Philo : penser en série

Professeur de philosophie, Hugo Clémot ouvre le cycle Sérial philo à la Médiathèque François Mitterrand. Il voit dans les séries télé un bon outil pour se réapproprier la matière.

Les sopranos
Quels sont les aspects qui vous intéressent dans l’étude d’une série télé ?
Les séries télé possèdent des personnages qui évoluent plus que dans des films de deux heures, bien que j’utilise aussi beaucoup ces derniers. En les regardant régulièrement, on peut s’identifier plus facilement à eux car ils possèdent une ambiguïté. Il y a des personnages extraordinaires mais on s’immerge aussi dans leurs problèmes quotidiens.
Comment expliquer le retard français dans l’étude philosophique des séries télé ?
Par la nullité des séries françaises, qui est due à des raisons institutionnelles dans le milieu du cinéma. Avec le courant de la Nouvelle Vague, on a moins mis l’accent sur le scénario, au cinéma et dans les séries. En France, il y a eu aussi pendant longtemps un mépris pour les séries, qu’on assimilait à Dallas ou aux Feux de l’amour. Néanmoins, il y a des initiatives comme le séminaire sur The Wire à Nanterre, ou celles de Sandra Laugier, mais elles restent souvent personnelles.
Au lycée, comment utilisez-vous les séries télé ?
Trois usages pour ma part. D’abord, elles permettent d’illustrer des idées. Je peux aussi aborder un problème philosophique avec la série. Enfin, je montre les différentes conceptions d’une notion. Dans ce dernier cas, j’ai déjà utilisé Barry Lyndon, le film de Kubrick, qui traite du désir.
Quelles vertus possèdent l’usage des séries télé en classe ?
Ce sont des références communes que l’on a avec les élèves. On a du mal à admettre qu’elles sont plus du côté des séries et du cinéma que des textes classiques. Ainsi, le côté cinématographique gomme le côté abstrait de la philosophie. Ces extraits ont aussi un côté hypnotique, et ça calme les élèves tout de suite.
Et ça ne risque pas de les endormir ?
Non. L’expérience m’a appris que les élèves ont pris l’habitude d’une telle pratique. Et quand je ne le fais pas, ils sont en demande ! Ils sont donc actifs. Ils me font même remarquer des choses que je n’avais jamais vues. Ils sont très forts. Ils prennent confiance. Certains me suggèrent même telle série pour un thème précis.


LA CONFÉRENCE
Le cycle Sérial Philo a été mis en place par Hugo Clémot et David Lebreton, président de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (APPEP). La première conférence se déroule jeudi 17 octobre, à 19 h, à la médiathèque François Mitterrand. Hugo Clémot, professeur de philosophie au lycée Paul-Louis-Courier, se centrera sur Dexter. Trois autres sont prévues dans l’année, dont une sur Kaamelott.
PHILO-HEROS
DEXTER
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« J’utilise pas mal Dexter pour parler de l’inconscient. Il y a toute la problématique du traumatisme d’enfance, et sa dualité entre son côté ordinaire et son statut de tueur en série ».
DR HOUSE
« On peut évoquer la religion. C’est une thématique qui est de toute façon assez présente dans les séries, et plus généralement, aux États- Unis. »
JOHN LOCKE
SORTIR_CULTURE_BV_LOCKE
« Rien que par son nom, le personnage de Lost est intéressant. On travaille la notion de vivre ensemble et celle du contrat social de Rousseau. »