Carambol-âge : psychologie et sociologie se penchent sur la question de l’âge

« Si on ne se rebelle pas à l’adolescence, on le fera plus tard. » L’âge, ça pique vraiment ? On a cherché du côté de la sociologie et de la psychologie…

Léa Raimon (cf. photo) est psychologue à Tours, où elle suit des adolescents, enfants et leurs parents. Le « quincado » est-il comme un ado ? « L’adolescence est un moment de changement : changement du corps, et des relations avec l’apparition des premières amours. C’est un âge où on se rebelle, car on s’individualise, on se détache de nos parents. C’est normal. Et si on ne se rebelle pas à l’adolescence, on le fera plus tard ! ».

Résultat, une belle crise de la quarantaine ou de la cinquantaine, avec divorce, achat d’une belle voiture et caprices en série. Les quincados ne sont cependant pas dans une crise passagère, selon celui qui a inventé le terme, Serge Guérin : « Pour résumer, des millions de 45-65 ans, qui ont parfois de grands enfants, voire des petits-enfants, se comportent en jeunes adultes trentenaires ou en joyeux “ jeunes ”. De la tenue au langage, en passant par les loisirs, les sports et les voyages, ou encore leurs relations avec les autres et leur manière de voir le monde, leur mode de vie est bien éloigné de celui de leurs parents au même âge » (Les Quincados, Calmann-Levy).

Et le regard d’autrui ?

Allongement de la durée de vie et recul de l’âge de la retraite n’ont-ils pas participé à cette transformation du mode de vie des quinquas-sexagénaires… et à notre manière de les voir ? Mais qu’on soit un papy dynamique ou non, les chiffres sont là. Ils avancent, les aiguilles de l’horloge tournent, bref, le temps passe, on vieillit.

Pour Léa Raimon, ces jeunes seniors d’aujourd’hui souffrent peut-être du regard d’autrui sur ce point : « Même si ces quincados ne se sentent pas vieillir, la société leur renvoie leur âge. » Or ces quincados, selon Serge Guérin, « veulent un libre arbitre de l’âge, c’est-à-dire décider de ce qui est bon pour eux, de ce qui leur plaît, sans se conforter à une image standardisée en fonction de leur état civil ». Euh… ce serait pas valable pour n’importe qui, à n’importe quel âge, ça ?

On a trouvé un slogan pour un effet anti-âge et liberté garanti, bien meilleur que toutes les crèmes antirides : À bas les normes, et vive la vie !

M.M.

Interview rentrée : "Une période pour se réhabituer"

François Testu est professeur émérite de psychologie à l’Université de Tours. Il vient de fonder l’Observatoire du Temps de vie des enfants et des jeunes à Paris.

DOSS_PAP2_TESTUQue représente la rentrée dans notre société actuelle ?
C’est un repère temporel. Elle arrive après les vacances qui représentent une cassure dans notre vie qui tourne autour du travail. La rentrée est une période pour se réhabituer. Elle correspond en général avec la reprise scolaire. Notre année est dirigée par le temps à l’école de nos enfants. C’est impossible de travailler en continu. Il faut respecter les pauses. Quand j’entends des parents parler de préparation avant la rentrée pour de jeunes enfants, je me dis qu’il faut aussi se laisser du temps pour en profiter, ne pas gâcher la fin de ses vacances. Pour les adultes, c’est pareil.

Finalement, avec la reprise du travail, c’est la question du rythme de vie qui apparaît. Quel constat portez-vous sur l’emploi du temps au travail actuellement ?
Le travail est inscrit dans notre patrimoine génétique. Mais il faut aussi concilier notre emploi du temps professionnel avec notre rythme biologique. Par exemple, au Japon, certaines firmes prévoient un temps de sieste pour leurs employés. Il y a bien sûr une logique de rentabilité, mais cette initiative a le mérite d’exister et de correspondre au temps de pauses utiles. Comme pour les enfants, il y a une logique : certaines périodes de la journée sont favorables pour agir. D’autres, par exemple, après la pause de midi, peuvent être utilisées à des tâches moins sollicitantes. En France, nous sommes encore loin de ce système. Prenez le travail de nuit. C’est une aberration biologique : un moment où notre vigilance est quasiment nulle et notre productivité très faible. Certes, un hôpital ne peut pas s’arrêter de fonctionner. En revanche, vous pouvez éviter de faire tourner une usine la nuit.

Vous remettez en cause la « culture » du temps dans notre société ?
J’ai du mal à suivre le raisonnement sur la flexibilité du temps de travail. Sur le niveau strictement scientifique, c’est un mauvais emploi du temps qui crée une désynchronisation de notre vie. Le train-train, c’est plus agréable et plus sain que de savoir au dernier moment quel jour vous travaillez.

En chronopsychologie et chronobiologie, il reste encore peu d’études sur le rythme de vie des adultes, comment l’expliquez- vous ?
Dans notre domaine, il existe trois étapes : celle des enfants, celle des ados et viennent ensuite les adultes. S’il y a eu quelques travaux sur le rythme des étudiants, les ados et les adultes sont les grands absents des recherches. Pour la simple raison que c’est très compliqué, variable en fonction des profils, des métiers… On vient à peine de mettre en avant celle des enfants avec les rythmes scolaires. Il y a encore du chemin à parcourir.