La cuisine centrale dans le pétrin ?

La cuisine centrale des Fontaines ne semble plus adaptée. La question de son avenir se pose et cela pourrait ne pas être sans conséquences sur les assiettes de nos enfants…

Si ce que mangent les petits Tourangeaux est relativement bon, sain et de qualité, force est de constater qu’une menace pèse sur les repas scolaires de notre cité de la gastronomie. « Cette cuisine tourne très bien, assure Barbara Darnet-Malaquin, adjointe en charge de l’éducation et déléguée à la famille et à la petite enfance. Mais elle n’est plus adaptée. » Et pour cause, depuis quelques années, la Direction départementale de la protection de la population, ex-service vétérinaire, relèverait quelques « non-conformités »… Alors faut-il restaurer, reconstruire, repenser ?
« On y travaille, affirme l’adjointe. Mais beaucoup de questions se posent. » Une en particulier inquiète les directeurs et directrices d’écoles, le personnel de restauration et les parents d’élèves : devant l’ampleur du chantier estimé à 8 millions d’euros, la mairie pourrait décider de déléguer la restauration scolaire à une société privée type Sodexo ou Elior. Mme Darnet-Malaquin ne s’en cache qu’à moitié : « Beaucoup de communes travaillent avec le privé. Dans les cuisines récentes, il n’y a plus de produits bruts travaillés. Aujourd’hui, ça arrive en sachet. Cela permet d’avoir moins de personnel. »

La preuve par l’exemple : pour préparer 8 000 repas, la cuisine de Tours fait travailler environ 45 personnes en production, quand celle de Nancy, confiée à Sodexo, en emploie 10… Selon le Syndicat national de la restauration collective, 51 % des établissements du premier degré dépendent d’une cuisine gérée par une société privée. Une aberration selon la FCPE37 (Fédération des conseils de parents d’élèves) qui craint une baisse de la qualité des repas et une perte de visibilité et de traçabilité.
Pour le moment, seule une « étude de programmation » pour une nouvelle cuisine centrale a été votée au Budget primitif 2016. Sur cette question, comme sur beaucoup d’autres, la mairie a refusé de nous en dire plus mais d’après nos informations, rien n’a encore été lancé pour le moment.

Jeanne Beutter

POINT DE VUE
Emmanuel Denis, conseiller municipal de Tours (EELV)
« L’externalisation rendrait encore plus industrielle la nourriture servie à nos enfants, alors que c’est l’occasion de construire un projet global aux retentissements forts pour tout le territoire : politique d’installation agricole, construction d’une légumerie automatisée qui pourrait servir à toute la restauration collective, etc. Avec 5 ou 6 maraîchers, on pourrait profiter d’une ceinture verte autour de la ville. Demain, ces producteurs seraient à même de fournir une bonne partie de l’alimentation des Tourangeaux. »

>> ENQUÊTE SUR LES CANTINES SCOLAIRES A TOURS. A lire par ici ! <<

A Tours, des écoliers font leur propre JT !

À l’école Jules-Verne de Tours-Nord, des élèves réalisent journaux télévisés et flashs spéciaux de A à Z. Tmv est allé les rencontrer un jour de tournage.

Manel et Issam, les deux présentateurs du JT, sont prêts pour le tournage.
Manel et Issam, les deux présentateurs du JT, sont prêts pour le tournage.

Nous voilà, chers téléspectateurs, pour le JT de JV9 ! » C’est ainsi que Manel et Issam lancent le 9e journal télévisé de l’école élémentaire Jules-Verne, à Tours-Nord. Face à eux, Adem est planté derrière la caméra. Quant à Ayoube, en bon rédacteur en chef, il supervise le tout. Les quatre élèves de CM1- CM2 ont installé leur plateau télévisé dans la salle de classe de Pierre Deseuf, enseignant en CM2 dans l’établissement. Rien de spécial à préparer pour les décors, la classe est déjà bien pourvue. Sur les murs s’étalent du papier argenté et des affiches multicolores qui présentent les Aliens, les romans d’anticipation ou le genre post-apocalyptique. Il y a même un vaisseau Star wars accroché au plafond. « On travaille sur les auteurs de science-fiction pour enfants, précise l’enseignant. On est en train d’écrire un livre de SF dont vous êtes le héros. » Finalement, à tmv, on aurait bien envie de retourner en CM2 ! Pour filmer, pas besoin non plus de grands moyens matériels et financiers : une petite caméra numérique et un pied suffisent. Ce qu’il faut surtout : du temps. Et l’investissement de Pierre Deseuf dépasse largement le cadre scolaire.

Tout a commencé il y a trois ans. Alors que l’école s’était auparavant dotée d’une caméra pour un voyage en Angleterre, des élèves de CE2 ont souhaité l’utiliser pour filmer une séance à la patinoire. Ils décident de monter un journal télévisé et sa diffusion, dans toute l’école, rencontre beaucoup de succès. La première édition fait des émules. « Au début, nous programmions des reportages uniquement dans l’enceinte de l’école. Puis nous avons commencé à sortir. Comme cette fois où nous sommes allés aux Remparts de Tours, un samedi de 9 h à minuit. Nous avons assisté à l’entraînement et au match, visité les vestiaires, interviewé le président du club… Une sacrée journée ! », se remémore le professeur.

