Le Wwoofing, un voyage participatif

Le Wwoofing, vous connaissez ? Voyager à moindre frais en découvrant le fonctionnement d’une ferme bio séduit de nombreux jeunes : nous sommes allés voir dans la campagne tourangelle.

Wwoofing
Bossay-sur-Claise, dans le sud de la Touraine. Sous un soleil de plomb, Tony et Sylvain, deux jeunes agriculteurs maraîchers, installés à leur compte depuis quelques années, s’affairent sur leurs terres. Il est presque midi, les conditions de travail sont rudes. Difficile de gérer à eux deux 11 hectares de cultures. Bientôt, deux travailleurs à mi-temps viendront les assister, mais en attendant, Tony et Sylvain ont opté pour une solution économique et enrichissante : le Wwoofing. Chaque année, les deux amis accueillent sur leur ferme des apprentis fermiers bénévoles, français ou étrangers, qui viennent les assister gracieusement en échange du gîte, du couvert et de belles rencontres. Côté fermier, l’investissement financier est minime et donc intéressant. Côté Wwoofer, le séjour à la ferme est l’occasion de découvrir le monde agricole et de partager des moments avec les agriculteurs, loin des villes.
« Recevoir des personnes à la ferme, ça nous permet de casser la routine et de rigoler à plusieurs. »
Tania est israélienne. Après deux premières expériences de Wwoofing, une en Israël et une aux États- Unis, elle a choisi la France pour son troisième séjour. Avant tout pour apprendre à parler le Français, mais surtout pour le dépaysement. Car ce qui séduit la jeune femme de 21 ans, c’est « cette déconnexion » qu’offre le Wwoofing. Après avoir passé quelques semaines dans une autre installation agricole du département, elle a choisi de continuer son séjour à la ferme maraîchère de Tony et Sylvain. En contrepartie de ses services, ses hôtes ont mis à sa disposition une petite caravane. Un confort rudimentaire, qui ne perturbe pourtant pas la jeune femme. « Cela fait partie du jeu, on s’adapte à chaque fois aux conditions d’accueil, qui varient d’une ferme à l’autre ». Chaque jour, Tania assiste les fermiers pendant quelques heures. Désherber, entretenir les cultures, préparer les paniers de légumes destinés aux AMAP, nourrir les cochons et les poulets… Tout y passe. La jeune israélienne est investie et n’hésite pas à poser des questions quand elle ne sait pas. Après tout, elle est là pour apprendre. Quand elle a fini son travail, la jeune Wwoofeuse peut profiter des environs ; quand elle le demande, ses hôtes lui prêtent leur voiture, pour qu’elle aille vadrouiller dans les alentours, visiter la Touraine. Et quand, le soir venu, les corps éreintés passent à table, c’est tous ensemble. Wwoofers et fermiers ne partagent pas seulement les tâches quotidiennes, ils apprennent aussi à se connaître autour d’un « bon verre de vin rouge et de fromage français ». En deux ans, Sylvain a accueilli de nombreux Wwoofers et ne pourrait maintenant plus se passer de leur aide. « Outre les avantages financiers, c’est surtout l’aspect humain qui nous manquerait. Recevoir des personnes à la ferme, ça nous permet de casser la routine et de rigoler à plusieurs. »
Nouans-lès-Fontaines, à une cinquantaine de kilomètres plus au nord. Josh, un Wwoofer néozélandais de 26 ans, rentre tout juste de Tours, où il vient de passer quelques jours de détente en compagnie d’amis. Ici, le décor est tout autre. Terminé les cultures à perte de vue, place aux chèvres laitières. Le Wwoofing a la particularité de ne pas se limiter à un type d’exploitation agricole en particulier. Si Josh a choisi l’élevage caprin d’Alexandra Robert, c’est justement pour « varier les plaisirs et avoir une vision d’ensemble de l’agriculture française ». Chaque jour, il sort la cinquantaine de chèvres de leur abri pour les emmener gambader et brouter au pré. Une activité qui amuse le jeune homme, qui assiste aussi Alexandra à la maison. Un geste que la fermière apprécie. « Ce qui est intéressant dans le Wwoofing, c’est que chaque apprenti fermier est différent. Certains sont très à l’aise avec les animaux, alors que d’autres ont plus d’aptitudes à la maison, pour la cuisine par exemple. Dans tous les cas, on y gagne, à la fois en main d’oeuvre mais surtout en rencontres. » La