Mounir Fatmi, identités multiples

On est allé voir les œuvres de cet artiste marocain majeur au CCC. Bluffant…

(Photo François Fernandez)
(Photo François Fernandez)

Le sol de béton brut du Centre de création contemporaine fait résonner les pas des curieux. Les murs blancs du CCC s’animent de nouveau, cette fois avec les œuvres de Mounir Fatmi. Première pièce : une vidéo tourne en boucle. Un homme s’enduit les mains de cirage sombre. Sa peau devient de plus en plus noire. Expérience similaire à celle vécue par John Howard Griffin. On retrouve le portrait de ce journaliste et médecin américain sur un autre mur de l’exposition. Photo après photo, sa peau blanche se noircit.
Griffin, insoumis
Dans les années 1950, cet intellectuel a décidé de changer de couleur. Devenir noir en pleine ségrégation, un bouleversement dans sa vie : le seul travail qu’on lui propose sera cireur de chaussure. Il écrira un livre qui marquera cette période troublée aux États- Unis. Changer son identité. Dans une pièce obscure, un petit projecteur montre un homme en train de dormir. Sa poitrine se soulève. Il est à moitié chauve. C’est Mounir Fatmi qui s’est déguisé en Salman Rushdie. L’artiste l’explique : il a demandé à l’auteur des Versets Sataniques s’il pouvait le filmer en train de se reposer, mais sans le convaincre. Mounir Fatmi a donc rejoué ces nuits où l’écrivain dort dans un appartement sécurisé contre la menace terroriste qui pèse sur lui. Obligé de se déguiser pour sortir dans les rues londoniennes, Salman Rushdie traverse également les œuvres présentées au CCC.
Changer d’identité
Mounir Fatmi s’intéresse à ces travestissements, ce besoin de vivre au-delà des apparences, d’aller à l’encontre des conventions édictées par des groupes religieux ou les sociétés. Dans une vitrine, son propos se précise : les principaux livres religieux sont recouverts de tâches d’encre. Il fait fi des écritures sacrées, préfère en ressortir l’encre qui les compose, la faire déborder. Ce cube de glace maculé fait face au portrait d’un monstre hybride : celui de Joseph Anton. Une illustration stylisée du pseudonyme utilisé par Salman Rushdie qui mélange les coups de marqueurs noirs et les visages de Joseph Conrad et Anton Tchekov. Hybridation des cultures, Mounir Fatmi s’amuse de ces mises en relation, il explose les codes. Et il le fait magnifiquement.
 
ALLER PLUS LOIN
l’expo >> Le CCC accueille Walking on the light jusqu’au 18 janvier, ça vous laisse le temps d’y passer. Pour ceux qui ne sont jamais allés au Centre de Création Contemporaine, il se trouve à quelques minutes de la gare au 55 rue Marcel-Tribut. L’expo est ouverte du mercredi au dimanche de 14 h à 18 h. L’entrée est gratuite. Plus d’infos au 02 47 66 50 00 ou sur ccc-art. com
pour les kids >> Parce que l’art contemporain, c’est aussi pour les enfants, le CCC met en place des ateliers pour les petits. Mounir Fatmi a imaginé un atelier où les enfants apprennent à connaître l’autre. Photo, dessin, histoire, le temps d’une après-midi les artistes en herbe imagineront ceux qu’ils ont en face d’eux. De 5 à 15 ans. Les samedis 29 novembre, 13 décembre et 17 janvier à 15 h. Inscriptions auprès du CCC.
contribution >> Mounir Fatmi lance un appel aux visiteurs de l’exposition. Il vous demande simplement de répondre à la question : qui sont les autres ? Pour contribuer, direction son blog : theothersaretheothers. tumblr.com

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