Tours, une ville (vraiment) gastronomique ?

Une question s’impose : on mange vraiment bien à Tours ? Nous, on vous dit oui ! Mais notre
ville apparaît aussi chaque année dans le « classement de la malbouffe », dans le trio de tête des villes où les fastfoods sont rois. Est-ce que les Tourangeaux ne nous feraient pas un petit dédoublement de personnalité, entre fast-food bon marché et belles tables gastronomiques ?

Rue du commerce. Vous passez devant un kebab, puis la Deuvalière et le Léonard de Vinci ; on croise ensuite d’autres kebabs et des enseignes de tacos du côté de la place du Monstre, avant d’arriver aux Halles pour faire escale chez Olivier Arlot. Voilà un parcours gastronomique digne de montagnes russes gustatives, non ?

C’est ce paradoxe que met en lumière le fameux classement « malbouffe » édité par le site web acontrecorps.com. Et pour 2021, Tours est la deuxième ville où les fastfoods des grandes enseignes sont les plus nombreux, rapportés au nombre d’habitants.

Pour bien faire, on pourrait calculer le ratio entre le nombre de restaurants gastronomiques et le nombre d’habitants, pour créer un classement du bien-manger. On laisse cette mission à ceux qui aiment les statistiques. De notre côté, on a préféré interroger quelques spécialistes de la gastronomie pour y voir plus clair.

Une assiette travaillée au restaurant La Roche Le Roy – photo crédit La Roche Le Roy

Pour Loïc Bienassis, chercheur à l’IEHCA (Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation, basé à Tours), rien de bien étonnant ici : « Tours reflète quelque chose d’assez français ! La France est, par exemple, le deuxième pays consommateur de pizzas après les États- Unis. La France est à la fois un pays qui aime la fast-food et qui accorde une place forte à la gastronomie. »

Avant d’ajouter : « Le classement de la malbouffe reste assez arbitraire, il ne prend en compte que certaines enseignes nationales. Pour étudier la question, il faut s’attacher à d’autres indicateurs, et ne pas se focaliser sur quelques marqueurs spectaculaires, comme ce classement, ou à l’inverse, le nombre d’étoilés Michelin. »

Y a pas que les étoiles dans la vie !

Catherine Barrier, fille du chef étoilé Charles Barrier et directrice d’une agence de communication spécialisée dans la gastronomie, ne dit pas autre chose : « La gastronomie ce ne sont pas seulement des étoiles. Aujourd’hui, on trouve en Touraine un vrai maillage de restaurants riches de talents, sur le registre de la gastronomie pour tous. Ce qui importe, c’est que chacun travaille à être le meilleur dans la catégorie qu’il a choisie, ce qui se traduit de plus en plus par des valeurs environnementales dans lesquelles les clients se retrouvent. À ce titre, une étoile verte au Michelin, qui récompense la cuisine gastronomique et durable, est aussi importante que d’autres distinctions ».

Pour la professionnelle qui travaille avec de nombreux chefs en Touraine et partout en France, la nouvelle génération de chefs cultive donc des valeurs et une philosophie dans lesquelles les convives se retrouvent, et qui fait la force de la Touraine gastronomique, et pourrait transformer Tours en capitale du goût.

Au Martin Bleu, à Tours, le chef Florent Martin n’a pas attendu que le « locavore » soit à la mode pour proposer à sa table vins de la région et poissons de Loire. Pour lui, « un étoilé pourrait servir de locomotive au secteur, mais la région compte beaucoup de très bons restaurants ».

Et lui, court-il après les récompenses ? « Être dans un guide fait toujours plaisir, mais ma récompense la plus importante c’est être complet tout le temps, et entendre un client satisfait dire qu’il n’avait jamais si bien mangé. »

Un vrai dynamisme du secteur gastronomique

Alors, Tours, ville gastronomique ? Pour Loïc Bienassis, dans les faits, pas de contestation possible. « Il y a un vrai dynamisme du secteur gastronomique en Touraine : une dizaine de Bibs Gourmands, de très belles tables, des formations en métiers de bouche et de bons produits locaux. »

Prochaine étape ? « Bâtir la réputation de la Touraine comme territoire gastronomique. » Selon le chercheur, Tours n’a pas toujours été au rendez-vous côté promotion de ses richesses : rillettes de Tours tombées dans l’oubli fin XIXe siècle, pruneaux tourangeaux supplantés par Agen… « Lyon a construit sa réputation de ville gastronomique pendant l’entre-deux guerres, rien n’est donc gravé dans le marbre ! Mais cela nécessite un travail collectif et sur la durée. » À tmv, pour contribuer à l’effort collectif, on repart explorer les bonnes tables de la métropole !

Maud Martinez / Photos Adobe Stock sauf mentions


> Retrouvez notre dossier spécial gastronomie & best-of restos dans le n°408 de tmv du 16 mars 2022 !