Christelle Thierry : place à la jeunesse !

À 40 ans, Christelle Thierry a quitté le milieu parisien de la finance pour ouvrir le Café pouce à La-Ville-aux-Dames. Un lieu où les enfants et les poussettes sont les bienvenus.

Christelle Thierry

SA TOURAINE ADOPTIVE

Originaire de Melun, elle a quitté la vie parisienne sans regret. « J’aime retourner à Paris de temps en temps, mais je trouve la ville trop bruyante, trop polluée. Les Parisiens vivent chacun dans leur coin. Les Tourangeaux, eux, sont plus ouverts. » Installée à Saint-Avertin, elle apprécie la proximité du domaine de Cangé et de sa médiathèque bien fournie.
« Pour les enfants, c’est super ! Le week-end, à 20 kilomètres à la ronde, il y a un large choix d’activités : expos, spectacles, sorties de plein air… Ce n’est pas très cher et accessible sans perdre une heure dans les bouchons. »

SON CHANGEMENT DE VIE

Avant, elle était secrétaire générale d’un cabinet de conseil auprès d’experts comptables à Paris. « Comme mon mari avait la possibilité de muter facilement, nous avons décidé de nous installer en province il y a trois ans. Parmi les villes à 1 heure de Paris, c’est Tours que nous avons préféré. » Commencent alors, pour Christelle, des navettes quotidiennes pour aller travailler à la capitale.
« J’aimais mon travail, je ne voulais pas le quitter. » Puis son deuxième enfant est arrivé, il y a 20 mois, et avec lui l’envie de se poser. « Comme je ne trouvais pas de travail me plaisant sur Tours, j’ai décidé de le créer. » Une décision prise en début d’année, puis tout s’est enchaîné. Ce qu’elle apprécie dans son nouveau métier ? « Les échanges. C’est plus humain que la finance ! »

SA PASSION

La lecture. Au Café pouce, il y aura des livres pour tous. Déjà, quelques albums jeunesse sont installés dans des bacs. Christelle compte ajouter une grande bibliothèque pour les adultes, avec des livres sur la parentalité ou des romans se lisant rapidement. Son fournisseur ? Sa bibliothèque personnelle. « J’adore lire des romans policiers, des BD… J’aime vivre l’histoire avec le personnage principal, analyser les relations. Il m’arrive souvent de prendre des notes, mais pas sur le livre. Jamais je n’en abîmerais ou jetterais un. Un livre, c’est une oeuvre, comme une peinture ou une sculpture. »

SA FAMILLE

Grâce à son nouveau métier, Christelle peut rentrer plus tôt chez elle le soir. « Avant, j’arrivais à 20 h 30 à la maison. Désormais, je suis là vers 19 h. Je peux préparer le repas, manger avec mon mari et mes deux garçons de 6 ans et 20 mois. Je ne travaille pas le lundi, ce qui me permet d’être à 16h30 à la sortie de l’école et chez la nourrice. C’est précieux. »

SON CAFÉ POUSSETTE

Le Café pouce. Pouce comme la pause que l’on s’accorde en plein jeu ou dans un rythme de vie effréné. C’est aussi le plaisir de déguster un bon café noisette, comme l’écureuil mascotte de l’enseigne. « En tant que parents, nous recherchions un tel lieu. Dans les cafés classiques, souvent exigus, nous avons l’impression de déranger avec une poussette. Et notre aîné s’ennuie vite. »
Ici, avec 80 m², il y a de quoi garer des poussettes. Les enfants ont leur coin jeux, avec des tables et des chaises en bois adaptées à leur taille. Christelle cuisine « comme à la maison » : elle confectionne elle-même ses pâtisseries, ses yaourts et ses crèmes aux œufs. Elle compte se lancer aussi dans la restauration salée : tarte aux légumes, quiches, cakes…
Le Café pouce est ouvert depuis le vendredi 13 octobre. « Une bonne date : les 30 ans de mon petit frère. Je mise sur ma chance ! »

Par Nathalie Picard 

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Viens bébé, on va au bar !

Sa Majesté des Couches accueille les parents avec leurs poussettes et bambins. Les adultes retrouvent alors un lien social dans un quotidien chargé.

