Les super pouvoirs de l’œuf !

À Nouzilly, au centre Inra Val de Loire, une équipe de recherche à la renommée internationale scrute l’œuf sous toutes ses coutures. Leurs découvertes n’ont pas fini de nous étonner.

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Ce dispositif mesure la hauteur du blanc pour connaître la fraîcheur de l’oeuf.

C’est une histoire sans fin. « Voilà 36 ans que je travaille sur l’œuf et nous sommes loin d’en connaître tous les mystères. De nouvelles questions émergent à chaque découverte », s’enthousiasme le chercheur Joël Gautron, co-responsable avec Sophie Réhault-Godbert, de l’équipe Dove — Défense de l’ œuf, valorisation, évolution (rien à voir avec le shampoing !) — à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Nouzilly.
Un œuf, ça paraît simple pourtant ?

KIT POUR SUPER POUSSIN

Rassurez-vous : à moins d’une mauvaise blague, vous ne risquez pas de tomber sur un poussin en cassant des œufs dédiés à la consommation. Comme ils ne sont pas fécondés par les spermatozoïdes du coq, ils ne peuvent pas contenir d’embryon de poussin. En revanche, avec de bons yeux, vous pourrez peut-être observer un minuscule disque blanc sur le jaune : c’est le gamète femelle (la cellule reproductrice).
Ainsi, les œufs de nos omelettes, gâteaux et autres préparations culinaires ont été détournés de leur usage premier : « Une fois que l’oeuf est constitué, on ne peut rien y apporter, rien en sortir. Il renferme donc tous les constituants nécessaires à la vie, afin d’assurer le développement du poussin : nutriments, substances stimulant la formation des vaisseaux sanguins, molécules de défense… Ce qui lui confère des propriétés remarquables », poursuit l’expert en science de l’œuf.

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Si simple et si complexe ! Même pour les experts comme Joël Gautron, l’oeuf garde bien des mystères

SUPER ALIMENT

Première mission : nourrir le futur poussin. Le jaune et le blanc renferment de précieuses réserves nutritionnelles. Lesquelles sont tout aussi intéressantes pour les humains. Ainsi, l’oeuf est un aliment riche en vitamines, minéraux (phosphore, soufre, fer…), lipides insaturés (les bonnes graisses), et surtout, en protéines d’excellente qualité.
« Elle sont très digestibles et renforcent la sensation de satiété. En effet, il n’y a pas de place pour accumuler de déchets dans l’oeuf », précise Joël Gautron. Mais que penser de sa richesse en cholestérol ? Dans les années 80, le cholestérol alimentaire était pointé du doigt : il augmenterait le taux de mauvais cholestérol dans le sang. Les études menées depuis ont démenti cette accusation. Pour la plupart des gens, le cholestérol des aliments n’accroît pas le risque de maladies cardio-vasculaires. Pas de raison, donc, de se priver d’oeufs.

SUPER ARSENAL DE DÉFENSE

Nom de code : AvBD11. La beta-défensine 11 aviaire intéresse l’équipe Dove. Présente dans le blanc d’oeuf, c’est une molécule de défense contre les parasites, les virus et les bactéries. Après l’avoir purifiée, les chercheurs sont en train d’analyser ses propriétés, sa stabilité et sa structure.
L’AvBD11 fait partie d’un puissant arsenal de défense. En effet, l’oeuf doit protéger le futur poussin des invasions de microbes. Certaines molécules seraient utilisables en santé humaine ou animale. Par exemple, des antibiotiques naturels contenus dans l’oeuf pourraient servir d’alternatives aux antibiotiques classiques, auxquels les bactéries deviennent de plus en plus résistantes.

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L’assistante ingénieur Alice Boinet trie les coquilles selon leur solidité afin d’analyser leurs molécules.

SUPER COQUILLE

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Poids, hauteur du jaune, diamètre du blanc, solidité de la coquille… : cette machine passe au crible les œufs.

