Jazz : Baptiste Trotignon, pianiste unique

Attention, concert exceptionnel ! Ce vendredi 22 mars, le pianiste Baptiste Trotignon partagera la scène avec Joe Lovano. Retour sur la carrière d’un compositeur hors-pair.

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(Crédit Photo Hélène Pambrun)

AUTODIDACTE

— Baptiste Trotignon naît en 1974, en région parisienne. Enfant, il est poussé par son père à poser ses mains d’abord sur un violon. Il essaye. Mais la sauce ne prend pas. En revanche, lorsqu’il découvre le piano deux ans plus tard, c’est la révélation.
C’est dans la Drôme qu’il va se familiariser avec l’instrument, grâce à une vieille dame atteinte de la maladie de Parkinson ! À 10 ans seulement, il joue déjà du Moussorgski. Ses premières impros, en autodidacte, le pousseront naturellement vers le jazz. Baptiste Trotignon vient de tomber amoureux d’un son et d’un genre qu’il épousera toute sa vie.

PASSION JAZZ

— Grâce à un passage au Conservatoire de Nantes, Baptiste Trotignon peaufine son approche du piano. À 13 ans, il considère sérieusement la musique, mais hésite encore entre le classique et le jazz. Mais c’est ce second qui finit par occuper l’esprit de l’ado.
Le swing l’excite. Il découvre des disques, des artistes. À 16 ans, il donne son premier concert. La vingtaine tout juste passée, on le verra même dans le film Le Nouveau Monde, dans le rôle… d’un jeune pianiste ! Ce style de prédilection est partout. L’attirance terrible pour la liberté de l’improvisation fera de lui l’une des références en matière de jazz français contemporain.

MULTIRÉCOMPENSÉ

— Qui dit Trotignon, dit multiples récompenses. La carrière du musicien a été jalonnée de prix divers. En 2001, avec « Fluide », le premier disque de son trio, il récolte un Django d’or d’espoir. Puis tout s’enchaîne : Prix Django Reinhardt de l’Académie de jazz, Grand Prix du Concours international Martial Solal, Révélation française aux Victoires du jazz… Tout ça alors qu’il n’a, à l’époque, que 31 ans.

UN VIRTUOSE ?

— Le musicien est humble. Baptiste Trotignon aime la virtuosité, mais ne s’estime pas virtuose. « Je vois plus mes éternelles lacunes pianistiques que je n’arrive toujours pas résoudre », disait-il dans une interview à orchestre-ile.com Mais il reste conscient d’avoir travaillé dur quand il était jeune. Un apprentissage féroce de la technique pour rester fluide. « Le piano est consentant », aime-t-il à dire, reprenant la phrase de György Sebök.

DES RENCONTRES

— Le parcours de l’artiste est aussi un chemin de rencontres. Des concerts avec Tom Harrell ou le grand Brad Mehldau par exemple. Mais aussi des collaborations avec David El Malek, Otis Brown III, ou encore le percussionniste Minino Garay. Cette semaine, les amoureux de jazz pourront le voir aux côtés d’un autre immense musicien : Joe Lovano. Et ça, c’est à Tours que ça se passe.

>>Pratique : Baptiste Trotignon et Joe Lovano, en concert le 22 mars, à 20 h, salle Thélème. Organisé par le Petit Faucheux. Tarifs : de 11 à 23 €.

Joe Lovano : monstre sacré du jazz

Le jazzman mythique Joe Lovano est en concert à Tours cette semaine. L’occasion rêvée pour tmv de passer un coup de fil au musicien qui s’est entretenu avec nous, en direct de New York.

(Photo Jimmy Katz)
(Photo Jimmy Katz)

Ce qui frappe, d’abord, c’est sa voix. Joe Lovano a le timbre grave. Parle posément, doucement. Le jazzman articule ses phrases mais laisse traîner certains mots. Comme beaucoup d’Américains, ses « you know » (« vous savez ») sont une ponctuation à part entière.
Il est 16 h 20, six heures de moins à New York, lorsqu’il prend notre appel. Nous sommes en retard. « Oh, pas de souci ! Je sors tout juste du petit déjeuner ! », dit-il lentement. Une force tranquille.

Joe Lovano fait partie des monstres sacrés du jazz. Près de 60 ans qu’il baigne dans cette musique : il n’avait que 5 ans lorsqu’il a commencé. C’est son père, alias Big T, qui l’a fait tomber dans la marmite du jazz.
Désormais, le saxo de Lovano, c’est le prolongement de son bras, de sa bouche. C’est son âme, sa vie. Le musicien écume les scènes depuis ses 16 ans. Il en a 64 aujourd’hui. « Vous savez, beaucoup de gens ont l’amour de la musique dans leur coeur. C’est ça qui est incroyable. C’est une bénédiction de pouvoir tourner partout dans le monde. On ressent constamment l’énergie des gens pour qui on joue », souffle Joe Lovano.

Énergie est un mot qui revient souvent chez le musicien originaire de Cleveland. On lui demande si celle-ci est aussi excitante qu’à ses débuts sur scène. « Au début, vous avez une énergie sauvage, vous savez. Vous voulez simplement être entendu. Après, on développe. Maintenant, je sais comment jouer pour les gens. C’est une nouvelle énergie musicale, elle est différente. C’est assez mystérieux. » De l’ordre du spirituel ? « Exactement. Voire du cosmique ! », répond-il.

(Photo Jimmy Katz)
(Photo Jimmy Katz)

Joe Lovano ne se contente pas de son statut de jazzman culte qui pondrait des albums à la chaîne. L’artiste est prolifique. Il multiplie les collaborations, les différents formats et ensembles, les collaborations. D’Aldo Romano à Joe Scofield, en passant par Elvin Jones et même… Lady Gaga à qui il a donné un coup de main (et de sax) sur un album avec Tony Bennett. D’ailleurs, Lovano se marre quand on y fait référence. « Il faut laisser les expériences survenir d’elles-mêmes », théorise-t-il. « Je suis chanceux d’avoir pu jouer avec autant de gens différents. La musique vient aussi des relations humaines, pas seulement d’un seul leader. »

D’ailleurs, pour sa venue à Tours, le musicien ne sera pas seul, mais en formation « classic quartet ». Lawrence Fields, Carmen Castaldi, Peter Slavov. Rien que ça. « Une nouvelle vision », dit simplement Joe Lovano. Et surtout, un but : « On doit raconter une histoire. »
Parce que le jazz est toute sa vie, il continuera à partager sa passion partout. Et tant pis si ce genre musical est considéré comme méconnu. « Un peu moins commun », préfère dire Lovano. Avant un éclat de rire : « Vous savez, le jazz, c’est comme un bon vin. Mais certains préfèrent aller chez Mc Do ! ».

> Joe Lovano & the classic quartet en concert le 11 mars, salle Thélème, à 20 h. De 15 à 28 €. Organisé par le Petit Faucheux.

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