Accouchement : « différencier les parcours des patientes »

Dossier accouchement : nous avons posé trois questions à Franck Perrotin, chef du service maternité au CHU de Tours.

3 QUESTIONS AU PROFESSEUR FRANCK PERROTIN,
CHEF DU SERVICE MATERNITÉ DU CHRU DE TOURS

L’Académie de médecine souligne que les maternités accueillant plus 3000 naissances ont plus de difficultés à respecter les choix des patientes.

A Bretonneau, ça nous tient à cœur depuis longtemps : quand on a construit le nouveau bâtiment il y a une douzaine d’années, on voulait intégrer une salle nature qui permette à la patiente d’adopter des postures différentes pour faciliter le travail. La direction n’a pas suivi, elle croyait à une fantaisie. Le domaine de l’accouchement est particulier, on n’est pas dans de la médecine brute comme de la cardiologie. On préconise une surveillance médicale parce qu’il peut survenir des événements imprévisibles mais ça reste un acte de la vie. L’idéal est de pouvoir différencier les parcours des patientes. Si nous accueillons 50 % de grossesses dites à risque, nous avons aussi des patientes « à bas risques » et nous sommes vraiment dans une désescalade de la médicalisation avec une diminution des médicaments et l’objectif de descendre à 11 % d’épisiotomies. C’est possible avec des équipes bien formées et très impliquées.

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L’étude JUMODA menée en 2017 par le Pr Schmitz de l’Inserm conclut : « la grossesse gémellaire n’est pas en soi une indication d’accouchement par césarienne. »

Nous avons participé à cette étude et elle a complètement validé le fait qu’accoucher les jumeaux par voie basse est plus sûr, pour la maman comme pour les bébés. Il faut lutter contre cette idée imaginaire selon laquelle la césarienne est plus sûre ! L’évidence scientifique montre aujourd’hui que la césarienne a des conséquences importantes. La naissance est un bouleversement. Si on ne prépare pas le bébé par les contractions, le passage à travers le bassin, il a beaucoup plus de mal, il peut avoir des soucis respiratoires, digestifs, entraînant une hospitalisation puis une exposition aux bactéries résistantes…

Le CHU développe un projet de suivi connecté des patientes enceintes. De quoi s’agit-il ?

Le dossier progresse avec les premiers essais du cardiotocographe automatique, utilisable par la patiente à domicile qui vont être réalisées cet été en collaboration avec le Centre d’Investigation Clinique et d’Innovation Technologique du CHU (CIC-IT) Il s’agit d’une ceinture qui enregistre le rythme cardiaque du bébé et le transmettra directement à l’hôpital ou au cabinet de la sage-femme. Une start up toulousaine travaille au prototype de ceinture. Le système multi-capteurs a été imaginé par l’Inserm à Tours.

Grossesses à risques : un centre pour mieux prévenir

Un centre pour mieux prévenir des grossesses à risques : c’est bientôt possible à Tours, grâce à un nouveau centre.

L’évaluation au centre sera prise en charge et remboursée par la Sécurité sociale. (Photo Shutterstock)
L’évaluation au centre sera prise en charge et remboursée par la
Sécurité sociale. (Photo Shutterstock)

PreGnanT.SEE… Comme « pregnancy » (grossesse, en anglais). Aucun mot de code, là-dedans. Simplement le nom d’un centre qui risque fort de faire bouger les choses. Son petit nom complet ? Prévention des risques de la grossesse dès le premier trimestre – Sécurisation et évaluation. Ouf ! Naissance programmée le 4 mai, au CHRU de Tours. Un joli bébé, le deuxième centre de ce type en France, pour mieux évaluer les différents risques concernant la grossesse dès le premier trimestre.

« L’objectif, c’est d’identifier les risques », confirme Franck Perrotin, chef de service gynécologie obstétrique, à l’origine de la création du centre. « On distinguera deux groupes : le premier, les femmes enceintes pour qui tout va bien. On pourra donc privilégier la levée de la médicalisation, favoriser le bien-être de la patiente, être moins intrusif… Et le deuxième groupe, celles des grossesses à risque. Pour en faire un dépistage plus précoce » Rassurer, adapter, orienter.
Concrètement, les femmes enceintes prendront d’abord rendez-vous (au 02 47 47 36 41, NDLR). Rendez-vous qui devra avoir lieu entre 11 et 14 semaines d’aménorrhée. « La patiente viendra ensuite au centre une petite demi-journée. Il y aura une consultation avec une sage-femme : questions, échographie complète, bilan biologique. Après, on fera un rendu du risque existant. On veut faire une quantification : mettre un pourcentage sur le risque, mieux chiffrer », précise Franck Perrotin.

Au total, une équipe composée de deux médecins (un échographiste et un gynécologue), trois sages-femmes, une secrétaire et une infirmière. Le centre, lui, sera ouvert tous les matins à partir de septembre. En attendant, de mai à septembre, il ne le sera que trois par semaine. « On va voir… On espère que ça va bien fonctionner », indique Franck Perrotin. Avant de rappeler : « Il n’est pas nécessaire d’accoucher chez nous par la suite. On accepte bien évidemment tout le monde ! »

Aurélien Germain