"Il y a un retour du gratuit"

J.-L. Sagot-Duvauroux est philosophe et écrivain, il est l’auteur d’un essai « De la gratuité » chez L’Éclat (2006), disponible gratuitement sur internet.

DOSS_PAP23Le café suspendu, les potagers en libre service en ville, le marché gratuit… Qu’est-ce que ces initiatives gratuites disent de nous ? C’est le sans prix qui fait le sens de notre vie et on n’en a pas toujours conscience car on évolue dans un univers du tout marchand. Le fait d’offrir un café à quelqu’un, de lui donner, c’est agréable, et symboliquement important. Ces petites choses tentent de rétablir un culture de la gratuité, alors que c’est la culture marchande qui prime. Dans notre vie, ce qui est sans prix, donc gratuit, est ce qui a le plus d’importance à nos yeux. Prenons l’exemple d’une puéricultrice dans une crèche, elle s’occupe des enfants en vendant sa force de travail, et quand elle rentre chez elle, pour s’occuper de son propre fils, elle le fait gratuitement ! D’ailleurs, elle le prendra très mal si un jour il souhaite la rembourser ! On ne vend pas tout de nous-même.
Ces petites solidarité, c’est un souffle nouveau…? Dès la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1980, il y a eu ce mouvement des utopies de la gratuité. C’était très fort, c’était le communisme, la baisse du temps de travail, le partage des richesses… Mais la chute du communisme à la fin des années 1980 a fait largement douter de ces idéaux et le marché s’est engouffré là-dedans. Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a un reflux du gratuit, mais de manière très différente et positive, car le mouvement vient du local. Il n’est plus ni national ni global. C’est une utopie qui revit sans danger de totalitarisme car elle renait par la liberté de chacun, par la base. À grande échelle, les États sont tétanisés par la gestion comptable de la politique, la finance etc. Alors qu’au niveau local, on a des perspectives différentes et on arrive à trouver des systèmes de partage.
Est-ce qu’on peut rapprocher les nouveaux modèles de consommation collaborative nés sur internet type covoiturage, de ces élans de gratuité ? On peut dire de façon générale qu’internet dessert le rapport marchand et le rend plus beau. Il y a beaucoup de politique à faire en prenant cela en compte ! Prenez mon livre sur la gratuité : l’éditeur l’a mis en libre service sur son site internet, et pourtant il dit que les ventes se portent mieux en faisant cela ! Car le réseau s’élargit et le livre a une valeur ajoutée, en tant que produit/objet industriel, que le gens veulent bien payer ! Sur internet, il y a aussi une culture du logiciel libre, du partage des connaissances et des idées, gratuit, libre, pour tous, c’est passionnant !

Philo : penser en série

Professeur de philosophie, Hugo Clémot ouvre le cycle Sérial philo à la Médiathèque François Mitterrand. Il voit dans les séries télé un bon outil pour se réapproprier la matière.

Les sopranos
Quels sont les aspects qui vous intéressent dans l’étude d’une série télé ?
Les séries télé possèdent des personnages qui évoluent plus que dans des films de deux heures, bien que j’utilise aussi beaucoup ces derniers. En les regardant régulièrement, on peut s’identifier plus facilement à eux car ils possèdent une ambiguïté. Il y a des personnages extraordinaires mais on s’immerge aussi dans leurs problèmes quotidiens.
Comment expliquer le retard français dans l’étude philosophique des séries télé ?
Par la nullité des séries françaises, qui est due à des raisons institutionnelles dans le milieu du cinéma. Avec le courant de la Nouvelle Vague, on a moins mis l’accent sur le scénario, au cinéma et dans les séries. En France, il y a eu aussi pendant longtemps un mépris pour les séries, qu’on assimilait à Dallas ou aux Feux de l’amour. Néanmoins, il y a des initiatives comme le séminaire sur The Wire à Nanterre, ou celles de Sandra Laugier, mais elles restent souvent personnelles.
Au lycée, comment utilisez-vous les séries télé ?
Trois usages pour ma part. D’abord, elles permettent d’illustrer des idées. Je peux aussi aborder un problème philosophique avec la série. Enfin, je montre les différentes conceptions d’une notion. Dans ce dernier cas, j’ai déjà utilisé Barry Lyndon, le film de Kubrick, qui traite du désir.
Quelles vertus possèdent l’usage des séries télé en classe ?
Ce sont des références communes que l’on a avec les élèves. On a du mal à admettre qu’elles sont plus du côté des séries et du cinéma que des textes classiques. Ainsi, le côté cinématographique gomme le côté abstrait de la philosophie. Ces extraits ont aussi un côté hypnotique, et ça calme les élèves tout de suite.
Et ça ne risque pas de les endormir ?
Non. L’expérience m’a appris que les élèves ont pris l’habitude d’une telle pratique. Et quand je ne le fais pas, ils sont en demande ! Ils sont donc actifs. Ils me font même remarquer des choses que je n’avais jamais vues. Ils sont très forts. Ils prennent confiance. Certains me suggèrent même telle série pour un thème précis.


