Urbex : « Investir une usine est une manière de se réapproprier la ville et l’espace. »

#EPJTMV Olivier Chantôme est photographe et passionné par l’urbex. Il signe son premier livre Balsan (f)riche en mémoire (Ed. La Bouinotte) en février 2023. Il nous en dit plus sur cette pratique.

D’où vient l’urbex ?

L’urbex est une discipline anglo-saxonne qui vient des États-Unis et de l’Angleterre. Elle s’est développée dans les années 80-90 dans un contexte de fermetures d’usines. Ceux qui le pratiquent ont investi les lieux de travail pour remettre en cause leur arrêt et contester les principes libéraux de la grande ville.

En France, l’urbex a émergé en lien avec le mouvement des cataphiles (individus qui explorent les catacombes, NDLR), punk et du graffiti. Des éléments disparates qui se sont agrégés à des emprunts de la culture anglo-saxonne pour que la pratique s’implante dans l’Hexagone.

Y a-t-il une dimension politique à la pratique de l’urbex ?

Oui. Investir une usine dans une friche urbaine industrielle d’une ville moyenne est une manière de se réapproprier la ville et l’espace.

Y a-t-il un profil type des personnes qui explorent les lieux abandonnés ?

On trouve des profils de différentes origines sociales. La pratique ne se limite pas à une élite. On a tendance à voir des hommes, mais les femmes font aussi de l’urbex. Même si elles en pratiquent plus souvent accompagnées que seules, pour des raisons de sécurité. Cette hétérogénéité des profils s’explique par la diversité des lieux dans lesquels on retrouve les bâtiments abandonnés, dans les grandes villes ou à la campagne.

Alors que la pratique est illégale, pourquoi est-elle de plus en plus tendance ?

La tendance et l’illégalité de la pratique sont paradoxales. Cela s’explique car on en parle davantage, notamment sur les réseaux sociaux. Officiellement, la pratique est illégale mais tolérée. Explorer une usine abandonnée n’occasionne pas de problème avec la justice.

Mais, entrer dans des bâtiments privés ou des maisons abandonnées, les conséquences diffèrent car les propriétaires peuvent légitimement dire que c’est une infraction. Malheureusement, cela génère des dommages collatéraux. De plus en plus de lieux sont visités et dégradés par des personnes qui ne connaissent pas « les règles » de l’urbex. On doit sortir du lieu exploré dans l’état où on l’a trouvé, sans casser ni dégrader.

Toujours dans les dérives, certains marchandent l’urbex. Ils révèlent ou organisent des visites guidées de lieux interdits. Or, une des règles de l’urbex est de ne pas donner les localisations pour ne pas qu’ils ne soient pas trop fréquentés.

Propos recueillis par Marie-Mene Mekaoui, journaliste en formation à l’EPJT
(Photo DR)


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