jeune éleveuse caprine sait de quoi elle parle. En un an, elle a reçu à sa ferme près de trente Wwoofers. Parfois seuls, parfois en couple, français ou étrangers. Accro au Wwoofing, Alexandra ? « C’est sûr qu’aujourd’hui, je ne vois pas comment je pourrais m’en passer. Sans l’aide de Wwoofers, je ne pourrais plus tenir la ferme seule, d’autant que je dois aussi m’occuper de ma fille de deux ans. » La petite Margot, encore trop jeune pour aider maman, profite aussi du Wwoofing pour rencontrer du monde. « Il arrive que des couples de Wwoofers viennent avec leurs enfants, explique Alexandra. En général, on se répartit les tâches : l’un d’entre nous reste à la maison pour garder les petits, tandis que les autres s’occupent de la ferme. »
Désherber, préparer les paniers de légumes destinés aux AMAP, nourrir les cochons et les poulets… Tout y passe.
Si la plupart des Wwoofers jouent le jeu en respectant la demande d’aide de l’agricultrice, il arrive parfois que certains abusent du concept. « Il m’est arrivé de recevoir des gens qui venaient simplement profiter du logé-nourri pour consacrer leur budget vacances aux sorties. » Des personnes qui n’aident pas, ça arrive, mais cela reste très rare. « En trois ans de Wwoofing, j’ai eu seulement deux cas de ce type, explique Alexandra. La plupart du temps, les gens s’investissent. Certains plus que d’autres, mais dans l’ensemble, je suis très satisfaite. » En cas d’abus, Alexandra et les autres hôtes peuvent compter sur l’association WWOOF France, qui s’occupe de la mise en relation entre Wwoofeur et hôte. Si la personne accueillie à la ferme ne respecte pas ses engagements, elle sera mise en garde par l’association, qui peut aller jusqu’à résilier l’adhésion du Wwoofeur si les abus sont répétitifs. Mais là encore, pas de règle bien définie. WWOOF France ne se considère pas comme une « police » du Wwoofing, mais plutôt comme un intermédiaire entre le voyageur et le fermier. Sa plateforme en ligne est d’ailleurs exclusivement dédiée à la recherche d’hôtes.
En France, ils sont près de 800 à accueillir chaque année des Wwoofers. Sur le département, sept exploitations agricoles proposent le gîte et le couvert aux apprentis fermiers. Souvent considéré comme un moyen pour les étrangers de visiter gratuitement la France, le Wwoofing évolue aujourd’hui. De plus en plus de Wwoofers français se laissent séduire par la formule, qui s’inscrit dans la droite ligne des nombreuses pratiques d’échange de services, comme le covoiturage ou le couchsurfing. Dans un contexte économique difficile, le Wwoofing représente une excellente alternative aux voyages coûteux. Le concept, apparu dans les années 70 en Angleterre, reste perfectible, notamment sur le plan juridique. Mais nul doute que d’ici quelques années le nombre d’hôtes et de Wwoofers aura considérablement augmenté.
WWOOF ?
Comprenez World-Wide Opportunities on Organic Farms. Le WWOOF est un réseau mondial de fermes bio qui se proposent d’accueillir toute personne souhaitant partager le quotidien et le travail de la ferme, en échange du gîte, du couvert et du dépaysement.
ORIGINES
Le WWOOF a été lancé en Angleterre en 1971. Sue Coppard, une secrétaire londonienne, voulait offrir aux citadins l’opportunité de découvrir la campagne anglaise, tout en soutenant l’agriculture bio. D’abord dans le Sussex, la formule s’est développée dans le monde entier.
800
C’est le nombre d’hôtes en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer. Les structures d’accueil sont diverses : élevages, fermes maraîchères, permacultures… Chaque département compte au moins une exploitation agricole accueillant des Woofers.
ALLER PLUS LOIN
Vous souhaitez tenter l’expérience ? Rien de plus simple. Vous trouverez toutes les informations et les contacts nécessaires sur le site web de l’association française de wwoofing : wwoof.fr. Une adhésion annuelle de 20 € est demandée aux futurs wwoofeurs. Un outil de recherche par département et type d’exploitation est mis à leur disposition. Avant de partir D’anciens wwoofeurs partagent leurs expériences en ligne, sur les forums. Vous y trouverez de nombreux conseils pour préparer au mieux votre voyage. Des avis y sont également laissés sur les hôtes.

