires. Le metal persiste et signe quand même : c’est la Bête qui refuse de mourir.

(1) En parlant pèlerinage, tmv fera le sien, car cette année encore, la rédac débarquera au Hellfest cet été pour vous ramener un paquet de souvenirs et un joli reportage. 

Propos recueillis par Aurélien Germain

LE PROGRAMME COMPLET DE LA SEMAINE METAL A TOURS, DÉBUT MAI :

>Tours metal week l’événement Facebook ou facebook.com/mfest.asso.5 et facebook.com/ThroneOfThanatos

Plus d’infos :

>Site officiel du Hellfest : ICI !
>Nos anciens articles sur le Hellfest : Par là !