A Tours, des festivités prévues pour le Nouvel an chinois

#EPJTMV Le Nouvel an chinois a de multiples facettes : du réveillon en famille au défilé du dragon, il rassemble la communauté chinoise de Tours. C’est aussi l’occasion pour les habitants de la ville d’en apprendre plus sur la culture chinoise.

Depuis plus de vingt ans, la communauté asiatique de Tours célèbre elle aussi la nouvelle année du calendrier lunaire. Cette année, la célébration se fera à partir du 10 février. Les festivités sont organisées par l’association France-Chine Touraine, une association à l’origine 100 % française qui organise des cours de langue et des voyages à destination de tous les curieux.

Mais si le bureau est majoritairement constitué de Tourangeaux d’origine française, les membres de l’association et ceux qui participent à leurs événements sont, pour la plupart, d’origine chinoise.

Pour Li Zi Gao, responsable des projets, les membres de la diaspora chinoise ont toujours eu particulièrement à cœur de se rassembler et de se connaître entre eux. « Nous organisons souvent des repas et des sorties, pour cueillir de l’ail des ours par exemple (une plante aromatique prisée pour ses vertus médicinales, NDLR). Le Nouvel an, c’est le moment où les familles se retrouvent, mais c’est aussi une célébration dans l’espace public. »

C’est en effet l’occasion pour celles et ceux qui ont des costumes traditionnels de les porter pour défiler dans la rue, aux côtés du dragon savamment manié par les membres du club de kung fu et de tai chi France Shaolin de Tours. « C’est important parce que cela crée du lien entre les Français et les Chinois d’origine », estime le maître shaolin Shi Yanjun.

3 SEMAINES DE FESTIVITÉS

À Tours, Marie-Aude Ravet participe à l’organisation des festivités. Professeure de danse de l’association Aux Quatre Vents, la seule école de danse asiatique en France, elle associe ses étudiants au défilé du dragon et organise aussi de son côté un brunch le 11 février à Tours à Table, à partir de midi.

« Mais il ne faut pas se tromper, explique Li Zi Gao. Le Nouvel an chinois est mal nommé puisqu’il est aussi célébré par les Vietnamiens, les Malais et les Philippins. » D’ailleurs, les festivités ne comprennent pas seulement le réveillon du Nouvel an mais s’étirent sur trois semaines. « Les lampions rouges et les pétards rappellent la légende du Nouvel an. Ils auraient été allumés pour faire fuir un petit dragon qui enflammait les maisons pour s’amuser », raconte Li Zi Gao.

À PETITE COMMUNAUTÉ, VIEILLE CÉLÉBRATION

Justement, c’est l’année du dragon de bois qui commence le 10 février 2024. Elle est particulièrement symbolique aux yeux de Boun Phone Tiang qui nous enjoint toutes et tous à la prudence. « Il faudra aussi prendre une grande décision cette année, qu’elle soit bonne ou mauvaise », indique-t- il, plutôt soucieux.

Plus connu sous le nom de Monsieur Boun, ce Laotien d’origine chinoise célèbre aussi le Nouvel an dans ses trois restaurants. Ses parents avant lui le fêtaient avec leurs clients dans leur restaurant rue Victor-Hugo, le China-Town. Arrivés en France en novembre 1979, comme réfugiés politiques, ils avaient racheté ce restaurant en perte de vitesse, alors tenu par des Laotiens.

« En arrivant à Tours en 1981, il était très rare de rencontrer un autre immigré d’origine asiatique, se rappelle Boun Phone Tiang. Avec mes frères, nous allions faire le tour du lycée Konan, à Saint- Cyr-sur-Loire, où les enfants de cadres japonais étudiaient pour se sentir moins extraterrestres. »

Aujourd’hui, la communauté en Indre-et-Loire compte environ 200 familles, estime Li Zi Gao, un groupe assez restreint comparé à celui de Poitiers où l’on retrouve un institut Confucius et des étudiants chinois qui se sont installés définitivement en France. Cela n’empêchera pas de célébrer la nouvelle année en beauté et de faire découvrir la culture chinoise à tous ceux qui le souhaitent.

Mourjane Raoux-Barkoudah, journaliste en formation à l’EPJT

> Retrouvez le portrait et l’histoire de Boun Phone Tiang

 

 

Léonard de Vinci : film-événement à Tours et expos à Amboise

#EPJTMV Les Cinémas Studio et le Clos Lucé mettent à l’honneur les dernières années de la vie de Léonard de Vinci en Touraine.

