Loi sur le renseignement : « Des dispositions liberticides »

Christopher Talib est chargé de campagne à la Quadrature du Net. L’association défend les droits de l’Homme dans la société numérique. Interview.

Logo de la Quadrature du Net
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Le 19 avril, François Hollande a annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel pour la loi sur le Renseignement…
Tout le monde a été surpris qu’il annonce ça. Le problème, c’est qu’il y a saisine sans raison. Il est possible que le Conseil constitutionnel ne voit pas où est le problème ici. Il faut montrer que telle ou telle disposition pose un souci. Il a fait ça pour effacer le débat public.

Tout le monde ne connaît pas votre asso. Quelle est la position de la Quadrature du Net sur ce projet de loi ?
On est contre ! (rires) Nous sommes une association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet. Donc contre cette loi aux dispositions liberticides et cette surveillance de masse. Il y a un manque de contrôle citoyen ! Des tonnes de données vont être ratissées, alors qu’on nous dit que c’est pour aider dans la lutte contre le terrorisme… Tout sera couvert par le Secret défense. Un citoyen ne pourra donc pas savoir lesquelles de ses données ont été récupérées…

Une disposition crée vraiment la polémique : les boîtes noires…
Ce n’est pas une petite boîte noire, c’est une immense armoire ! (rires) On place ça au coeur du réseau, afin de brasser les données. On nous dit que ça fonctionne avec un algorithme. Or, ils vont devoir regarder tout le monde pour identifier ces comportements suspects. Ils disent que celles-ci seront détruites. D’accord, mais… le problème de base, c’est qu’ils les aient !

Si je masque mon adresse IP, je suis potentiellement suspect ?
Pour avoir des suspects, il faut déjà les modéliser, une norme. Que va-t-on faire des comportements alternatifs ? Ceux qui naviguent sur Tor (qui permet de surfer anonymement, NDLR), ou XMPP (un protocole de messagerie instantanée) ?

C’est utopique de dire qu’il est possible de contourner cette loi ?
C’est faisable. Si on construit un mur pour se protéger, il ne servira à rien si l’attaque est aérienne… Quand on voit les réseaux d’Al Qaïda, ils savent comment se cacher et ne pas être fichés.

Si j’écris un message privé sur Facebook à quelqu’un, on pourra le lire ?
Non, la NSA les lit déjà.

Vous dites donc qu’on est tous épiés ?
Les géants du web qui se plient aux services secrets, c’est une violation des libertés individuelles. Est-ce qu’on accepterait, dans la rue, d’avoir une grande plaque autour du cou avec toutes nos données, notre identité, d’où on vient, ce qu’on a fait ? Non.

Vous utiliseriez le terme de « dangereux » pour cette loi ?
Clairement. J’ai découvert que ce projet de loi était dans les cartons depuis longtemps. Seule la disposition sur les boîtes noires est récente. Les hébergeurs n’ont même pas été contactés au début.

Selon vous, le gouvernement passe-t-il en force ?
Oui. Le renseignement doit être modernisé, c’est évident. Mais ça ne se fait pas dans l’urgence. Il faut un vrai débat pour respecter la liberté des gens. Il faut des gardes-fous, car un service de renseignement peut toujours déraper.

Plus d’infos sur le site de la Quadrature du Net.

→ Retrouvez notre dossier intégral sur la surveillance Internet par ICI.

BUZZ : Big Brother is really watching you

Le buzz qui a fait cette semaine ? L’affaire Prism. Espionnage et compagnie, bienvenue dans le monde d’Orwell.

L’affaire PRISM, c’est le nouveau scandale dont les États-Unis se seraient bien passés. Révélé par Edward Snowden, un ancien informaticien de la CIA et de la NSA (agence de renseignement militaire), Prism est un vaste programme de surveillance d’internet au profit des USA.
Le gouvernement américain a donc ainsi pu réclamer aux principaux géants du net (Google, Facebook, Microsoft, Yahoo !, Apple, etc.) des accès aux données des utilisateurs de leurs services. Une révélation qui a suscité de nombreuses réactions dans le monde entier et qui a forcé son auteur, Edward Snowden, à s’exiler à Hongkong. Prism a surtout mis dans l’embarras les acteurs du web, à l’instar de Google qui a fait de la transparence son leitmotiv.
Pour l’instant, seulement le nombre de demandes a été communiqué. Microsoft aurait ainsi reçu entre 6 000 et 7 000 demandes, Apple entre 8 000 et 9 000, idem pour Facebook. La plupart des requêtes concernent des faits divers situés sur le sol américain : des cambriolages, la recherche d’enfants disparus, des fraudes, des homicides ou encore la localisation d’une personne souffrant d’Alzheimer.
Des affaires qui sont bien éloignées de ce qui est censé être l’objectif de Prism, c’est-à-dire la lutte contre le terrorisme. Barack Obama s’est contenté de défendre ce dispositif qu’il estime utile pour lutter contre le terrorisme et qui serait sans risque pour la vie privée des américains. Un programme qui, selon la NSA, aurait permis « d’empêcher plus de 50 attaques terroristes depuis le 11 septembre 2001″.
BUZZ_PAP (AFP)