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Derrière un vieux comptoir en bois, des tasses et des théières. Dépareillées et soigneusement rangées. Du classique pour un salon de thé. Au centre de la pièce, une grande table, avec au milieu des cookies pépites de chocolat, cranberry ou flocons d’avoine, posés sur un présentoir. La musique folk imprime une ambiance feutrée. Jusqu’au cri d’Albertine, 21 mois, qui déambule vers Élise, sa mère. « Ah, non, tu n’auras pas de cookies », lui lance cette dernière, avant de la laisser retourner vers le cheval à bascule et le carré aménagé pour les petits, rempli de dominos, coussins, hochets sur le sol. Et où les murs sont des ardoises que les bambins peuvent gribouiller.
Sa Majesté des Couches n’est pas un salon de thé traditionnel. « C’est un bar à bébé », explique avec le sourire Aurélie Loiseau-Nez, trente ans et deux enfants (4 ans et demi et deux ans). Elle a créé un endroit où les parents peuvent sortir tranquillement. Avec leurs petits. Derrière le concept se cache le besoin pour les pères et les mères de sortir de la solitude postnatale. « C’est un statut qui nous isole », poursuit la jeune femme, libraire à Paris, avant de venir s’installer en Indre-et- Loire avec son mari, il y a deux ans.
« Beaucoup renoncent à leur vie de femme »
Premiers mois rythmés par les réveils du nourrisson en pleine nuit, heures passées à langer, allaiter pour certaines DOS_PAP1bébémères. « On est dépendant du rythme de l’enfant. Il y a un tourbillon dans lequel on est pris et on n’a pas le temps de se poser », analyse Leslie Colombat, accompagnante à la parentalité basée à Tours et praticienne en haptonomie (méthode de préparation à l’accouchement par le toucher). Le train de vie modifié, les sorties personnelles passent à la trappe. « Sur les mamans que je rencontre, beaucoup renoncent au début à leur vie de femme », continue- t-elle.
Posée en terrasse donnant rue Colbert, Gwendoline, 25 ans, est venue avec ses deux filles, Lahina et Haédy. Elle ne travaille plus depuis la naissance de la première, il y a quatre ans. Elle raconte son isolement. Les amis qui n’appellent plus pour aller boire un coup. « Cela m’aurait fait plaisir qu’on me propose de sortir. Même si certaines fois j’aurais dit non, j’aurais aimé être invitée… », confie-t-elle, de sa voix timide, en prenant Lahina sur ses genoux. Elle concède aussi un décalage grandissant avec son ancien cercle, qu’elle a définitivement quitté en s’installant à Tours. « À 21 ans, je n’avais pas beaucoup d’amis qui avaient des enfants. Avec un petit, on n’a plus les mêmes sujets de conversation. Des fois, je ne savais pas trop quoi leur dire », dit-elle. Il existe une solution de facilité pour entretenir une vie sociale : faire venir ses amis chez soi. Aurélie s’en est vite lassée. « À un moment, j’ai eu besoin de retrouver mes amis en dehors de chez moi », ajoute-t-elle.
La peur de déranger
Photo 009Problème : quand on ne peut pas faire garder ses enfants (pour des raisons financières ou pratiques), trouver un endroit accueillant pour les plus petits est une gageure. « Rien que la semaine dernière, avec mon mari et mes enfants, on a dû faire trois ou quatre restaurants pour en trouver un qui possédait une chaise bébé… », s’agace la gérante de Sa majesté des Couches. Dans l’autre sens, le bruit et l’agitation d’un enfant brident les parents qui souhaitent ou sont contraints de sortir avec leurs rejetons. Élise se souvient. « Pendant les vacances, on s’est posés pour manger une glace. Dix minutes, ça va. Mais au bout de 50 minutes, forcément, ma fille commence à bouger. Et on ne veut pas déranger les autres ». Sa belle-mère ajoute : « Et puis, il y a des personnes qui sont agacées par les enfants, il faut le respecter ».
Au bar à bébé, les clients ont un oeil sur le thé. Un autre sur les enfants. « Pratique », dit Élise. Gwendoline, se sent, elle, « détendue ». Les discussions s’animent. Les parents échangent sur leurs petits. À quel âge commence-t-il à marcher ? Quelle technique de portage adopter ? Discuter est aussi le moyen de se sentir moins seul sur un autre plan : celui de la manière de s’occuper de ses enfants. « On a envie de partager, de poser des questions », précise Gwendoline.
« Les parents se rendent compte qu’ils sont pareils »
Des ateliers, animés par des spécialistes, sont organisés régulièrement par Sa Majesté des Couches : massages bébé, langage des signes. Un soutien. Une manière d’apprendre collectivement. « En plus de conserver un lien social, ce concept de bar à poussette permet aux parents de se rendre compte qu’ils sont tous un peu pareils », explique Leslie Colombat, partisane de cette ouverture vers « l’extérieur ». Une démarche que la gérante avait envie de conjuguer avec une certaine éthique. « On va par exemple promouvoir les couches lavables. Et pour manger et boire un coup, ici, tout est bio ou issu du commerce équitable », explique Aurélie.
Grâce à ces atouts, elle a trouvé une « petite clientèle fidèle ». Composée à « 85 % de femmes », évaluet- elle, à la louche. Les papas viennent rarement. Plutôt le samedi, avec leur conjointe. Un constat qui reflète une répartition des tâches encore inégalitaire au sein des couples. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) de mai 2013, les mères consacrent deux fois plus de temps que les pères aux activités parentales. Avec un enfant de moins de trois ans, l’écart s’accentue. Voir affluer les hommes à Sa Majesté des Couches n’est pas encore pour cette rentrée.
Guillaume Vénétitay
Sa Majesté des Couches, 104, rue Colbert. Ouvert du mardi au dimanche.  10h-18h. 02 47 32 90 25