À l’occasion de la sortie du film d’animation Léo, les Cinémas Studio collaborent avec le Clos Lucé et le château d’Amboise pour deux événements à ne pas manquer. Une avant-première et deux expositions qui dévoilent les coulisses du tournage. « C’est un projet assez exceptionnel », explique Doris Gruel, chargée de la distribution des films jeune public chez Little KMBO.

Tout commence lorsque Jim Capobianco, le scénariste de Ratatouille et co-réalisateur de ce nouveau film d’animation, se rend en repérage à Amboise. Après avoir travaillé pour Disney et Pixar, il se lance dans son premier long-métrage qu’il dédie à Léonard de Vinci. Un personnage qui fascine petits et grands. Un pari réussi selon Manon Lory (en photo), responsable jeune public des Studio, qui retrouve la magie des inventions de De Vinci dans la musique et les images du film.

Les indispensables exposés au Clos Lucé

Mais c’est aussi dans le but de déconstruire la magie de l’image animée que les deux expositions autour du film ont été pensées. Pour Doris Gruel, l’idée est d’éduquer à l’image et de découvrir ce qu’elle cache… des créateurs et des artistes ! Ce sont eux et leur travail qui sont mis en lumière au Clos Lucé où vont être exposés tous les indispensables du stop motion : dessins originaux, storyboards, têtes en latex, moules en silicones et patrons de costume.

Cerise sur le gâteau, on y retrouve aussi la maquette du Clos Lucé « qui prend un peu de place » confirme Paul Riffault, responsable pédagogique du projet. Il s’est rendu dans les studios d’animation à Saint-Peray, dans la Drôme, pour inspirer la scénographie de l’exposition. « C’est un atelier de Léonard des temps modernes, résume-t-il, avec des menuisiers, des éclairagistes et des mécaniciens ! »

À Amboise, ce sont les décors qui ont été reconstruits, pour faire revivre la vie de l’inventeur au sein des murs. Une façon de résister au « drame du cinéma qui est de créer des décors destinés à être jetés », rappelle Paul Riffault. Le montage des expositions a été facilité par la proximité des studios Foliascope, l’un des seuls en Europe capable de faire du stop motion.

Tout autant que Léonard de Vinci et la Touraine, c’est l’art de l’animation et ses maîtres que l’on célèbre. Rendez-vous, donc, aux Studio, le 27 janvier et jusqu’à la mi-avril, et mi-mai au château d’Amboise et au Clos Lucé.

Mourjane Raoux-Barkoudah, journaliste en formation à l’EPJT


> Samedi 27 janvier, avant-première du film : Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci aux cinémas Studio

 

Tours : Monsieur Boun, restaurateur aux mille vies

#EPJTMV À la veille du réveillon du nouvel an chinois, Boun Phone Tiang se rappelle son parcours, de ses débuts comme serveur à l’achat de son dernier restaurant. En même temps que ses origines se rappellent à lui.

Tia Gourmet est à ses couleurs : vert jade et bleu canard. Le patron de deux autres restaurants tourangeaux a choisi un nom court et facile à retenir, comme pour celui qu’il a racheté au tribunal de Tours en 2009.

« J’ai su que ce local, avenue de Grammont, était en liquidation judiciaire, alors j’ai tout de suite fait une offre au tribunal. Au téléphone, la greffière m’a demandé comment je voulais appeler ce nouveau restaurant. Elle m’a pris de court, j’avais sous les yeux un carnet rouge que j’avais trouvé dans un hôtel alors je lui ai dit « Mao ». J’ai reçu beaucoup de critiques mais j’ai essayé de dépolitiser ce nom, de jouer sur le côté ludique de la décoration plutôt que sur l’histoire. »

De Vientiane à Tours

Lui aussi s’est fait un nom. « Il est génial Monsieur Boun ! », lance un des serveurs chez Tia Gourmet. Son nom complet, c’est Boun Phone Tiang, mais tout le monde l’appelle Monsieur Boun. Avec son col roulé noir et ses lunettes, il en impose. « Il va falloir mieux s’habiller mieux », leur avait lancé leur père, à ses frères et lui, avant de quitter le Laos. « Pour la première fois de ma vie, j’enlevais mes tongs et je mettais un jean », plaisante le quinquagénaire.

