A Tours de Bulles : la diversité de la BD

A Tours de Bulles revient à Tours pour sa 14e édition. Au menu : bande-dessinée à gogo, dédicaces d’auteurs, expos, conférences et autres animations. Interview de Philippe Septier, directeur du festival de BD.

Philippe Septier, président du festival A Tours de Bulles.
Philippe Septier, président du festival A Tours de Bulles. (photo tmv)

Le festival A Tours de Bulles a su se faire une place dans la rentrée culturelle tourangelle. Revenons sur ses origines.
Avant A Tours de Bulles, nous avions un autre festival qui se déroulait chaque vendredi 13. Mais ça n’était jamais au même moment et, parfois, il y en avait plusieurs par an : difficile de continuer. C’était au-dessus de nos forces (rires) ! Quand une nouvelle équipe s’est formée, on a décidé de faire ça annuellement. D’abord, cela se passait en juin et place Plumereau. Puis nous sommes partis à la salle Ockeghem et avons maintenant envahi la place Châteauneuf ! (sourire) On essaye de proposer un festival convivial et accueillant. On travaille également beaucoup sur l’accueil des personnes en situation de handicap. Tout le monde se mélange ici. C’est la BD pour tous et le moment de découvrir la diversité de la bande-dessinée en passant un bon moment.

 

Pourquoi avoir choisi le thème « famille » cette année ?
C’est en référence à l’album de notre invitée d’honneur, Chadia Loueslati. Une sélection de planches de son roman graphique et autobiographique « Famille nombreuse » sera exposée.

 

Il y a des nouveautés pour cette édition… 2018
Oui, avec la Tour d’Ivoire des mômes. On a eu l’idée de proposer à la Quinzaine du livre jeunesse de choisir quatre album et que le public jeune puisse voter. Le dépouillement aura lieu dimanche midi et le vainqueur sera annoncé à ce moment-là. La deuxième nouveauté est le retour du concert dessiné de fin de festival. Le groupe L’Affaire Capucine s’associera à un bédéiste. C’est l’ADN du festival en fait : la BD a des liens avec plein de choses, musique, peinture, Histoire, etc. A Tours de Bulles est pluridisciplinaire, on montre que la bande-dessinée est quelque chose de plus large et plus riche qu’il n’y paraît.

 

Quels sont vos artistes coups de cœur cette année ?
C’est toujours difficile ! (rires) Je pense à Jean Dytar, auteur de Florida, un album magnifique, un vrai pavé sur la conquête de la Louisiane. Graphiquement, c’est superbe et historiquement, il y a un contenu. Il sera en conférence le samedi. Mais j’aime aussi Jean Barbaud, Janski…

 

Jean Barbaud sera présent. Il est l’artisan de « Il était une fois l’Homme », quelque chose qui réunit toutes les générations. Cela reflète parfaitement l’esprit du festival non ?
Oui, oui. C’est un festival familial, convivial, de 7 à 77 ans comme la BD. Même au-delà… (sourire) Il y a des albums plus durs et difficiles, d’autres plus légers, nous mélangeons les genres. C’est pour tout le monde.

 

Vous imposez-vous certaines restrictions dans vos sélections ?
Ah un Marsault, par exemple ja-mais ! (dessinateur controversé pour ses idées travaillant avec la maison d’édition Ring – NDLR) Sinon, on ne s’impose pas trop de limites. Vous savez, on a parfois fait de la BD érotique – jamais pornographique – ou politique, avec des albums sur les luttes sociales. Le but d’A Tours de Bulles est de montrer la variété de la BD.

 

(Photo A Tours de Bulles)
(Photo A Tours de Bulles)

Quel est votre rapport à la bande-dessinée ?
J’ai commencé avec les magazines Tintin et Spirou tout petit. J’étais un gros collectionneur avant. Mais désormais, en tant qu’organisateur de festival, j’ai un peu plus de distance avec l’objet livre en lui-même. Chez moi, je dois avoir environ 2 000 albums. Et j’en lis beaucoup à la bibliothèque. D’être dans l’association m’a permis de découvrir des genres que je ne connaissais pas forcément. Aujourd’hui, mon style de prédilection est la BD qui raconte des histoires, du vécu.

 

La BD est aujourd’hui de plus en plus adaptée au cinéma. Comment l’expliquer ?
C’est simple : ce sont des bonnes histoires ! Greg disait qu’il fallait trois choses pour faire une BD : une histoire, une histoire et une histoire. Au cinéma, on peut avoir un film magnifique avec des acteurs super, mais s’ennuyer au bout de dix minutes. La BD est d’une richesse scénaristique folle. C’est un média qui permet davantage d’imagination et de possibilités.

 

Idem : le marché de la BD se porte plutôt bien dans le secteur éditorial. Pourquoi ?
Les ventes, oui. Mais c’est plus compliqué que ça. Dans le monde des auteurs, peu en vivent. Beaucoup abandonnent, d’autres se tournent vers l’illustration, certains se regroupent pour trouver des moyens et organiser des actions. Il y a peu d’auteurs dépassant le SMIC… C’est pour ça qu’on aime mettre en avant les jeunes à A Tours de Bulles.

 

Les autrices sont plutôt rares dans les festivals BD. Mais vous leur faites la part belle et elles sont nombreuses à A Tours de Bulles.
C’est clairement une volonté affichée. La profession se féminise et c’est une excellente chose. Il faut faire sortir la BD de l’image d’une bande de mecs qui travaillent pour une bande de mecs. Certaines autrices font des choses formidables.

 

Et vous n’avez pas attendu le mouvement #MeToo pour les mettre en valeur…
Exactement. On a essayé de forcer les choses ! (sourire) On assume parfaitement. J’avais vraiment l’impression qu’elles n’existaient pas dans les festivals.

 

Après cette 14e édition, c’est quoi l’avenir pour vous ?
La 15e ! (rires) On y réfléchit et on aimerait que ce soit une édition améliorée. Déjà en poursuivant notre ancrage local et sa dimension humaine. On n’a de toute façon pas vocation à devenir plus gros, nos moyens sont limités (tous sont bénévoles et le festival est gratuit – NDLR). Je veux travailler avec des gens de Tours. Pourquoi pas le Bateau Ivre ? Côté contenu, j’ai envie de faire venir quelques grands noms de l’étranger.

 Propos recueillis par Aurélien Germain

> Les 15 et 16 septembre, place Châteauneuf. Gratuit. Infos et programme sur atoursdebulles.fr