Detroit : le film coup de poing

Une vraie claque : Detroit, signé Kathryn Bigelow (Zero Dark Thirty), est aussi percutant que monumental. Un grand film, assurément.

PAUSE_CINE

Aux États-Unis, la plaie est encore béante. Elle ne cicatrisera jamais.
C’était en juillet 1967. Des émeutes raciales secouent la ville de Detroit, suite à un raid de la police contre un bar clandestin d’un quartier noir. Un fait-divers sordide suivra : celui de l’Algiers Motel, où une descente de flics vire au cauchemar. Encerclés dans ce motel suite à un tir de balle à blanc, des musiciens afro-américains et deux jeunes femmes blanches seront séquestrés et violentés par les policiers. Et, pour certains, tués à bout portant.

C’est cette terrible soirée que Kathryn Bigelow (Zero Dark Thirty) reconstitue avec un réalisme sidérant dans Detroit. À tel point, d’ailleurs, qu’il possède une force de frappe quasi documentaire, renforcé par l’incorporation d’images d’archives. Véritable claque, Detroit fait réfléchir, choque, déstabilise.
Si le premier acte s’attache à retracer le commencement des émeutes, le second, lui, vire au huis-clos étouffant à la limite du supportable. Filmé en temps réel, il laisse le public spectateur d’une violence sèche empreinte de racisme. Même si elle souffre d’une durée un peu excessive, cette expérience aussi immersive que brutale est intense.

Detroit est aussi porté par une distribution admirable. John Boyega est parfait en agent tiraillé entre son uniforme et ses « pairs ». Will Poulter, lui, est tout aussi exceptionnel. On avait laissé le jeune comédien en puceau rigolo dans la comédie Les Miller. Ici, il incarne un policier abominable et réussit avec brio son numéro d’équilibriste dans un rôle complexe.

Mais Detroit n’est pas un brûlot anti-flics simpliste. Il est surtout un portrait minutieux d’une époque, troublant d’actualité, un devoir de mémoire. À l’époque, les policiers meurtriers avaient été reconnus non-coupables. Le jury était exclusivement blanc.

> Drame (USA). Durée : 2 h 23. De Kathryn Bigelow. Avec Will Poulter, John Boyega, Algee Smith…
> NOTE : 4/5

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Deepwater : à l’intérieur de la catastrophe

Racontant l’histoire vraie de la catastrophe Deepwater Horizon, Peter Berg accouche d’une pelloche efficace, à la croisée du drame et du film catastrophe.

« Il va faire tout noir ! »

C’était en 2010. Golfe du Mexique. L’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, puis un incendie gigantesque… et, en plus de la dizaine de morts, près de 800 millions de litres de pétrole répandus dans l’eau. Le pire désastre écologique qu’aient connu les États-Unis. Peter Berg (Hancock, Battleship…) a décidé de montrer la catastrophe de l’intérieur.

Deepwater se concentre donc sur les vingt-quatre premières heures du drame. Coupant son récit en deux parties, Deepwater débute par une introduction longuette mais nécessaire aux personnages, nourri par un sous-texte un poil grinçant sur le capitalisme. Avant de partir dans l’action pure et dure, dans un rythme effréné, empruntant aux codes du film catastrophe. Le spectateur se retrouve alors plongé en immersion sur la plate-forme.
C’est là l’un des points forts de Deepwater : on ne redeviendra « témoin » qu’une fois les secours arrivés. Le cinéaste choisit, par cet angle, d’insister sur le drame humain. En installant une atmosphère oppressante due à un lieu franchement claustro, en filmant au plus près les protagonistes. Mais aussi en les dépeignant comme des personnages ordinaires, non comme des héros (Mark Wahlberg toujours aussi « cool », Kurt Russell en chef d’équipe façon papa). Pour lancer ses piques, Deepwater n’hésite pas à mettre en scène un John Malkovitch imbuvable et arrogant au possible dans son rôle de Donald Vidrine, l’homme de BP (société locataire de la plate-forme) qui aura en quelque sorte provoqué ce drame.

