Mac-Kenley et Morena, réfugiés haïtiens à la tête de l’atelier de couture de la Table de Jeanne-Marie

#VisMaVille Morena Paulas et Mac-Kenley Darius sont créateurs de mode et bénévoles à la table de Jeanne Marie. Réfugiés haïtiens, ils donnent de leur temps à l’atelier couture.

Ils devaient arriver en Espagne mais le sort en a décidé autrement. Suite à des tests PCR perdus à l’aéroport de Roissy, les voilà réfugiés en France, atterrissant finalement à Tours, chez une connaissance, en décembre 2021. Demandeurs d’asile, ils ont fui Haïti, ses violences et insécurités quotidiennes, menacés dans leur chair pour leurs opinions et pour ce qu’ils sont.

Car Mac-Kenley Darius, 29 ans et Morena Paulas, 25 ans, étaient là-bas des artistes émergents, designers et créateurs de mode reconnus, ayant habillé Miss Universe Haïti en 2021 et participé dernièrement au défilé de mode annuel, « Fortuny », à Grenade, en Espagne.

 

À Tours, ils ont très vite rencontré Damien, bénévole de la table de Jeanne Marie – association qui distribue des repas chauds à ceux qui poussent sa porte, qui les prend sous son aile. Les voilà propulsés à la tête de l’atelier de couture, avec comme défi de réaliser, pour les six ans de l’association, une collection pour un défilé de mode en à peine une semaine.

« Ils ont fait avec ce que l’on avait sous la main, du papier peint, des tissus… Cela les a motivés », assure Damien. La débrouillardise, les deux compères designers connaissent dans leur pays. « On a commencé dans la récupération des vêtements jetés. On récupère les tissus, tout accessoire permettant de créer autre chose ».

Dans le duo, Morena dessine des patrons, ajuste des perles sur des robes, s’occupe de la partie maquillage. Mac-Kenley, peintre et plasticien, a été formé à l’École nationale d’art de Port au Prince. Ensemble, ils ont créé leur collection « Minokan » avec pour but de « mettre en valeur la culture haïtienne vaudou, ses cultures ancestrales, à travers la mode ». Ainsi, des couronnes imposantes tutoient des tenues traditionnelles, flamboyantes, revisitées à travers le prisme des deux créateurs.

Ces derniers mois, réfugiés à Tours, les deux jeunes hommes s’occupent à l’atelier de couture de Jeanne Marie, essayant de ne pas perdre le fil de leur passion. « Nous aimerions faire découvrir notre talent à Tours. Aider les gens qui participent à la table de Jeanne Marie et leur créer des vêtements. Ils nous aident et nous souhaitons les aider aussi. »

En attendant, logés dans des foyers d’hébergement temporaire, Morena et Mac-Kenley apprécient la vie tourangelle paisible. « Nous pouvons marcher dans la rue tranquilles ici. » Soucieux de s’intégrer, ils vont s’inscrire à la faculté des Tanneurs, en langues étrangères et sociologie appliquées pour l’un, et en sciences humaines pour l’autre. Le duo cultivé devrait vite être remarqué.

Aurélie Dunouau

Des dons en partance pour Haïti grâce à des étudiantes tourangelles

#EPJTMV Depuis septembre, un groupe d’étudiantes œuvre pour l’association humanitaire Agir pour l’enfant. Une tombola destinée à récolter des fonds est actuellement en cours.

Les faits

Plus de 1 000 euros et autant de dons en nature. C’est ce qu’ont récolté sept étudiantes en Gestion à l’Université de Tours en faveur de l’association Agir pour l’enfant. C’est dans le cadre de leur projet d’étude, étalé sur toute l’année universitaire, que les étudiantes collaborent avec les bénévoles. « On voulait de l’humanitaire, aider les autres », explique Laury, en deuxième année et cheffe du projet.

La mission

Envoi de livres, manuels scolaires, produits d’hygiène ou encore jouets, Agir pour l’enfant œuvre en faveur des enfants haïtiens en détresse depuis 2001. L’argent récolté permet également de financer des services et infrastructures à destination directe des enfants dans le pays.

L’équipe des jeunes étudiantes a pour mission de gérer la communication de l’association sur les réseaux sociaux et d’augmenter sa visibilité auprès du public. Elles organisent également des opérations de collecte de dons.

Les actions

Après avoir réuni près de 100 kg de dons sur le campus des Deux-Lions, une cagnotte Leetchi* a été mise en ligne et comptabilise déjà 310 euros de dons. En décembre, des objets haïtiens ont été vendus sur le marché de Noël et un stand d’emballage de cadeaux a été installé dans une enseigne de jouets pour enfants. Une tombola, dont les étudiantes espèrent récolter 700 euros supplémentaires, est également en cours.

