Formation et orientation : du métier de rêve à la réalité

Du rêve à la réalité, la route est parfois longue. Entre les projets fantasmés à l’adolescence et l’entrée dans la vie active, les métiers de rêve ont parfois la vie dure. Mais faire un métier qui nous plaît, on peut y arriver !

Toujours en tête des listes des métiers pour répondre à la question « tu veux faire quoi quand tu seras plus grand ? » : journaliste, artiste (chanteur, actrice…), pompier, astronaute… Mais aussi influenceur ou youtubeur, depuis quelques années.

Les équipes des CIO (Centres d’information et d’orientation) voient ainsi quelques valeurs sûres revenir régulièrement dans les souhaits d’orientation… et des nouveautés qui suivent le cours de l’actualité culturelle et médiatique, comme nous l’a expliqué une psychologue du CIO : « Il y a quelques années, on a vu bondir les projets d’études pour devenir expert scientifique suite aux séries du type Les Experts, ou des souhaits d’orientation vers les métiers de l’hôtellerie-restauration grâce au succès d’émissions comme Top Chef et quelques autres. »

Il y a vingt ans, ce sont les Urgences et autres Grey’s anatomy qui venaient conforter les projets d’études médicales. Les ados de plus en plus nombreux aujourd’hui à envisager d’être soigneur animalier plutôt que vétérinaire sont-ils le fruit du succès de « Une saison au zoo », la série documentaire de France Télévisions ?

Eh non ! Tout le monde ne devient pas forcément vidéaste youtube…

Coté pile et coté face

Toujours est-il qu’il est nécessaire de pousser l’enquête un peu plus loin avant de se lancer dans X années d’études pour exercer un métier qui fait rêver. « Ce n’est pas un métier idéal pour la famille (…). C’est un métier qui contamine tout. » Bonjour l’ambiance. Et pourtant, ce sont les mots de Thomas Pesquet, chez nos confrères du Journal des Femmes. Comme quoi, astronaute, c’est chouette, mais comme la Lune, il y a une face cachée !

Revêtir la robe d’avocat pour haranguer la cour fait ainsi parfois fantasmer. Cependant être avocat ne consiste pas seulement à revêtir la robe pour les joutes oratoires devant un juge : « Il existe bien sûr une excitation de la plaidoirie, mais il faut tempérer, précise l’avocat tourangeau Benjamin Philippon. La plaidoirie joue un rôle important en droit de la famille et en droit pénal, mais à coté de cela il y a tout le travail de préparation des dossiers, solitaire, au bureau, ou les échanges avec les clients. D’une semaine à l’autre, c’est toujours différent. »

Et pour y parvenir, il faut avoir fait quatre à cinq ans d’études de droit, et réussir l’examen d’entrée à l’école d’avocats.

La vie professionnelle rêvée ne serait donc pas un long fleuve tranquille ? Évidemment, diront certains ! Les infirmiers libéraux vous parleront des tâches administratives à gérer en plus des visites aux patients à l’aube et en fin de journée. Les comédiens évoqueront les heures d’apprentissage d’un texte, non rémunérées.

Même dans les métiers « sexy » du moment, comme celui de youtubeur, la vie n’est pas de tout repos. Benjamin Brillaud, alias Nota Bene, n’est pas que devant la caméra. Le passe-temps des débuts est aujourd’hui une entreprise avec douze personnes travaillant à temps plein toute la semaine pour alimenter la chaîne Youtube, préparer les émissions Twitch ou les podcasts qui passionnent les fans d’Histoire(s).

Les pour… et les contre !

Avantages et inconvénients sont donc à soupeser avant de se lancer. Sans oublier d’autres critères : quelles études faudra-t-il faire ? Suis-je apte à les mener à bien ? L’une des meilleures apprenties de France en toilettage canin, la Tourangelle Camille Debosschere, a ainsi pris le temps de réfléchir : elle qui voulait travailler auprès des animaux avait éliminé les études vétérinaires (trop longues) et les métiers de soigneur ou d’éducateur pour chiens d’aveugle (pas assez de débouchés). Aujourd’hui, le toilettage la ravit, car ce qu’elle cherchait avant tout était le contact avec l’animal et l’humain.

C’est le conseil qu’on nous a donné au CIO : « Demandez-vous ce qui vous motive vraiment. Vouloir être joueur de foot professionnel, c’est pour avoir une reconnaissance sociale ? Pour l’argent ? Ou par amour du sport ? Derrière ces trois motivations se cachent d’autres métiers, très différents. » Dis-moi ce qui t’habite réellement, et je te dirai dans quoi t’orienter professionnellement…

Maud Martinez / Photos : illustrations Adobe stock


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Emploi : "Il faut oser changer !"

Sylvaine Pascual, consultante en relations humaines, a créé Itache coaching. Coach spécialisée en reconversion professionnelle, elle est aussi membre du jury Mines-Ponts depuis 1998. Pour elle, il faut oser se reconvertir.

