Diététique et réseaux sociaux : « J’ai commencé à tourner des vidéos après des consultations avec des jeunes »

Ysaline Benakli est un pur produit tourangeau. À défaut de promouvoir la gastronomie de la région, qui n’est pas toujours très diététique, elle propose sur son compte Instagram @ysalinediet des recettes pour rééquilibrer son alimentation. La diététicienne-nutritionniste de 28 ans a conservé son activité principale et l’utilise pour alimenter ses réseaux sociaux et, par la même occasion, ses 344 000 abonné(e)s. 

Diététicienne-nutritionniste, influenceuse…c’est une carrière professionnelle plutôt atypique. Quel est votre parcours ? 

Je viens de Tours et j’y habite, mais j’ai fait mes études à Toulouse. Je voulais faire un travail utile, en lien avec la santé. J’ai choisi ce métier parce que l’alimentation, c’est la base d’une bonne santé.

fait maintenant cinq ans et demi que j’ai obtenu mon diplôme d’État de diététicienne-nutritionniste. J’ai d’abord commencé chez un prestataire de santé à domicile, où je m’occupais des nutritions artificielles [solutions nutritives pour les patients avec des difficultés à s’alimenter, NDLR], puis dans un cabinet libéral en collaboration. Aujourd’hui, je suis à mon compte, uniquement en télé-consultations.

Quelle était l’intention de départ en créant un compte de recettes sur les réseaux sociaux ?

Ça fait un an et demi que j’ai commencé et, initialement, je voulais sensibiliser sur l’alimentation. Je voulais répondre aux préjugés et apporter de vrais conseils santé face à tout ce que l’on voit sur les réseaux sociaux. Le déclic a été de voir des choses complètement fausses, des aberrations qui, dans le pire des cas, peuvent mener à des troubles du comportement alimentaire.

J’ai commencé à tourner des vidéos après des consultations avec des jeunes, qui me disaient : « Moi j’ai vu ci, j’ai vu ça sur les réseaux sociaux. »  Je les ai publiés et je suis allée préparer mon repas. En regardant mon téléphone par la suite, j’ai remarqué que j’avais déjà pas mal de vues. Aujourd’hui, à ma petite échelle, j’essaye d’influer sur les pratiques alimentaires.

Vos comptes, sur TikTok puis sur Instagram, ont rapidement pris de l’ampleur. Cela a-t-il eu un impact sur votre activité principale de diététicienne-nutritionniste ? 

Je passe pas mal de temps à créer du contenu vidéo, j’ai donc dû réduire mon volume de consultations. Je ne prends plus aucun nouveau patient. Être sur les réseaux sociaux m’a en revanche beaucoup aidée quand j’ai voulu démarrer à mon compte. Cela a servi de relais et je n’ai pas eu à chercher de nouveaux patients.

Et puis j’ai plusieurs projets. J’ai écrit des e-books de recettes et je prépare un livre physique qui devrait voir le jour en février ou en mars. J’ai mis plus d’un an à l’écrire. Le but de ces livres de recettes est de proposer des menus complets, avec les étapes et la liste de course, afin de soulager de la charge mentale que peut représenter la préparation des repas.

Vous promouvez la technique du rééquilibrage alimentaire pour des personnes qui, dans la plupart des cas, souhaitent perdre du poids. Vous inscrivez-vous également dans la mouvance body positive, que l’on a vue fleurir sur les réseaux sociaux ces dernières années ? 

Le but de cette technique est de rééquilibrer son alimentation de manière globale et sur le long terme. C’est toute la différence avec les régimes que l’on voit fleurir partout après les fêtes, par exemple. Alors, effectivement, il peut y avoir une perte de poids et c’est souvent la démarche mais c’est surtout la conséquence d’une alimentation équilibrée.

Le body positive consiste plutôt à apprendre à s’accepter. Il faut cependant comprendre que, pour certaines personnes, cela passe par des changements à mettre en place, notamment dans l’alimentation et l’activité physique. Tout est une question de nuance. Mais effectivement, une fois que toutes ces choses sont mises en place, le travail d’acceptation est important.

Propos recueillis par Marie-Camille CHAUVET, journaliste en formation à l’EPJT.

Photo : Maëva Landais

Hébergements d’urgence : Au cœur de l’hiver, la vie au gymnase

#EPJTMV Le gymnase des Fontaines de Tours a été aménagé en centre d’hébergement d’urgence pour les familles sans domicile pendant la période de grand froid. Reconduite jusqu’au mercredi 24 janvier, cette solution reste provisoire alors que l’hiver se poursuit.

