Le Sceptre et la quenouille, une expo autour de la place des femmes au Moyen-Âge

#VisMaVille Elsa Gomez est conservatrice au Musée des Beaux-arts de Tours. On lui doit (avec sa collègue Aubrée David-Chapy) l’exposition Le Sceptre et la quenouille, autour des femmes durant le Moyen Âge. Le présent résonne-t-il avec ce passé ?

N e pas confondre « conservatrice du patrimoine » et conservatrice en termes politiques. On serait loin du compte. Même si Elsa Gomez réfute toute ambition de proposer une exposition engagée avec Le Sceptre et la Quenouille, visible au Musée des Beaux-arts jusqu’au 17 juin 2024, on ne peut s’empêcher d’y jeter un regard curieux pour comparer la place réelle et imaginaire de la femme au passé et dans le présent.

Elle le rappelle, « l’exposition n’est pas là pour juger, mais pour apporter un éclairage sur cette période de l’Histoire ». Et d’ajouter : « c’est intéressant de voir à quel point certains stéréotypes sexués remontent parfois jusqu’à l’Antiquité ! » Il en aura fallu de l’énergie et du temps (deux ans et demi) pour rassembler à Tours livres, gravures, peintures, sculptures autour de cette thématique qui a émergé progressivement.

En coulisses s’exerçait alors tout l’art du métier de conservatrice et commissaire d’exposition : « Tout a commencé avec un élément sculpté du tombeau des Ducs de Bretagne, démonté à Nantes le temps d’une restauration, et qui nous a été prêté. » Un chien, pour être exact, qui met la conservatrice sur la trace d’Anne de Bretagne, puis sur la piste des femmes à la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance.

Il faut alors débusquer les œuvres au détour de nombreuses lectures, un vrai travail de recherche appuyé par un comité scientifique, un petit bout de chasse au trésor pour trouver les œuvres, avant que les collègues ne prennent le relais pour négocier les prêts entre institutions. Et la tâche ne s’arrête pas là ! Il faut encore faire des choix sur ce qu’on va montrer et raconter : « On sait dès le début qu’on ne pourra pas tout dire, qu’il faudra faire du tri avec l’aide des historiens qui nous ont accompagnés. »

Reste encore à imaginer l’organisation spatiale de l’exposition avec la scénographe, rédiger le catalogue avec Aubrée David-Chapy, deuxième commissaire de l’expo, assurer des visites guidées… Un monde sépare-t-il les femmes occidentales d’hier, de la dame apparue sur le jeu d’échecs à celle du marchand de poissons de la fin XVIe, des femmes d’aujourd’hui ? « On voit bien que du chemin a été fait… et que d’autres choses n’ont pas bougé. Certaines tendances propagées par les réseaux sociaux, comme les trad wives qui prônent de rester à la maison et servir leur mari, sont plutôt un retour en arrière. »

Et peut-on aller de l’avant lorsqu’on est une femme dans le monde des musées ? Elsa Gomez admet qu’ « on m’a parfois demandé de faire plus, car j’étais une femme, dans des expériences antérieures. Mais ce milieu professionnel s’est très largement féminisé, y compris au niveau des postes de direction ! » Les actrices de la société qu’étaient les femmes d’autrefois mises à jour dans l’exposition n’auraient sans doute pas à rougir de leurs héritières !

Emilie Mendonça