Ayoube, le rédacteur en chef, regarde avec attention les images tournées par Adem.
Ayoube, le rédacteur en chef, regarde avec attention les images tournées par Adem.

Ce jeudi-là, les élèves ne disposent que d’une heure pour tourner leur JT. Tous les reportages sont prêts. L’objectif ? Enregistrer la présentation du journal et les lancements de chaque séquence filmée. Les deux présentateurs répètent rapidement leur texte, inscrit sur une feuille de papier. Ici, il faut se débrouiller sans prompteur. Puis, c’est parti pour la première prise, en mouvement, à l’entrée de l’école. Pas facile de stabiliser manuellement la caméra en marche arrière ! Ayoube garde l’oeil sur chaque prise. Son avis sur la première ? « La caméra bouge trop. Il faut la refaire. » La deuxième fois, c’est le cadrage qui semble mauvais. Au bout de quatre tentatives, Pierre Deseuf intervient : il est temps de passer à la suite. « Ayoube est très attentif au résultat final, remarque-t-il. Nos objectifs ne sont pas les mêmes. Pour moi, peu importe si le journal est raté. Ce qui compte, ce sont leurs progrès en diction, en français, en concentration… »
Car l’intérêt pédagogique de ce projet est indéniable. Avant chaque reportage, les élèves rédigent une fiche de préparation. Ils travaillent ainsi l’expression écrite, la manière de poser des questions ou l’organisation dans le temps. Après le tournage, ils se chargent de visionner les vidéos, sélectionner les séquences, les monter puis écrire et enregistrer les commentaires. De multiples tâches qui leur permettent de développer des compétences scolaires. Aussi, le comité de rédaction se réunit chaque semaine sous la direction d’Ayoube.

D’ailleurs, comment appréhende-t-il sa fonction ? « Je donne des rôles aux gens, je suis le chef ! » Ce qu’il aime aussi : écrire et organiser le calendrier. « Plusieurs élèves en difficulté accèdent à ce projet, ajoute Pierre Deseuf. Un ancien présentateur, par exemple, avait de grosses difficultés d’élocution. Il passait des heures à s’entraîner. » En effet, les apprentis journalistes sont très motivés. Avec l’expérience, ils prennent confiance et commencent même à se lâcher sur la présentation. Bientôt Le petit journal bis ? « C’est bien, mais c’est plus compliqué à filmer », note leur enseignant. « Mais c’est plus génial ! », répond Manel du tac au tac. Hyper à l’aise face à la caméra, la jeune fille est aussi pleine d’enthousiasme : « Depuis que je regardais le JT de l’école, j’avais trop envie d’y participer. J’ai eu une grande chance qu’Ayoube me choisisse pour la présentation. »

Pas facile de filmer en mouvement.
Pas facile de filmer en mouvement.

L’équipe redouble d’inventivité pour lancer ses sujets. En témoignent leurs différentes mises en scène : munis d’un sabre laser et d’un pistolet, ils se prennent pour des chevaliers Jedi. Puis, pour annoncer un reportage sur des correspondants anglais, ils boivent le thé dans une tasse à l’effigie de la reine d’Angleterre : « Hum, delicious ! ». Avec l’accent, bien sûr. Cette envie de bien faire, cet investissement, Pierre Deseuf y est particulièrement attentif. Pour autant, ce n’est pas tous les jours facile. Comme cette fois où Ayoube a piqué une grosse colère à cause d’un reportage commandé qui n’avait pas été réalisé. Aussi, les enfants s’investissent personnellement et s’exposent au regard des autres. Ce projet, ils le mènent avec une grande autonomie. Ils apprennent en faisant. Et en se trompant. « C’est aussi par la pratique qu’ils appréhendent les dessous du journalisme, ajoute le professeur. Comment sélectionner les images ? Que choisit-on de montrer aux gens ? » Parfois, lorsqu’ils décident de montrer un événement qui se passe mal, leurs camarades ne sont pas contents… Pour l’instant, ce n’est pas le souci d’Issam, le second présentateur, qui a hâte que le prochain JT soit diffusé : « On va passer devant toute l’école, on va être célèbre ! C’est mon rêve ! », s’exclame-t-il. Les parents peuvent également visionner le journal sur une page privée Facebook.

Il a fallu répéter plusieurs fois la séquence Star wars.
Il a fallu répéter plusieurs fois la séquence Star wars.

Parfois, les enfants ont même le privilège de réaliser un reportage secret. « Seuls ceux qui travaillent sur le sujet sont au courant. Il doivent garder le secret jusqu’à la diffusion. Il se sentent investis d’un rôle, et ça les met en confiance », estime Pierre Deseuf. Par exemple, lorsque deux classes ont déménagé récemment au rez-de-chaussée, des élèves ont enquêté sur les raisons de ce changement. Lorsque le flash spécial a été diffusé dans toute l’école, c’était un vrai scoop. Chaque fin d’année, les enfants réalisent même une fiction. La cerise sur le gâteau.

Reportage et photos : Nathalie Picard