« C’est un pari risqué de devenir musicien »

#VisMaVille Tours ne manque pas de bars et de salles de concerts pour écouter de la musique. En vous y aventurant, vous pourrez sûrement y croiser Rémy, un jeune bassiste professionnel, qui fait tomber les clichés sur les musiciens bohèmes.

On va faire avec deux amis un concert d’une heure, puis les musiciens présents pourront venir jouer s’ils veulent ! », explique Rémy Rouland en sortant sa contrebasse d’une camionnette.

Ce 8 janvier, le bassiste et contrebassiste intermittent de 23 ans, à l’air timide, reprend les standards de jazz au bar Le Strapontin à Tours. Ce soir, c’est « jam session », une séance d’improvisation musicale. L’ambiance est feutrée, des jeunes côtoient des plus vieux et se détendent autour d’un verre.

Rémy Rouland fait partie des nombreux musiciens très actifs à Tours. Loin de la vie bohème, il renvoie l’image d’un professionnel rigoureux, comme le remarque Jérôme Bonvin, gérant du Strapontin : « Il est très sérieux, on n’a pas besoin de lui courir après. » Originaire du Mans, il découvre la basse à 16 ans dans un groupe de funk. Rémy Rouland arrive à Tours en 2013 pour des études en musicologie.

Sa licence en poche, il souhaite pratiquer davantage. Il entame une formation de bassiste à l’école de musique Jazz à Tours. « J’y ai rencontré beaucoup de musiciens et j’ai commencé à me perfectionner dans le jazz pour devenir professionnel », avoue-t-il.

Ce n’est pourtant pas sans appréhension qu’il s’est lancé. « C’est un pari risqué de devenir musicien. Cela demande beaucoup de travail et le résultat n’est jamais au rendez-vous lorsqu’on débute ». Rémy a pu gagner de l’expérience dans une ville où l’émulation musicale est forte. « Il y a un gros vivier de musiciens à Tours, explique Jérôme Bonvin, avec deux écoles de musique et des salles comme le Petit Faucheux. »

Une aubaine pour les jeunes musiciens, qui peuvent former des groupes, se produire dans plusieurs salles et se perfectionner. « C’est en jouant avec des musiciens différents qu’on se forge, et c’est ce que j’ai trouvé ici », confesse Rémy Rouland. De son point de vue, « Tours est l’une des villes jazz du grand Ouest, avec Nantes et Rennes ».

Que ce soit au Strapontin, au Petit Faucheux ou encore à l’Oxford pub, chaque concert ou jam rassemble une communauté tourangelle de musiciens. « Tout le monde se connaît, il n’y a que des belles personnes à Tours », dit Rémy en souriant. Ce petit monde crée une effervescence qui, selon lui, n’est pas prêt de s’arrêter : « Beaucoup de projets continuent de se mettre en place. Nous sommes des acteurs de la culture, nous avons tous quelque chose à raconter. »

Textes : Victor Dubois-Carriat / Photos : Nathan Filiol et Lucas Bouguet

Du Strapontin à 49 Swimming Pools via Le Petit Faucheux

Cette semaine, notre superstar Doc Pilot a encore mangé du concert à tout va. Et vous fait revivre tout ça !

Peu de temps passé cette semaine à Tours, beaucoup plus dans le Sud-Ouest ; malgré tout, quelques sorties en début de semaine…

Quartet Filleul/ Mazé/ Polin/ Piromalli au Strapontin

Grâce à Patrick Filleul, il y a tous les lundis de la musique en live au Strapontin et c’est bien, car c’est une alternative ludique et conviviale pour les esseulés, les touristes, les naufragés du sentiment à la recherche d’une île… Pour les aficionados du blues et du jazz aussi. Le rouge sombre et apaisant du lieu, le bois brillant sous la bière, l’impression d’une architecture stratégique pour sauvegarder l’écoute attentive et celle plus diffuse des rencontre en cours… J’adore ce quartet (Patrick a plusieurs formules dans sa poche), son coté hard bop parfois, sa capacité dans une mélodie à maintenir à flot la beauté et le son dans des thèmes populaires et historiques.
D’abord, les quatre musiciens n’ont pas de barrière technique et en plus, ils s’activent avec une tonne de feeling. Au sax, Renaud Mazé s’applique à ne jamais laisser flotter l’ensemble dont il semble diriger la trame et l’usage. Antoine Polin vit la musique, ainsi pas une fois le son ne sort de son instrument sans que dans son physique l’on voit le total investissement de son être ; avec lui nous dépassons l’étalage d’une technique dépourvue de sens : tel un maître compagnon, il construit l’œuvre avec méthode et passion.
Patrick Filleul aux drums est à sa place, toujours à l’écoute, au service. Il aime l’humain c’est une évidence, le public comme les musiciens. Cedric Piromalli à l’orgue me fascine ; je l’ai connu dans des contextes beaucoup plus difficiles et plus techniques, toujours brillant et surprenant, mais il suffit de le voir jouer ce jour pour saisir à quel point le jeu de cet artiste se bonifie dans « le populaire », le joyeux, le musclé : ce type est bâti pour les grands festivals, pour les grosses machines bien huilées faites pour générer la sueur et l’ivresse… de Parker à Monk, on se balade l’air de rien dans un instant privilégié, l’un de ceux possibles à vivre les lundi soir au Strapontin.