DOSS_INTERVIEWSur votre site, vous parlez de « reconnexion à soi » pour la reconversion professionnelle. Qu’est-ce que c’est ?
L’idée est de revenir dans ses aspirations, ses besoins professionnels et cartographier qui l’on est. Il faut trouver du plaisir dans le métier ! L’identification d’une nouvelle reconversion passe par là. Et en fonction de ça, c’est un bon point d’appui. Il faut des critères motivationnels. Tout ça demande de l’énergie, il y a des obstacles… Cette connexion puise là-dedans.
Comment conseiller quelqu’un qui veut se réorienter ?
La première étape, c’est de faire le point sur ses goûts, sur soi, ses envies, ses relations avec le travail, le sens qu’on lui donne. Il faut explorer les métiers possibles à partir de ça, de ces appétences plus que ses compétences !
Vous diriez qu’il faut oser changer ?
Bien sûr ! Dès que ça correspond à une envie profonde, oui. Pour les femmes qui se réorientent, il faut une bonne dose de motivation, à cause des idées reçues. Il faut oser ! L’optimisme n’est pas une béatitude.  C’est un discours positif… Oui, c’est important. On entend trop d’horreurs sur la reconversion. Donc beaucoup s’en empêchent et n’osent pas. On les pousse à refouler leurs désirs et l’exploration. Quand on a exploré notre projet dans tous les sens, on peut se dire : ok, je peux franchir le pas ou pas. Et ainsi, pas de regrets ! Au moins, j’aurais tenté.
Peut-on insuffler la pensée positive comme habitude à quelqu’un qui veut tout changer ? 
Je torpille cette idée ! (rires) L’optimisme, c’est quelque chose de possible, on expérimente et on réagit en fonction. La pensée positive, c’est « je vais y arriver ». Mais c’est comme quand on répète à ses enfants « n’aie pas peur » quand ils ont peur du noir : ça ne marche pas. C’est un peu comme une résistance sur un muscle : ça va le renforcer. Il faut revaloriser la personne en identifiant ses forces.
On dirait un peu cette façon de penser la reconversion, le travail, comme au Canada !
Oui, exactement. Le travail sur le développement personnel est remarquable là-bas. Ils sont très préoccupés par la personne.
Quels sont les obstacles possibles pour une reconversion ? 
Les principaux sont le manque de confiance, la dévalorisation, mais aussi – plus surprenant – les croyances familiales. Par exemple, si vous avez été élevés dans un environnement du genre « on n’est pas là pour rigoler ! » La durée de la reconversion peut, elle aussi, être une difficulté : formation longue, etc.
Quels sont les symptômes d’une envie de changer du tout au tout ?
Certains de mes clients disent « je me suis trompé », à cause des conditions de leur métier, et non pas du métier en lui-même. C’est quand il y a une perte des sens et des valeurs, ou qu’il n’y a plus aucune marge de manœuvre pour en retrouver.  J’ai eu une assistance sociale qui aimait sa profession, rendre autonome les gens etc. Mais maintenant, il y a trop de dossiers, trop de devoir de rentabilité et elle ne rendait plus ses patients autonomes. Cela n’avait plus de sens pour elle. C’est l’évolution du métier qui fait ça. Il y a aussi des indicateurs comme les relations au travail.
En fait, ça peut arriver partout…
Tout à fait. Les statistiques montrent que le besoin de reconversion est plus présent dans la santé et le domaine hospitalier. Mais ailleurs aussi… J’étais enseignante avant, mais un moment, je ne trouvais plus de sens à mon métier, car ce n’était pas une nourriture suffisante à ma créativité.
Pensez-vous que la société bride nos envies de reconversion ?
Oui ! Et il y a une certaine responsabilité des médias. Cette frilosité générale n’est pas cohérente avec la réalité. Il y a trop d’interprétations négatives dans les statistiques. La peur gouverne le monde. Et pour ceux qui veulent se reconvertir, il y a aussi l’entourage qui joue, à dire « non mais ça va pas ! » Quand j’ai quitté mon poste de prof en Prépa, mes proches sont tombés de leur chaise… Donc j’encourage tout le monde à l’exploration ! Ce n’est pas une prise de risque.
Vous êtes coach et vous vous dites « spécialiste du plaisir au travail »…
Aussi trivial mon slogan soit-il, l’idée c’est : la vie est trop longue pour s’ennuyer au travail ! Il y a un million de moyens de s’ennuyer, mais sur chaque côté négatif, il y a du positif. La reconversion est possible vers un métier plus sympa. C’est la reconnexion à soi, de nouveau.
Mais alors, tout plaquer et vouloir réaliser son rêve de gosse, c’est dangereux ou pas ? 
Ça dépend ! On a tous voulu faire ça. Pour certains, ce rêve n’a pas d’impact sur leur vie. D’autres qui l’ont et y pensent encore à 40, 50 ans, ça vaut le coup de l’explorer ! Et se demander : quel accomplissement personnel possible ?
Propos recueillis par Aurélien Germain