Les résultats du tirage seront révélés sur le compte Instagram de l’association (@_agirpourlenfant_) le 22 février prochain.

Le point de vue

« La situation sécuritaire en Haïti n’a pas permis d’envoyer du matériel ces deux dernières années », regrette Guy Brault, le président d’Agir pour l’enfant. Alors, depuis quelques mois et à l’approche du prochain envoi de ressources matérielles vers Haïti, prévu pour fin avril, les étudiantes multiplient les opérations de récolte, animées par la volonté de venir en aide.

Selon le président de l’association, ces aides bénéficient à plus de 1 000 enfants haïtiens. Jusqu’en avril, l’équipe d’étudiantes est mobilisée pour organiser des collectes, notamment dans les supermarchés ou les établissements scolaires.

Charles Bury, journaliste en formation à l’EPJT

* leetchi.com/c/agir-pour-lenfant

Rencontre avec les étudiants internationaux à Tours – Lorenzo : « Ça passe ou ça casse »

#EPJTMV [1/4] Il parle anglais, français, créole haïtien et espagnol. Autant dire que Lorenzo Kavens Colin est un amoureux des langues. Né d’un père canadien et d’une mère haïtienne, l’étudiant de 21 ans a trouvé sa place dans la Ville de Tours, depuis son arrivée en 2020. Rencontre avec un étudiant international – épisode 1.

 

Regard rieur, tempérament insouciant et particulièrement éloquent, Lorenzo Kavens Colin n’a pas froid aux yeux. En troisième année, il suit une double licence de droit et de langues étrangères appliquées (LEA) et parle quotidiennement l’anglais à l’université. C’est ce goût pour l’étranger qui l’a poussé à quitter son pays d’origine, Haïti, en 2019.

Des anecdotes plein le sac

Lorenzo pose ses valises à Tours en août 2020 avec une idée en tête : se lancer dans le commerce international. « Je me dis toujours : ça passe ou ça casse. » Et justement, cette rentrée scolaire est restée gravée dans sa mémoire comme la fois où ce n’est pas passé :

Depuis, Lorenzo a pris ses marques à Tours. « Je suis déjà en troisième année, j’ai trop le seum (grande déception, NDLR) », lâche celui qui s’est laissé déborder par le temps et les « soirées entre potes ».

L’étudiant ne chôme pas. Pendant les vacances, il trouve toujours un job étudiant. « Quand il faut être sérieux, Lorenzo sait l’être. Et quand il faut rigoler, il sait aussi profiter », raconte son ami Adja Ba, qui l’a rencontré lors d’un contrat saisonnier au Burger King de Joué-lès-Tours. « C’est quelqu’un de simple qui ne se prend pas la tête », ajoute-t-elle.

En effet, la philosophie de Lorenzo peut se résumer ainsi :

Un grand orateur avide de connaissances

Après une première année en LEA à Strasbourg, Lorenzo est resté sur sa faim. Pendant le confinement, il s’est découvert un nouvel intérêt : « Je me suis pris d’amour pour le droit », déclare-t-il. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a rejoint la ville tourangelle dont l’université dispensait la double licence droit et LEA.

Avide de connaissances et jeune homme ambitieux, Lorenzo ne dirait pas non à une carrière politique. Un homme, récemment, l’a « captivé » : Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. « Il est comme un modèle pour moi, confesse Lorenzo. J’ai vu qu’il avait fait des études de droit et de sciences politiques… », s’interrompt-il en suggérant que c’est lui qui l’a inspiré dans son orientation.

Ce qu’aime Lorenzo, avant tout, c’est l’échange et l’art oratoire. Vice-secrétaire et membre actif de l’association Munto, il participe aux débats en anglais organisés par le collectif étudiant. En Haïti, il faisait déjà partie d’un groupe de débat nommé Fokal. Habitué à se prêter à l’exercice, il a même gagné le tournoi régional de débat à Jacmel, en Haïti, en avril 2018.

Le regard tourné vers l’international

Ces expériences l’ont amené, petit à petit, à vouloir travailler au contact de l’humain. « Avant, je voulais être psychologue parce que j’aime aider les gens. Mais ça ne me suffisait pas et sans passion, je n’aurais pas été un bon psychologue » Aujourd’hui, Lorenzo voit les choses en plus grand. Passionné par les sujets juridiques et internationaux, il rêve de travailler à l’ONU.

Insatiable voyageur, il aimerait continuer son voyage à travers le monde l’année prochaine. Pour choisir sa destination, il a sa méthode bien à lui : le quadrilingue ne choisit pas en fonction d’un territoire mais en fonction d’une langue à perfectionner. Cap sur un pays anglophone ou hispanophone.

Texte : Prunelle Menu, journaliste en formation à l’EPJT

Crédit Photo : Julie Cedo, journaliste en formation à l’EPJT