Passion vinyle : Anthony Legoff, un disquaire qui creuse son sillon

#VisMaVille Sur le web comme dans sa boutique de la rue des Trois Pavés Ronds, Anthony Legoff est passé expert ès vinyles il y a cinq ans. Plutôt que de les mixer comme avant, il les bichonne, pour le plus grand plaisir de ses nombreux clients. A l’occasion du Disquaire Day, rencontre avec ce passionné.

Dans le petit monde des disquaires, Anthony Legoff est l’un des derniers des Mohicans. Le Madison, rue Colbert, a fermé au décès de son propriétaire, il y a deux ans. Et l’historique Baromètre ouvre de manière plus ponctuelle. Bien sûr, on trouve aussi des vinyles à la Fnac « où il y a de très bons conseillers » précise Anthony. Mais en indépendant, il fait partie des résistants, fier de bientôt passer le cap des cinq ans d’existence, avec sa boutique le Passe Passe Store.

En se lançant à 40 ans, il a modifié sa relation au vinyle. Celui que certains connaissent comme DJ 1-Verse ne scratche plus comme avant : « En tant que DJ, je voyais le vinyle comme un outil de travail, qui finit logiquement par s’user. Je réalise maintenant que j’ai parfois scratché des vinyles qui valaient quelques centaines d’euros, mais je ne m’en rendais pas compte ! »

Lorsqu’on pénètre dans son antre de la rue des Trois Pavés Ronds, le respect de la galette noire est de mise. Les 33 tours d’occasion sont nettoyés dès leur arrivée, avant d’être classés dans les bacs. « J’ai aussi appris à attraper correctement le disque par le côté et le centre, sans toucher les sillons, contrairement à mes vieilles habitudes de DJ », raconte le passionné.

Jazz, rock, classique, musique afro-cubaine, électro, scène locale… On trouve de tout chez Passe Passe Store, avec près de 4 000 références. La spécialité locale ? Des « pressages japonais ». À la grande époque du vinyle, le Japon faisait presser sur place les albums des artistes internationaux pour le marché local, avec une très bonne qualité de son. Et la cerise sur le gâteau, ou le wasabi sur le sushi, c’est que ces vinyles pressés il y a quelques décennies ont été très bien entretenus. Anthony en fait venir 60 kg par mois, et chaque album recèle ses petites surprises, comme ce livret des paroles de Blondie en japonais qu’on observe avec curiosité (et désarroi)…

Si ces imports venus d’Orient peuvent sembler réservés à l’élite des accros du vinyle, la clientèle est en réalité bien plus large. En été, même les touristes étrangers fans de 33 tours franchissent la porte, souvent grâce au site Discogs et sa carte mondiale des disquaires indépendants. « J’ai des clients de 14 à 90 ans, nous explique Anthony. Les collectionneurs ont fait survivre les disquaires depuis les années 1980-1990, mais on voit aussi depuis une dizaine d’années un renouveau, avec des jeunes qui s’y intéressent. »

Pour le disquaire, interdit de dire que les nouvelles générations ne savent plus écouter de musique. Au contraire ! « Avec les plateformes, ils ont acquis rapidement une culture très large, ils découvrent des artistes qu’ils viennent ensuite chercher en vinyle. » Entre engouement pour la seconde main et découverte de la qualité sonore incomparable des vinyles d’époque, le disquaire semble avoir encore de beaux jours devant lui !

Emilie Mendonça


> Le Disquaire Day aura lieu partout en France le samedi 20 avril 2024 

 

Madison : le dernier disquaire de Tours

Bertrand Ponsignon, gérant du Madison, est l’un des derniers disquaires de Tours. tmv l’a rencontré.

(Photo dr)

Voilà deux ans que Bertrand Ponsignon passe des vinyls et des CD dans sa boutique, Madison, rue Colbert. Bien sûr, le disquaire connaît la crise que traverse le disque, il la ressent dans ses ventes depuis des années, mais il continue.

Disquaire depuis plus d’une dizaine d’années, il a aussi été représentant pour une maison de disque qui s’appelait Saoul poster. Il sillonnait la France des années 1970 avec une camionnette remplie de 33 tours pour essayer de vendre ses importations de jazz ou de soul aux magasins de disques. Puis, il a voulu s’échapper de la vie parisienne, a posé ses valises et ouvert sa première boutique à Vendôme, avant de venir à Tours.

Entre reggae et rock psychédélique

Ce disquaire ne se lance pas dans de grands discours contre le pouvoir de nuisance des grandes enseignes qui vendent des produits culturels ni contre le téléchargement gratuit. Lui, lutter ? « Je préfère survivre », se contente-t-il de rectifier. N’y voyez surtout pas de la résignation.

Bertrand est un érudit de la musique qui verse avant d’abord dans la passion de la musique et la nostalgie. Il parle plus volontiers de son amour pour le reggae et le rock psychédélique de la fin des années 1970, que de la crise du CD. Dans sa boutique, la moindre place est comblée par un album. Pour trouver un artiste ou un titre en particulier, il faut d’abord prendre le temps de chercher. Et parfois, on tombe sur une pochette intrigante, mystérieuse, un artiste dont on avait entendu vaguement parler. Dans ce cas-là, il suffit d’aller voir Bertrand Ponsignon pour l’écouter. Il passe alors le CD ou le vinyl sur les enceintes du magasin et fait ce qu’il préfère : vous conseiller et parler musique.

Madison, 135 rue Colbert.

Plus d’infos au 02 47 61 21 27.

Zoom sur les disques de Madison