LA CONFÉRENCE
Le cycle Sérial Philo a été mis en place par Hugo Clémot et David Lebreton, président de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (APPEP). La première conférence se déroule jeudi 17 octobre, à 19 h, à la médiathèque François Mitterrand. Hugo Clémot, professeur de philosophie au lycée Paul-Louis-Courier, se centrera sur Dexter. Trois autres sont prévues dans l’année, dont une sur Kaamelott.
PHILO-HEROS
DEXTER
SORTIR_CULTURE_BV_DEXTER
« J’utilise pas mal Dexter pour parler de l’inconscient. Il y a toute la problématique du traumatisme d’enfance, et sa dualité entre son côté ordinaire et son statut de tueur en série ».
DR HOUSE
« On peut évoquer la religion. C’est une thématique qui est de toute façon assez présente dans les séries, et plus généralement, aux États- Unis. »
JOHN LOCKE
SORTIR_CULTURE_BV_LOCKE
« Rien que par son nom, le personnage de Lost est intéressant. On travaille la notion de vivre ensemble et celle du contrat social de Rousseau. »

Perles du Bac : "Les Zastèques vivaient en Amérique du Sud"

Le Bac commence demain ! Tremblez, tremblez. Mais amusez-vous aussi un petit coup en lisant les perles du Bac de l’an dernier…

Vraies ou fausses, les perles du Bac ? A vous de vous faire une idée ! En attendant, on vous en livre quelques unes bien corsées et fleuries, datant de l’an dernier, et parues dans un tout nouvel ouvrage…(1)
HISTOIRE
> Les conditions de vie du poilu ça doit être triste, car à ce que je vois dans le texte, on dit à un passage « de la boue jusqu’à la ceinture ». Tout cela ne doit pas être beau à voir.
> C’est à Luc Ferry que l’on doit l’obligation d’aller à l’école même si on en a pas envie.
MATHS
> « …le carré de la longueur de l’hyppopotamus… » (En parlant de l’ami Pythagore, bien entendu ! NDLR)
GEO
> La France a 125 000 cm2 du territoire d’outre-mer.
> Les Zastèques et les Zincas vivaient en Amérique du sud. (Za, z’est bien vrai ! NDLR)
LITTERATURE
> L’Odyssée est l’histoire du long voyage qu’a fait Ulysse qui ne supportait pas de voir sa femme Pénélope tricoter.
> Les habitants de l’Encyclopédie, les cyclopes, étaient des monstres énormes et terrifiants qui attrapaient facilement leurs proies, les pauvres petits hommes, malgré leur œil unique au milieu du front comme la lampe des mineurs. (C’est moche la drogue, n’est-ce pas ? NDLR)
PHYSIQUE
> Einstein était un savant connu pour tirer la langue. (Pas si faux !, NDLR)
ECONOMIE
> L’économie de l’Europe, surtout de la France, coule à cause des fonctionnaires, sauf ceux de l’enseignement qui sont mal payés et pas respectés. (A Tmv, on pense qu’il a eu un zéro pointé là…, NDLR)
(1) Source : « Brèves de copies de Bac » éditions Chiflet et Cie, juin 2013.
N’oubliez pas notre dossier spécial Bac, paru en mai, avec notamment un guide de survie parents/enfants : c’est ICI ! et notre fiche révisions pour les nuls (philo), c’est ICI
5380814_Une-copie-d-examen-du-bac

Le bac pour les nuls : philosophie

Si pour vous, Socrate est avant tout un joueur de foot brésilien, vous avez raison, mais ça ne vous aidera pas à avoir le bac. Lisez notre fiche Philosophie pour les nuls.

PLATON_PHILO
On confond souvent Socrate et Platon. Or, Socrate n’a jamais laissé d’écrit. Tout a été dit, répété (mais pas transformé) par ses amis. Notamment Platon, son disciple, un grec barbu comme lui. Platon est connu pour ses dialogues qui vous poussent à vous interroger sur un sujet (le Beau, par exemple). Forcément, tout le monde n’est pas d’accord avec lui au début, mais comme il parle vraiment bien, il vous fait comprendre plein de choses. Oui, c’est la rhétorique, nous direz-vous ? Eh bien Platon, dans le dialogue « Gorgias », dénonce la rhétorique comme un art du mensonge. Tandis que Gorgias, lui, dit que la rhétorique est l’art de bien parler. Ben voilà, vous l’aviez pas vue venir, celle-là !
Sinon Platon a écrit un super livre, limite best-seller : « La République ». Autant dire qu’il faut l’avoir lu au moins une fois avant de plancher devant sa copie. Au bac, les profs raffolent des citations. Certaines fonctionnent à tous les coups : « L’enfer, c’est les autres » (Sartre) pour un sujet sur Autrui ; « Tout homme, en tant qu’être moral, possède en lui, originairement, une conscience morale » (Kant) pour la Conscience ; ou encore « Il n’y a qu’une erreur innée : celle qui consiste à croire que nous existons pour être heureux » (Schopenhauer) pour le Bonheur. Par contre, oubliez le « Je pense, donc je suis ». C’est dépassé, sérieusement.
AG
Retrouvez notre guide de survie pour le bac.