On est en novembre 1979, il a 10 ans et il arrive à Paris sous la neige. « Notre père nous avait donné un billet de 500 francs pour aller à la boulangerie. Je voulais tout acheter ! La vendeuse n’avait même pas de quoi nous rendre la monnaie. »

Il a l’air ému en retraçant sa vie qui le conduit du 15e arrondissement de Paris à Vitry-sur-Seine, puis à Dijon avant l’installation définitive à Tours. « Mes parents nous prévenaient toujours deux jours avant notre départ. À Vitry, nous avions rencontré une amie chinoise qui nous avait rappelé que nous avions une tante à Chenôve, près de Dijon. Nous sommes partis du jour au lendemain. Nous ne sommes restés là-bas qu’un an avant de nous installer à Tours, où mon père avait décidé de racheter une épicerie tenue par des Laotiens. »

« Je dormais pendant les cours de catéchisme »

Son sens des affaires, Monsieur Boun semble le tenir de son père. « Il avait appris que cette épicerie asiatique à Tours marchait mal en regardant la télé. Je ne sais même pas avec quel argent il l’a rachetée puisqu’il avait tout perdu au Laos. Et à Chenôve, il travaillait à l’usine », s’étonne encore Monsieur Boun.

Comme sa mère est bonne cuisinière, la famille installe quelques tables dans le fond de l’épicerie, qui devient rapidement un restaurant à part entière. « Comme je faisais plus grand que mon âge, j’aidais au service. À midi je filais au restaurant, j’enfilais un kimono et je mangeais cinq bols de riz blanc dans la cuisine avant de prendre les commandes. Je n’allais pas boire des cafés à Jean Jaurès avec les copains après les cours pour assurer le service du soir. Et du coup, je dormais pendant les cours de catéchisme. »

Un jour, c’est Monique Ruchet, la directrice de l’école du Sacré-Cœur en personne, qui vient déjeuner au restaurant familial. Le lendemain, elle l’attend au portail… pour lui annoncer qu’il aura désormais la permission de dormir en cours de caté.

L’homme d’affaires

Comme son père, c’est en suivant l’actualité que Boun Phone Tiang devient homme d’affaires. Il apprend ainsi que les cartes à puce font fureur à Hong Kong et lance une affaire de vente au détail en France. Son premier client, c’est Palaf Solde, le créateur de la boutique de déstockage Mistigriff à Tours.

En 1997, il part en backpack tenter sa chance dans la téléphonie mobile à Hong Kong. Mais le pays ne lui plaît pas. « Les Chinois n’ont pas le même sens de l’humour que moi. Au bout d’un moment, je réalise que la France est mon pays. Et puis les affaires ne marchent pas si bien… »

Commence alors sa vie de Monsieur Boun : il reprend son premier restaurant, l’Indochine, qui marche mal, alors qu’il n’avait pas souhaité garder celui de ses parents. « On avait tellement trimé dans cet endroit qu’aucun des enfants n’avait envie de continuer à y travailler. » Au bout du compte, il finit tout de même par bosser dur toute sa vie.

Aujourd’hui à la tête de trois restaurants et d’un supermarché de produits exotiques à Notre-Dame-d’Oé (Tia Supermarché), il semble soucieux. Avec la nouvelle année qui se présente sous le signe du dragon de bois, il nous prévient tous : « Il faudra prendre une décision cette année, qu’elle soit bonne ou mauvaise. » Avec 70 familles d’employés sous sa responsabilité, il s’agira d’être prudent.

« Nous sommes des invités »

S’il est fier de rendre visible ses origines ? Il estime plutôt avoir recréé un monde fermé. « Les Asiatiques sont des gens discrets. Mon père répétait souvent : « Nous sommes des invités ! » pour que nous ne nous attirions pas d’ennuis. Parce que s’il arrivait quelque chose, on se serait d’abord tourné vers nous… »

En quittant Vitry-sur-Seine, la famille quitte aussi la communauté laotienne de Paris. Les enfants sont obligés de parler français avec leurs amis. À Tours, il est rare de rencontrer d’autres Asiatiques. « Parfois, on allait faire le tour du lycée Konan où étaient scolarisés les enfants de cadres japonais installés en Indre-et-Loire. Pour se sentir moins extraterrestre. »

Aujourd’hui encore, il est agréablement surpris de rencontrer quelqu’un qui lui rappelle ses origines. Et touché de se raconter, du petit garçon en tong à Vientiane jusqu’au restaurateur aux mille vies ici, à Tours.

Texte : Mourjane RAOUX-BARKOUDAH, journaliste en formation à l’EPJT Photo : Inès FIGUIGUI, journaliste en formation à l’EPJT