Un regard sur Joué-lès-Tours

Rencontre avec Jean Proveux ancien député PS de la 4e circonscription d’Indre-et-Loire et maître de conférence en géographie, aujourd’hui à la retraite. Il vit à Joué-lès-Tours.

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Jean Proveux : « Le problème des immeubles à Joué centre, c’est que les habitants ne s’identifient pas à leur ville. »

Comment décririez-vous la ville ?
Joué-lès-Tours est assez originale. Contrairement à d’autres villes de l’agglomération, elle n’a pas vraiment de centre qui permette à des activités commerciales de s’installer, par rapport au nombre d’habitants. En plus, elle est très étendue avec une zone rurale immense qui couvre la moitié de sa superficie. Elle est vaste par rapport à sa démographie, ce qui a eu pour effet de créer une certaine autonomie de ses différents quartiers. Si vous prenez par exemple la Vallée Violette, elle fonctionne comme une ville dans la ville. Il y a un centre commercial pour faire ses courses, sa poste, son centre de loisirs… Pareil pour la Rabière qui est complètement autonome.
Mais cette autarcie produit aussi de mauvais effets ?
Oui, restons sur la Rabière. Une étude sortie il y a moins de dix ans montrait que deux tiers des Jocondiens avaient une mauvaise image du quartier. En revanche, dans la même étude, ces mêmes personnes expliquaient qu’elles n’y avaient jamais mis les pieds… C’est à la fois révélateur d’une certaine phobie mais aussi de cette autarcie entre les quartiers.
Quelle autre originalité possède Joué-lès-Tours ?
Son maillage associatif. Depuis plus de 30 ans, de nombreuses personnes se rassemblent autour d’intérêts communs pour créer des associations, notamment les Jocondiens issus de l’immigration. Les associations sont vraiment nombreuses dans la ville, ce qui crée un lien qu’il serait sinon difficile d’avoir entre les personnes du même quartier. C’est ce qui compense l’éclatement de la ville.
Comment voyez-vous l’arrivée du tram dans la ville ?
C’est, pour moi, un élément très positif qui permet à des personnes défavorisées et aux jeunes sans voiture de se retrouver facilement dans le centre de Tours. Mais la plupart des Jocondiens le ressentent-ils comme moi ? Les travaux ont perturbé le stationnement, la circulation, les habitudes. Ils sont encore dans les mémoires. Depuis de nombreuses années, les politiques d’urbanisme de la ville ont essayé de rendre le centre-ville attractif ; celui-ci, au début, ressemblait à un bourg de gros village. À partir des années 1960-70 et la période d’urbanisation, les maisons basses typiques ont été remplacées par les grands bâtiments. N’aurait-il pas fallu en garder quelques-unes ? Regardez aujourd’hui comme la place Plumereau attire du monde à Tours. Le problème des immeubles à Joué centre, c’est que les habitants ne s’identifient pas à leur ville. Ce qui crée un malaise.
Peut-on parler d’une identité jocondienne ?
La ville est trop hétéroclite pour cela. Les Jocondiens, majoritairement, ne travaillent pas dans leur ville. Joué vit le phénomène de banlieue classique. Et puis, elle est tournée vers Tours, la ville centre. Il existe une dépendance qu’on le veuille ou non. C’est difficile de faire autrement.

Propos recueillis par Benoît Renaudin