Véronique, l'insoumise

Véronique Verrier, prostituée pendant plusieurs années à Tours, est sortie du réseau en 2000. Aujourd’hui, elle témoigne.

véronique, prostituée
Regard assuré de celle qui en a vu d’autres, elle ne vous lâche pas des yeux, juge, jauge celui qu’elle ne connaît pas. Surtout les hommes. Et puis, il y a cette voix, grave, un peu éraillée au timbre impossible à oublier. Une voix d’expérience pour ne pas dire abîmée. Véronique Verrier était prostituée à Tours. 12 ans qu’elle ne fait plus de passes. La fin du tunnel arrive tout juste. Il a duré toute une vie. Elle prend désormais le temps d’exister en tant que femme. Mais pour sortir de la prostitution, il a fallu ressasser ses traumatismes d’enfance et de jeune femme, les mettre à plat, soigner son amour-propre. Au lieu d’enfouir le passé, elle le déterre avec des mots durs, crus, à peine mâchés. Elle ne filtre rien, passe du tarif des « prestations » au mépris des proxénètes et de leur violence sans ciller, les mots se bousculent. Besoin de tout lâcher, de partager ce qu’elle a gardé pour elle : Véronique Verrier vient de finir un livre témoignage. Il sort le jour de la journée de la femme. Tout un symbole. Ce livre, elle l’a écrit la nuit. Propice pour parler de la noirceur humaine.

« Plus vieux métier du monde ? Tu parles !
Ces filles sont des victimes, c’est tout »

Le déclic est venu quand elle est allée visiter son frère, longtemps perdu de vue, dans le sud de la France. Violent, instable, elle a tout de suite pensé à son père. « Je lui ai dit qu’il reproduisait les mêmes comportements qui nous avaient détruits. Je suis partie, ces années de maltraitance me sont revenues comme un boomerang. » Le livre est venu comme une bouée de sauvetage, un exutoire. Elle écrit comme elle parle. Pas de pathos mais une vérité pénible à lire. Elle tutoie le lecteur, le plonge la tête la première dans ses blessures de petite fille, de jeune prostituée à Tours et de mère désavouée. Pour « mettre cette question sur la place publique ». Elle ne veut plus de prostitution, demande l’abolition. Et puis, il y a ces vieux clichés qu’elle souhaite briser. « Plus vieux métier du monde ? Tu parles, toutes ces filles sont des victimes, c’est tout. » Sans parler des clients qu’elle décrit comme des hommes avec une vision des relations amoureuses désastreuse. « Ils cherchent dans la prostitution une solution à des blessures intérieures. » La prostitution les plonge encore plus profondément dans le désespoir.
DOS LIVRE
Véronique Verrier est militante. En politique et dans les oeuvres de charité, c’est une pile électrique qui veut tout défendre en bloc. Parfois jusqu’à l’épuisement. Fragile sous sa carapace, elle a parfois du mal à éviter les conséquences de son combat. En novembre dernier, Mireille Dumas prépare une émission autour de la question de l’abolition de la prostitution sur France 3. Elle rentre en contact avec Véronique, passe une journée avec elle, une bonne partie devant la caméra. Au final, l’ancienne prostituée apparaît à peine quelques minutes. Logique de la télévision spectacle…
Pour veiller au grain, le Mouvement du nid n’est jamais très loin. Depuis que l’association lui a tendu la main un jour, pour l’aider à sortir de la prostitution, elle ne l’a jamais lâchée. Les militants de cette organisation, qui veut abolir la prostitution, sont un ciment, une base sur laquelle elle peut compter en cas de coup dur. « Ils m’ont ramassée à la petite cuillère pas mal de fois. » « Plus vieux métier du monde ? Tu parles ! Ces filles sont des victimes, c’est tout » Véronique Verrier, prostituée pendant plusieurs années à Tours, est sortie du réseau en 2000. Aujourd’hui, elle témoigne.

« Au moins, sur le boulevard, j’avais mon honneur de prostituée qui me protégeait. Aux Restos du coeur, il a fallu affronter les regards de la société. »

Car il y en a encore des moments de désespoir. Après la rue, il a fallu trouver un travail pour survivre et ne pas y retourner. Alors Véronique Verrier enchaîne les petits boulots : à la mairie de Tours, ou encore dans un restaurant bar. Mais pour celle qui se décrit comme « hors-système » depuis sa naissance, construire une vie de femme, être heureuse, se révèle plus compliqué que prévu. Comment retrouver sa place dans une société qui ne l’a pas prise en compte lorsqu’elle était petite fille de la DDASS ? Encore moins quand elle s’est prostituée.
Alors il y a eu l’humiliation des Restos du coeur, la grande précarité. « C’était plus dur pour ma dignité que quand je travaillais sur le trottoir. Au moins, sur le boulevard, j’avais mon honneur de prostituée qui me protégeait. Aux Restos du coeur, il a fallu affronter les regards de la société. » Très croyante, Véronique a témoigné dans sa paroisse il y a quelques mois. « Un moment fort » qui l’a confortée dans ses choix. Elle s’accroche, persévère. Elle vient tout juste de passer une formation pour devenir gardienne de nuit dans des foyers qui accueillent des jeunes en grande difficulté. S’en sortir, trouver enfin un peu de tranquillité et surtout, une voie apaisée.

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