Paul Brunault : « prévenir l’addiction »

Paul Brunault est psychiatre et addictologue à l’hôpital Bretonneau. Il répond à nos questions sur la digital detox et les accros au numérique.

Pascal Brunault, addictologue à Bretonneau
Paul Brunault, addictologue à Bretonneau

L’addiction au numérique : qu’est-ce que c’est ?
Il existe deux types d’addiction : avec ou sans drogue. Il s’agit donc de la seconde. Ce qui est particulier dans ce type d’addiction, c’est que la personne n’est pas dépendante au digital en tant que tel mais plutôt à l’expérience agréable permise par les outils numériques. Internet est un média plus qu’un objet d’addiction. Par exemple, une personne dépendante des jeux en ligne va utiliser massivement Internet.

Comment identifier une addiction ?
Premièrement, il existe le critère dit de perte de contrôle. Lorsqu’on envisage de rester une heure sur l’ordinateur et que finalement on y reste cinq heures sans pouvoir s’en empêcher, c’est une envie irrépressible. Ensuite, la dépendance physique se traduit par un état anxieux, stressé ou irritable et par une augmentation progressive des doses pour avoir le même effet. Au départ, j’ai besoin de trente minutes par jour sur Facebook, puis pour me procurer le même plaisir, j’y reste une heure, puis deux…
Une addiction entraîne aussi des conséquences personnelles et sociales, lorsque l’activité emmène la personne à s’isoler. Un autre critère est celui de l’utilisation à risque. Il est moins appliqué dans les addictions sans drogue, mais il existe. Notamment au volant, lorsqu’une personne ressent le besoin de consulter son téléphone et qu’il y a donc un risque d’accident. Finalement, la question du temps passé devant un écran ne suffit pas pour diagnostiquer une addiction. Quelqu’un peut y passer beaucoup de temps sans que cela n’entraîne de dommages. L’addiction est présente lorsqu’une personne voudrait s’arrêter mais qu’elle n’y parvient plus.

Que pensez-vous des digital detox ?
Ce qui est intéressant dans la digital detox, c’est de rompre avec ses pratiques et prendre du recul sur celles-ci. Ça peut aider une personne à prendre conscience de son degré d’usage et de son besoin à utiliser les outils numériques. En revanche, après une cure, une dimension importante à prendre en compte est le retour dans le monde réel.

Quelles sont les conséquences des innovations numériques ?
Plus un objet est proche, plus il y a risque d’addiction. Prenons l’exemple du portable, effectivement il y avait moins de risque d’addiction avec le téléphone fixe ! Désormais, on peut emmener notre téléphone partout avec nous. La société rend ce type d’addiction particulier, car les nouvelles technologies sont omniprésentes, utiles et désormais indispensables. Finalement, on entre dans une normalité en utilisant les appareils numériques. L’enjeu n’est pas de s’en passer totalement mais de développer la prévention à l’addiction.