Qui vive la chronique sociale

Premier film un peu naïf de la jeune réalisatrice Marianne Tardieu. Heureusement, Reda Kateb et Adèle Exarchopoulos relèvent le niveau.

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Costume mal taillé, moustache mal coupée, Shérif tente de tenir l’entrée d’un magasin d’un centre commercial. Pas très bien dans ses chaussures, et dans son rôle, il réprimande d’un air mal assuré une voleuse à la tire. Scène de maladresse, entre mal-être et envie de survie, Shérif fait son vigile de pacotille en attendant une vie meilleure. Mais elle peine à arriver. Il vit toujours chez ses parents dans une petite cité en Bretagne. Il n’a toujours pas de copine. Et il passe encore et encore le concours d’infirmier. Sans succès. Il traîne sa dégaine d’adulescent comme un poids trop lourd.
Shérif, c’est le mec banal qui n’est pas très cultivé mais loin d’être bête. Responsable, ce Monsieur tout le monde fantasme d’un ailleurs mais se laisse prendre par les limbes de l’exclusion. La jeune réalisatrice Marianne Tardieu tente de ne pas tomber dans les travers habituels d’une première production. Cela se voit, dans ses cadrages un peu tremblants, ses silences volontairement laissés au montage, dans ce film qui flotte comme son héros, sans substance mais avec panache. Seulement, là où Qui Vive pèche, c’est dans son scénario, vu et revu à outrance, celui d’un gars qui essaye de s’en sortir et qui se fait entraîner dans les affres de la délinquance.
D’une chronique ordinaire et intéressante, Marianne Tardieu tombe sans le vouloir vraiment dans le spectaculaire social à la moitié du film. La fin à l’eau de rose a le don d’agacer. Dommage, Qui Vive avait tout pour être une bombe. Outre les talents cinématographiques de la réalisatrice, indéniables, le film est porté par deux acteurs majeurs de la nouvelle génération du cinéma français. Reda Kateb, d’abord, qui arrive à imposer sa présence en toute légèreté et gestes gauches. Dans ses tremblements et ses hésitations, l’acteur incarne un jeu du banal, de la vie ordinaire, médiocre. Une performance compliquée à l’encontre des standards hexagonaux qui préfèrent nous montrer des maximes vociférées ou des moues surfaites.
À ses côtés, même si elle n’apparaît qu’à certains moments, Adèle Exarchopoulos illumine Qui vive de sa présence rayonnante. Cette actrice a le don d’apporter une fraîcheur quand la narration s’embourbe dans le convenu. Celle qui avait finalement rendu la Vie d’Adèle hors du commun (Léa Seydoux pourrait prendre exemple sur elle) balade son naturel de film en film. Elle développe cette façon d’être, nonchalante, digne d’une grande actrice en devenir. Adèle Exarchopoulos et Reda Kateb ont cette force permettant à Qui vive de s’en sortir. Marianne Tardieu tombe parfois dans la facilité mais a l’intelligence de permettre aux deux acteurs d’insuffler de la vie dans un film qui mérite, tout de même, d’être vu.

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