Cinémas Studio : « On devra beaucoup plus se battre »

Pierre-Alexandre Moreau ne jouera pas les Cassandre. Le président des cinémas Studio préfère se montrer actif face à l’arrivée, le 3 octobre, d’un nouveau multiplexe à Tours-Nord, même si les craintes sont réelles.

Pierre-Alexandre Moreau, président des Studio (photo tmv)
Pierre-Alexandre Moreau, président des Studio (photo tmv)

Un dandy déboule en vélo dans la cour du cinéma. Arborant une chemise bleu turquoise sous un trench mi-saison et les cheveux au vent, il s’agit bien du président des Studio. A ce poste depuis déjà trois ans, le Tourangeau de 27 ans ne tremble pas face à l’arrivée du cinéma de la famille Davoine à Tours-Nord. Source d’inquiétude depuis 2012, l’ouverture de CinéLoire (9 salles, 1 820 sièges) se concrétise mercredi 3 octobre.

Comment se passe cette rentrée pour vous ?
J’évite le discours de Cassandre même si le risque reste assez majeur et l’équilibre assez fragile. Tous les jours on me dit que le public des Studio est fidèle et qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter. C’est vrai que nous avons 20 000 abonnés et que les Tourangeaux ont une réelle appropriation des Studio. Mais le souci ce n’est pas la fidélité, c’est la gestion des copies de films Art et Essai.

Qu’est-ce qui se complique avec l’ouverture du cinéma du groupe Ciné Alpes à Tours ?
Pour 500 films Art et Essai, on va avoir à notre disposition les 50 premiers et seulement la moitié va nous rapporter de l’argent. Ce sont les plus porteurs comme La La Land de Damien Chazelle, les films de Xavier Dolan… Avec les cinémas CGR, il y a un équilibre, ils ne font pas trop de films de ce genre. Le souci avec l’arrivée d’un nouvel opérateur, dont la pression financière et sur les distributeurs est plus forte, c’est qu’on pourrait avoir plus de difficulté à disposer des copies de ces films porteurs. D’autant plus que la famille Davoine à la tête de Ciné Alpes (Ndlr : quatrième circuit de cinémas de France, 160 salles) est en pleine guerre contre le réseau CGR et nous allons nous retrouver entre les deux. Et si, sur les 50 films porteurs, on en perd 10, ça va être compliqué pour nous financièrement.

Quelles ont été vos démarches face à cette concurrence ?
Nous sommes allés voir la « médiatrice du cinéma », Laurence Franceschini, qui est d’accord avec ce qu’on proposait sur l’équilibre de la répartition des copies de films Art et Essai entre les cinémas. Après, si demain, la famille Davoine est respectueuse de l’équilibre actuel et ne met pas de pression sur les copies de films, nous ne sommes pas contre un cinéma à Tours-Nord. On avait tenté une médiation il y a quelques années, mais elle n’avait pas été concluante.

Avez-vous déjà remarqué des changements ?
On sent que les négociations avec les plus gros distributeurs sont déjà plus tendues. On pressent qu’on devra beaucoup plus se battre pour avoir les films les plus porteurs en Art et Essai.

Quels sont d’ailleurs les films attendus cette année aux Studio ?
BlacKkKlansman de Spike Lee a déjà bien fonctionné à la rentrée, on attend aussi cette semaine The Brother’s Sister (Les Frères Sisters) de Jacques Audiard. First Man : le Premier Homme sur la Lune de Damien Chazelle, réalisateur de La La Land, est prévu pour octobre et on attend prochainement les films de Xavier Dolan, Ma vie avec Jon F. Donovan et Matt et Max.

Qu’avez-vous mis en place pour répondre à cette concurrence ?
On est d’autant plus actif. Après avoir rénové le hall en 2015 et la salle 1, nous avons aussi effectué pas mal de changement en interne. Pour rajeunir et fidéliser nos clients, nous avons aussi offert l’abonnement aux étudiants détenteurs du Pass Étudiant Culturel qui bénéficient ensuite des entrées à 4 €. Il est désormais possible d’acheter son abonnement en ligne à l’année et à la rentrée, nous proposerons le E-billet, c’est-à-dire la possibilité d’acheter de chez soi ou sur son smartphone, son ticket.

ENTRETIEN_Studio3

Vous misez aussi sur une nouvelle communication ?
Avec une programmation diverse et de qualité, l’architecture et le confort, la communication est l’un des trois piliers de notre travail. C’est désormais l’agence Efil, de Tours, qui s’en charge pour les affiches. Les Carnets seront repris à partir de janvier. Cette agence prend la suite de notre graphiste Francis Bordet qui a été à l’origine du logo des Studio. Un nouveau site internet finalisera ce « lissage » au printemps prochain.

Alors que les cinémas privés s’équipent d’écrans géants (Imax, Ice…), les Studio vont-ils investir dans de nouvelles technologies ?
On veut être à la pointe de la technologie sans être gadget. Ces salles qui permettent une expérience immersive plus grande ne sont pas accessibles aux films Art et Essai. Il y a en réalité très peu de films adaptés en post-production à ces technologies. Ces salles permettent aux cinémas de faire payer les places plus chères, jusqu’à 15 € ! Nous, on reste le cinéma le moins cher de France, en prix moyen et on a augmenté de 0,10 € nos tarifs en septembre. On se différencie dans le rapport à l’humain, au spectateur, qu’on ne considère pas comme un consommateur, mais quelqu’un à qui on offre une ouverture sur le monde. Pour la 3D, on avait l’impression que ce serait le futur et finalement on a de moins en moins de films concernés, donc on n’investira pas plus dans des lunettes, ce ne sont pas dans nos valeurs. On réfléchit toutefois à la création d’une huitième salle dans une partie du jardin, mais là, c’est plus lointain, il faut trouver le financement.

Le rapport humain ça passe aussi par la présence de réalisateurs et d’acteurs en salle…
Oui, on accueille tous les mois au moins un réalisateur et on va d’autant plus continuer aujourd’hui, même si, comme pour les copies de films, c’est plus difficile avec les grands distributeurs que les plus petits. Les gens ont besoin de vivre une expérience collective, d’échanger leurs idées, notamment à la cafétéria, et c’est une des réussites des Studio.

> Retrouvez la programmation sur le site des Studio.