Des bébés qui parlent la langue des signes

Des bébés qui parlent avant même l’arrivée de la parole. C’est possible grâce à la langue des signes et aux ateliers Bébé fais-moi signe, proposés à Tours par Leslie Colombat.

(Photo Nathalie Picard)
(Photo tmv)

Philéas, 2 mois, dodeline de la tête sans pouvoir encore la contrôler. Darius, 4 ans et demi et vrai moulin à paroles, accompagne Marcelin, son petit frère de six mois, roi de la vocalise. En tout, ils sont cinq enfants et bébés, entourés de leurs parents, venus pour apprendre… la langue des signes. Dans cet atelier douillet du boulevard Tonnellé, ni sourds ni malentendants. Mais des papas et des mamans qui souhaitent donner à leurs tout-petits la possibilité de communiquer dans une langue avant même qu’ils ne verbalisent leurs premiers mots. « Le but n’est pas de remplacer la parole mais de la soutenir, souligne Leslie Colombat, accompagnante à la parentalité, qui propose à Tours l’atelier Bébé fais-moi signe depuis mai dernier. Les bébés vont apprendre des mots clés, cela va notamment permettre à ceux qui sont davantage visuels qu’auditifs de communiquer plus vite. »

Très tôt, l’enfant est en effet en mesure de comprendre plus de mots qu’il ne peut en produire. D’où parfois une certaine frustration… Bébé fais-moi signe propose de s’immerger dans la langue des signes françaises – l’officielle, celle qu’apprennent les sourds et malentendants – durant six séances d’une heure, tous les 15 jours. « Les enfants commencent en général à signer entre 12 et 15 mois, mais plus l’apprentissage commence tôt et plus il fonctionnera, ajoute Leslie Colombat. À l’issue de l’atelier, les parents et les enfants sont susceptibles de connaître entre 80 et 100 mots de la langue des signes française. »
Ici, pas de cours doctoral. « Le but, c’est aussi que parents et enfants passent un moment sympa en famille », précise l’accompagnante à la parentalité. Comptines, cartes, tout est fait sous forme de jeux. Même si on rabâche un peu pour que cette nouvelle langue reste gravée dans la crâne. « On va peut-être faire quelques fautes d’orthographe », plaisante Leslie Colombat. Ce jour-là, les parents apprennent les mots qui font le quotidien de leur rejeton. Dormir, coucher, biberon, jouer ou encore tétine. Les plus petits observent, les parents répètent. Car ce sont eux, qui au quotidien, à chaque fois qu’ils vont s’adresser à leurs enfants, vont reproduire ces gestes.

Camille et son mari, dans les bras desquels la petite Amy, 4 mois, se repose, observent avec attention les gestes que Leslie exécute. « Ma soeur m’a conseillé d’apprendre la langue des signes à ma fille suite à son expérience, avec son propre fils, qui a pu communiquer avant de savoir prononcer des mots. Il pouvait, avant de parler, dire des choses simples, comme biberon ou encore musique », explique-t-elle. « On avait envie de rentrer en interaction avec notre fils d’une autre façon, analysent Magali et Alexis, maman et papa du petit Marcelin. La langue des signes permet d’avoir un échange de mots avant qu’ils aient l’acquisition de la parole.
C’est aussi un temps en famille en dehors de la maison. » Les bébés de l’atelier pourront ensuite signer, avant même de les vocaliser, leurs mots préférés. Généralement, ils adorent dire « encore », « chocolat » ou… « caca ».

Flore MABILLEAU

En savoir plus : Sur le site de Leslie Colombat haptonomie-tours.fr.
>Les six cours coûtent en tout 60 €. Il existe également un atelier pour apprendre la LSF aux bébés au foyer des Sourds 8 bis rue du Camp-de- Molle à Tours.

LES AMÉRICAINS PIONNIERS

C’est dans le pays berceau de Mickey que les premiers chercheurs se sont penchés sur l’intérêt d’apprendre la langue des signes aux enfants. Joseph Garcia, spécialiste de la langue des signes américaine, observe dès les années 80 que « les enfants de ses amis sourds communiquent en signes bien plus tôt que les enfants de ses amis entendants ne le font avec les mots », raconte Magaly Lampérier dans son mémoire de recherche qu’elle a consacré, en 2011, à cette thématique. Joseph Garcia va donc s’intéresser à la communication gestuelle pour les enfants avant qu’ils ne sachent parler.

En 1999, il publie à ce sujet l’ouvrage de référence Sign with your baby qui utilise la langue des signes américaine. Mais d’autres courants, comme celui de Linda Acredolo et Susan Goodwyn, réinventent une langue spécial bébé, en utilisant des signes de la langue des signes américaine, quitte à en simplifier certains et à en inventer d’autres. « Elles ont effectué des recherches montrant que les signes permettent de réduire la frustration des bébés et d’être mieux compris, qu’ils ont un impact positif sur la relation entre l’enfant et ses parents », détaille Magaly Lampérier. Autre effet observé par les chercheuses : l’enfant parle plus tôt, avec un vocabulaire plus large, plus précis et avec des phrases plus longues. Depuis, les bébé signeurs ont essaimé au Canada, en Australie, au Japon ou encore… en France.