Ukraine : Anna Sushchenko, le récit d’une fuite épique

Directrice d’une agence de mannequinat avant la guerre, Anna Sushchenko, réfugiée ukrainienne de 39 ans, est venue témoigner auprès de lycéens de la spécialité sciences politiques du lycée Grandmont la semaine dernière. Les bombes au réveil, le départ précipité en voiture, les arrêts à cause du rationnement de carburant, récit d’une fuite épique.

Dans un poignant témoignage, Anna raconte son premier contact avec la guerre : le matin du 24 février, vers 5 h, elle et ses enfants sont réveillés par les premières explosions dans leur ville de Zaporijia, au sud-est du pays. C’est le début du conflit russo-ukrainien.

Sous le choc, après avoir regroupé à la hâte ses affaires, elle décide de prendre la route le plus vite possible en direction de l’ouest du pays. « J’ai pris mes enfants, le chat, et tout ce qui était important a tenu dans un sac », se souvient-elle. Oubliés les jouets, mis de côté les vêtements inutiles… Anna remplit la voiture, mais le trajet vers la frontière hongroise est difficile.

Comme elle n’est pas la seule à fuir, les autoroutes sont embouteillées, et l’essence est rationnée. « Nous n’avions pas plus de dix litres de carburant par véhicule. On a mis trois jours pour un voyage qui se fait en une journée habituellement », dit-elle. Elle explique avoir vécu une période très angoissante dans la voiture. Elle écoute en boucle les informations relatant les nouvelles avancées russes : les villes bombardées, la pression sur Kiev la capitale, les viols dans le nord du pays…

Au début du conflit, les Russes prévoyaient que l’offensive durerait trois jours. Le conflit dure toujours. Anna doit laisser derrière elle son mari et son beau-fils, âgé de 19 ans, tous les deux sont interdits de quitter le pays. Et finalement le chat, terrorisé par le voyage en voiture, est resté à la maison.

« Mes enfants ne seront plus jamais les mêmes »

Une fois arrivée dans une zone plus sûre, à Berehovo, près des frontières hongroise et polonaise, elle prend contact avec différentes organisations d’aide humanitaire. Elle est alors chargée de diverses tâches : « j’ai fabriqué des gilets pare-balles pour la Défense territoriale, par exemple ».

Elle est alors approchée par le média français Brut, pour qui elle réalisera des images diffusées sur Instagram. Après quelques semaines à participer à l’effort de guerre, elle décide de venir en France. Tout se passe très rapidement. À la frontière, elle ne rencontre aucun problème. « La solidarité a pris le pas sur les contrôles des passeports. Les premiers jours, certains passaient sans montrer leurs papiers », témoigne-t-elle.

Aujourd’hui, Anna vit à Tours avec ses deux enfants dans une famille d’accueil. « Je ne sais pas de quoi demain sera fait. La guerre a tout changé, mes enfants ne seront plus jamais les mêmes. On me propose de reprendre mon métier ici, en France ou en Europe. Mais je vis au jour le jour. Je veux aider mon pays ».

En attendant de retourner en Ukraine, dès que la situation s’améliorera, Anna veut témoigner, et continuer à aider la résistance de son pays. « Tous les médias occidentaux présents en Ukraine le constatent, assure-t-elle. Notre population résiste, nous nous organisons, nous vaincrons ».

Texte : Alexandre Butruille et Alexandre Volte, lycéens de Première, au lycée Grandmont.