Gwenaëlle Réoutski répare et soigne les livres… et les souvenirs

#VisMaVille Gwenaëlle Réoutski coud, elle presse, elle greffe, elle colle… Tout cela pour faire revivre des livres abîmés par le temps et les souvenirs qui vont avec…

Chaque livre est une aventure et chaque restauration est une nouvelle histoire. Dans son tout petit atelier du quartier des Prébendes, Gwenaëlle prend soin des ouvrages que ses clients lui confient comme elle soignerait un petit patient. Les mots qu’elle emploie, d’ailleurs, renvoient souvent au corps humain. On parle de tête, de nerf, de dos, de gorge… Et ses gestes, patients et minutieux, comme ses outils fins et précis, rappellent le chirurgien.

Faire quelque chose de ses mains, cela a toujours été le rêve de Gwenaëlle. Toute jeune, elle se voyait restaurer les statues des châteaux et puis la vie en a décidé autrement et la voilà technicienne dans un labo de développement argentique.

Avant que l’arrivée du numérique ne vienne encore changer la donne et l’amène dans les rayons d’une grande enseigne de meubles en kit. La vie en bleu et jaune, mais pas toujours en rose, comprend-on à demi-mots.

Avec les années, l’envie de revenir aux origines, de ne pas cultiver les regrets, se fait de plus en plus forte. Gwenaëlle rejoint donc, pour un stage de confirmation de son projet, le Centre de formation de restauration du patrimoine écrit (CFRPE) d’Olivier Maupin. Une école de rigueur et d’excellence. « J’ai tout de suite compris que c’est cela que je voulais faire, s’enthousiasme-t-elle. Il y avait, à la fois, le côté manuel, très sensuel et le voisinage avec les livres qui me plaisaient beaucoup. Cela me correspondait complètement ».

Un CAP de reliure et trois ans de spécialisation en restauration de livres anciens plus tard, elle se lance enfin à son compte. RG Reliure voit le jour. Tout en lissant les pages d’une édition ancienne de « 20 000 lieues sous les mers », Gwenaëlle détaille tout le cheminement d’un livre qui arrive dans son atelier.

Un travail qui commence par une longue conversation avec la personne qui lui confie l’ouvrage. « Qu’il s’agisse d’un livre de famille, d’une BD ancienne ou d’un volume de valeur, il y a toujours deux histoires. Il y a celle que le livre raconte et il y a celle qui le relie à son propriétaire. » Un cahier où une maman disparue notait ses recettes de cuisine, le vieux livre de jardinage du grand-père, c’est à la fois un livre et une volée de souvenirs.

Gwenaëlle s’attache à les restaurer, les uns comme les autres. L’objectif, quand elle recoud une reliure ou qu’elle pratique une greffe de papier sur une page abîmée, ce n’est pas de remettre le livre à neuf. « Le but, c’est surtout de le remettre en état, avec sa patine et en conservant le maximum de matière existante. Il faut que le neuf soit le plus discret possible. »

Pour cela, Gwenaëlle se penche au plus près des matériaux, cuir, toile, papier, fil, pinceaux… Et elle perpétue, aussi, un savoir-faire traditionnel qui disparaît doucement et qui est, à ses yeux, tout aussi précieux que les livres qui lui passent entre les mains.

Matthieu Pays