Intense tant sa description des faits que dans son point culminant (la séquence de l’explosion est spectaculaire), évitant par ailleurs le patriotisme ronflant inhérent à ce genre de productions, Deepwater est un film plus qu’honnête. Et surtout efficace.

Aurélien Germain

Drame/action de Peter Berg (USA). Durée : 1 h 47. Avec Mark Wahlberg, Kurt Russell, Gina Rodriguez…
NOTE : 3,5/5

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Conjuring, les dossiers Warren : Bouh !

Le nouveau James Wan est arrivé ! Une série B angoissante et bien flippante, entre l’Exorciste et Amityville, qui fait appel à des démonologues. Et en plus, c’est inspiré de faits réels…

Ah qu’elle est mignonne tout plein cette grande famille unie, joyeuse, souriante et pleine de bonheur à l’idée d’emménager dans cette bâtisse campagnarde. Tellement mignonne qu’elle va finalement tomber dans un véritable cauchemar, à l’intérieur de cette maison possédée par un esprit plus que malfaisant.
Nouveau film de James Wan (réalisateur du tout premier Saw et du génial Insidious), CONJURING : LES DOSSIERS WARREN n’est pas qu’un simple film de possession, un énième ersatz du cultissime Exorciste de Friedkin. Estampillé de la mention « inspiré de faits réels » (qui fait toujours son petit effet dans les gargouillis de l’estomac des fans des productions horrifiques), Conjuring est aussi un biopic sur Ed et Lorraine Warren, deux parapsychologues experts en démonologie. Ce couple aux 4 000 dossiers paranormaux ont réellement existé (ce sont eux qui se sont occupés du cas célèbre Amityville et la femme médium est d’ailleurs toujours vivante), le réalisateur les incorpore dans son long-métrage pour venir en aide à cette famille complètement flippée dans cette maison hantée.
Et c’est là où James Wan marque son premier point. Insufflant par là une dose d’authenticité, il dresse un portrait intéressant de ce couple intriguant ; portrait réussi notamment par les performances sans faille de Patrick Wilson et Vera Farmiga (belle, intense et pleine de justesse).
Si tous les personnages sont plein de justesse (la maman, Lily Taylor est absolument stupéfiante et bluffante !), le récit est rendu encore plus crédible par ses décors, sa très belle photographie et l’utilisation de son ambiance seventies ; l’histoire se déroulant à cette époque.
Pour le reste, Conjuring a beau utiliser toutes les ficelles de l’épouvante et les poncifs inhérents à ce genre, il fait réellement peur. OUI, James Wan n’invente strictement rien et reste en terrain balisé, mais son utilisation de nos terreurs les plus enfantines et primaires fonctionne toujours aussi bien : suggestion, bruits de porte ou dans les murs, voix susurrées, poupée maléfique, peur du noir, références au Diable, apparitions…
Malgré des artifices éculés donc, la frousse et la tension sont intenses, surexploitées – en bien – par une musique diablement efficace, notamment par ses infrabasses. Pour preuve, le deuxième acte, véritable montagne russe allant crescendo dans les scènes-choc est une véritable réussite.
James Wan et son Conjuring prouvent, une nouvelle fois à Hollywood, qu’un budget colossal n’est pas obligatoire pour accoucher d’un bon film flippant ou simplement performant (n’est-ce pas World War Z ?…). Sans être le film d’épouvante du siècle ou réinventer le style, Conjuring est une série B vraiment angoissante, contrairement à d’autres soi-disant frayeurs (coucou les arnaqueurs de Paranormal Activity, on parle de vous) et admirablement bien réalisée, malgré son manque d’originalité.
Aurélien Germain
SORTIE LE 21 AOUT 2013
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Bande annonce :
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