Journée froide et blanche de janvier, ciel laiteux. Le gymnase des Fontaines est posé sur le bitume, comme une brique de Lego, entre l’arrêt de bus Mozart et la crèche de quartier. Un bâtiment du siècle dernier, grisâtre, sans artifice. A l’intérieur, les cris de Nahid emplissent l’espace et se substituent aux habituels crissements des baskets et rebonds des ballons.

Le garçon de 3 ans grogne, rigole et court entre les vingt-trois tentes disposées dans le gymnase. Comme les autres familles accueillies, la sienne est arrivée en France il y a quelques semaines. Venue d’Algérie, elle est installée depuis plus d’une semaine entre les quatre bâches blanches qui délimitent chaque espace.

Des familles renvoyées vers l’inconnu

Les températures ont opéré une chute vertigineuse vers le négatif en ce début d’année. A Tours, le plan grand froid s’est matérialisé par la réquisition d’un seul gymnase, pour une durée initiale d’une semaine. Le dispositif a été reconduit pour une semaine supplémentaire puisque le mercure ne remonte que très faiblement.

Mardi 17 janvier, dix places ont été ajoutées dans trois nouvelles tentes, à destination des hommes seuls sans abri. Mais dès mercredi prochain, les tentes seront repliées et les familles renvoyées vers l’inconnu. Elles devront trouver d’autres hébergements d’urgence afin de ne pas dormir dehors.  « Il faut une solution plus pérenne sur Tours, au moins pour les trois mois de l’hiver, et pas seulement pour une semaine ou deux. Il y a un réel manque de centres », déplore Mathieu Lagarde, salarié au sein d’Entraide et Solidarités.

Mathieu Lagarde est salarié au sein d’Entraide et Solidarités depuis un an. Photo : Baptiste Villermet/EPJT

Cette association vient en aide aux personnes en situation d’extrême précarité et agit sur d’autres sites permanents de la ville. Dans le gymnase, salariés et bénévoles s’occupent des besoins des bénéficiaires et distribuent leurs repas. Certains ont été embauchés pour une mission d’intérim d’une à deux semaines, la durée du plan grand froid. « D’habitude, je travaille avec les handicapés, et là j’ai été recrutée pour ce dispositif. C’était tout nouveau, mais je recommencerai l’expérience avec plaisir », explique Jennifer, tandis qu’elle dit au revoir à une autre recrue qui vient d’achever sa mission.

Jouets et cris d’enfants au milieu des lits de camp

Côté logistique, l’association gère aussi l’approvisionnement en nourriture. Dans de grands frigos professionnels sont stockés les plats préparés par la cuisine centrale de l’association. Ils sont réchauffés sur place, et distribués trois fois par jour aux quelque soixante-dix personnes qui les consomment sur les tables disposées au milieu du gymnase.  « Les tentes ont été apportées par la Croix-Rouge, et les lits de camp, c’est la Sécurité civile qui les fournit », explique Mathieu Lagarde, en arpentant les allées jonchées de jouets.

Le gymnase des Fontaines est le seul de l’agglomération tourangelle à ouvrir ses portes pour le plan grand froid. Photo : Baptiste Villermet/EPJT

Le mercredi, c’est le jour des enfants. Le jeune Nahid l’a bien compris et pour l’occasion, il a décidé de passer la journée en pyjama. Son grand frère, Younès, 9 ans, l’air rieur derrière ses lunettes carrées, essaye de le calmer un peu. Lui s’exerce aux arts plastiques dans le coin des enfants, une table où sont disposés jeux et crayons de couleurs. Il montre fièrement le coloriage de Spiderman qu’il vient d’achever.

Certains parents restent en retrait, et jettent des regards discrets vers leurs enfants derrière les bâches. D’autres s’amusent avec eux.   « Là-bas, les papas jouent avec un enfant qui n’est pas le leur. C’est ce qu’on observe beaucoup ici, la solidarité, la bienveillance entre les familles. La situation, la culture, la langue, les rapprochent », indique Mathieu Lagarde.

Au gymnase, les quinze enfants présents sont scolarisés le reste de la semaine. La plupart de leurs parents ne parlent pas le français et sont dans l’attente d’une régularisation. Malgré la précarité de la situation,  « tous sont d’une extrême reconnaissance et font tout pour nous aider », poursuit le salarié. Quant aux habitants des alentours, ils semblent avoir été touchés. En témoignent les dons spontanés de vêtements et de jouets qui s’entassent dans un coin. Le tumulte enfantin enveloppe, quant à lui, au moins pour un temps, le gymnase froid et gris du quartier des Fontaines.

Texte : Marie-Camille CHAUVET, journaliste en formation à l’EPJT

Photos : Baptiste VILLERMET, journaliste en formation à l’EPJT