Florent Sepchat & Renaud Detruit au Petit Faucheux

Florent Sepchat (vidéo Doc Pilot)
Florent Sepchat (vidéo Doc Pilot)

Concert des professeurs : ainsi est annoncée cette soirée débutée par des prestations plus qu’honorables d’élèves en la matière percussive avant une deuxième partie pour le duo inédit de deux maîtres en leurs matières. Etonnant, l’accord entre le vibraphone et l’accordéon, perfection dans le mélange harmonique du soufflé et du frappé, cohésion des artistes dans leur volonté à bâtir du beau au travers de la technique. L’écoute est la clé de voûte du concept, une attention commune portée au geste du frère en ce trip, chaque solo au service d’une histoire, d’une narration et d’une esthétique au rendu élevé.
Le programme inclut des compositions de Renaud Detruit, une reprise de Pat Metheny, une adaptation de Bartok, le tout lié par la forte personnalité des musiciens. Cette première est une réussite, un coup de maître, l’assurance d’avoir trouvé la bonne recette. Je pense que nous allons revoir ce duo à la scène, et je suis sûr qu’il va beaucoup plaire au public, l’air de rien : il est nourri de ce feeling et de cette dextérité nécessaires pour rendre populaire une pratique issue de la niche « jazz » mais totalement capable de toucher un plus large public. Normal, on aime tous se faire du bien. Ce duo nous apaise et nous soigne.

49 Swimming Pools au Nouvel Atrium

18 h, horaire ingrat pour un dimanche soir de fin de weekend, sous un soleil et une chaleur longtemps attendus. Difficile pour amener les foules intra-muros même pour assister au concert d’un des groupes des plus brillants de la scène hexagonale. Après une première partie honorable avec le concert RubiCan, pour une néo new wave à la guitare snakefingerienne marbrée de tricatelleries sucrées, entrée de nos héros, les maîtres de la mélodie, de la beauté, de la construction orchestrale entièrement dédiée à l’installation de climats cinématographiques nécessaires à l’évasion. Jamais ce groupe ne me lasse, jamais il ne m’ennuie tant il semble ne devoir jamais s’arrêter de séduire les plus réticents, d’emballer les plus difficiles, de donner une raison d’exister à la scène pour sa capacité à nous soigner, nous calmer, nous coller la banane en tapant la semelle.

Je pense les 49SP en progression évidente en ayant trouvé le bon équilibre entre leurs images de fond de scène et leur gestuelle attractive. Le réarrangement de leurs titres dans des versions brutes et roots, un peu « garages », parfois pseudo unplugged. Le chanteur en sort plus abordable, moins personnel dans la gestion des climats, le rapport au public. Ce groupe est mûr pour nous offrir un album live, passage incontournable pour tout vrai groupe qui se respecte et pense à son public.

CD EDWARD PERRAUD Synaesthetic Trip 02 Beyond The Predictable Touch

Nouvel opus pour le surdoué jazzopsychélique, ping-pong entre des furies alternatives aux frontières de l’expérimental et des gentils morceaux propres à séduire toutes les oreilles. Il y a de la décadence de fin de soirée dans cet « Entrailles » en ouverture du disque. De la fausse normalité à la manière des tangos de Carla Bley ; la belle musique d’un film oublié, le souvenir dilué d’un temps où tout semblait facile…
Puis l’on tombe dans la déviance, l’accumulation de références distordues dans le style, du bop pop, du hard free, l’oubli d’un cahier des charges hypothétique pour surfer sur les vagues et les requins. A pleines dents, les musiciens mordent dans la planche : même pas peur, on aime bien, on est venu pour ça, pour coller Elise et sa lettre au mur graffé de cris de révolte, contre les règles et les bienséantes harmonies. En Captain universe, Edward nous balade dans les étoiles. Parfois l’on se demande s’il a vraiment les cartes en plus des atouts.
Le peintre est doué, le peintre donne du sens à son propos, avec ce disque charnière, ce disque de carrière, mélancolique et furieux, insolent et fragile. Sa toile demande la réécoute et l’oubli de l’instant. Il est bon de savoir perdre son temps en se donnant corps et âme à l’écoute.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=2jSOe9WtxfA[/youtube]