« Un oeuf peut résister à 4 kg de pression. On peut même marcher dessus », affirme Joël Gautron, une photo de lui à l’appui, debout sur un tapis d’oeufs. Véritable céramique naturelle, la coquille est composée de cristaux de calcite, comme le marbre ou la coquille d’huître, et parsemée de milliers de pores permettant les échanges gazeux. La coquille est recouverte d’un film naturel : la cuticule. Au passage, sa couleur n’a rien à voir avec l’alimentation de la poule. En réalité, elle dépend de ses gènes. C’est un peu comme nos cheveux : ils ne vont pas virer au violet si l’on mange des betteraves…
La cuticule constitue elle-aussi une protection contre les bactéries. « Laver les œufs ou les faire passer d’une température froide à chaude l’abîme », pointe Joël Gautron. Une aubaine pour les bactéries, qui pénètrent plus facilement.

SUPER POULE

Un œuf par jour. C’est quasiment ce que produit une poule pondeuse adulte dès l’âge de six mois. Elle pèse 1,5 à 2 kg et fabrique un œuf de 50 à 60 g doté d’une coquille riche en calcium. Cette minéralisation ultra-rapide est étudiée de près par les scientifiques.
Venu de l’université d’Ottawa grâce à un programme d’accueil de chercheurs étrangers, Maxwell Hincke s’intéresse au devenir du calcium dans l’oeuf fécondé : « L’embryon prélève le calcium nécessaire à la croissance de ses os dans la coquille. Celle-ci s’affaiblit et protège moins bien le futur poussin, qui synthétise alors de nouvelles molécules de défense. C’est un processus fascinant ! » De quoi alimenter vos conversations lors du repas de Pâques !

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Expérience à tester chez soi : Donnez un bain de vinaigre à un œuf jusqu’à ce que sa coquille se dissolve : vous obtiendrez une balle rebondissante. Solidité non garantie…

Textes et photos : Nathalie Picard

Interview rentrée : "Une période pour se réhabituer"

François Testu est professeur émérite de psychologie à l’Université de Tours. Il vient de fonder l’Observatoire du Temps de vie des enfants et des jeunes à Paris.

DOSS_PAP2_TESTUQue représente la rentrée dans notre société actuelle ?
C’est un repère temporel. Elle arrive après les vacances qui représentent une cassure dans notre vie qui tourne autour du travail. La rentrée est une période pour se réhabituer. Elle correspond en général avec la reprise scolaire. Notre année est dirigée par le temps à l’école de nos enfants. C’est impossible de travailler en continu. Il faut respecter les pauses. Quand j’entends des parents parler de préparation avant la rentrée pour de jeunes enfants, je me dis qu’il faut aussi se laisser du temps pour en profiter, ne pas gâcher la fin de ses vacances. Pour les adultes, c’est pareil.

Finalement, avec la reprise du travail, c’est la question du rythme de vie qui apparaît. Quel constat portez-vous sur l’emploi du temps au travail actuellement ?
Le travail est inscrit dans notre patrimoine génétique. Mais il faut aussi concilier notre emploi du temps professionnel avec notre rythme biologique. Par exemple, au Japon, certaines firmes prévoient un temps de sieste pour leurs employés. Il y a bien sûr une logique de rentabilité, mais cette initiative a le mérite d’exister et de correspondre au temps de pauses utiles. Comme pour les enfants, il y a une logique : certaines périodes de la journée sont favorables pour agir. D’autres, par exemple, après la pause de midi, peuvent être utilisées à des tâches moins sollicitantes. En France, nous sommes encore loin de ce système. Prenez le travail de nuit. C’est une aberration biologique : un moment où notre vigilance est quasiment nulle et notre productivité très faible. Certes, un hôpital ne peut pas s’arrêter de fonctionner. En revanche, vous pouvez éviter de faire tourner une usine la nuit.

Vous remettez en cause la « culture » du temps dans notre société ?
J’ai du mal à suivre le raisonnement sur la flexibilité du temps de travail. Sur le niveau strictement scientifique, c’est un mauvais emploi du temps qui crée une désynchronisation de notre vie. Le train-train, c’est plus agréable et plus sain que de savoir au dernier moment quel jour vous travaillez.

En chronopsychologie et chronobiologie, il reste encore peu d’études sur le rythme de vie des adultes, comment l’expliquez- vous ?
Dans notre domaine, il existe trois étapes : celle des enfants, celle des ados et viennent ensuite les adultes. S’il y a eu quelques travaux sur le rythme des étudiants, les ados et les adultes sont les grands absents des recherches. Pour la simple raison que c’est très compliqué, variable en fonction des profils, des métiers… On vient à peine de mettre en avant celle des enfants avec les rythmes scolaires. Il y a encore du chemin à parcourir.