Echangez votre maison !

Préparez vos vacances à moindre prix avec Adresse-a-echanger.fr, un nouveau site créé par deux Tourangelles.

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La froideur des chambres d’hôtel tombe aux oubliettes. Deux Tourangelles ont lancé, le 8 avril, le site « adresse-a-echanger.fr ». Le principe : échanger son appartement ou sa maison. Pour un weekend ou des longues vacances. Dans la lignée du couchsurfing, le site propose « une autre façon de voyager », selon Marjorie Ravier, cocréatrice du site.
Le concept n’est pourtant pas nouveau. Créé par des universitaires américains, il remonte aux années 50. Mais adresse-a-echanger est uniquement axé sur la France et l’Outre-mer. « L’idée, c’est de découvrir des régions de France que nous laissons habituellement de côté. Nous ciblons aussi les courts séjours », poursuit Manon Vonderscher, autre tête pensante du projet. Pour participer, l’utilisateur doit payer un abonnement de 59 € par an. « Aussi cher qu’une nuit d’hôtel, c’est donc vite amorti », glisse Marjorie.
Ensuite, finies les histoires de sous. Il peut alors choisir parmi les offres et rentrer en contact avec les autres membres pour caler l’échange. En plus de l’avantage financier, la convivialité est au rendez-vous. « Il est possible de laisser les bons plans et des informations utiles à la personne qui vient », confirme Edwige, une jeune Tourangelle qui a échangé avec une utilisatrice originaire de Lannion.
Et que les stressés se rassurent. Selon les fondatrices, il n’y aurait jamais eu de vols ou d’arnaques avec ce type de plateforme. « Les gens ne sont pas dans cet état d’esprit », abonde Manon. Au cas où, chaque participant est couvert par son assurance habitation, puisque c’est le statut juridique d’invité qui est octroyé. Les locataires peuvent donc participer. Et si vous ne voulez pas que quelqu’un mette les pieds sur votre table basse, un contrat d’échange est disponible pour le préciser.
Seul inconvénient pour le moment : le choix restreint de destinations. Marjorie acquiesce et nuance, dans un sourire : « Mais le site permet d’avoir d’autres idées de vacances auxquelles vous n’aviez pas songé ! Cette année, par exemple, je vais partir à Orléans, je n’y pensais pas avant d’avoir lu une proposition ! ».
www.adresse-a-echanger.fr

Do you speak english ?

Doués en anglais ou pas, les Tourangeaux ? Pour le savoir, nous nous sommes glissés dans les habits d’un British de passage à Tours…

IDEE UNE DRAPEAU
Avenue Grammont, un mercredi. Il est midi, le ciel est brûlant. Les gens se pressent un peu partout. Avec mon appareil photo accroché au cou, ma chemise col ouvert et mes lunettes de soleil, je sens bon le touriste (et non, je n’ai pas l’horrible banane autour du ventre). Aujourd’hui, je serai Anglais, that’s it ! Ma première victime ? Un jeune homme qui a tout de l’étudiant. Et qui doit donc manier la langue de Shakespeare. Normalement…
« Excuse me, do you speak English ? ». En guise de réponse, confiant, il me lance un « yes ! » plein d’assurance. Exercice pas trop difficile, je lui demande alors de m’indiquer le chemin pour la gare. « Alors, you go jusqu’au feu rouge. After, a stop (en me faisant un signe de la main, au cas où…) et euh, you have pour environ dix minutes. » Oh my God…
Je me dis que c’est ce que bon nombre d’Anglais doivent subir en débarquant à Tours. Certains Tourangeaux n’osent pas leur répondre, à cause de l’accent et d’autres, parce que les notions les plus basiques sont tombées dans l’oubli. La preuve, par exemple, dans un bureau de poste où une (très gentille) dame ne sait pas me dire « timbre » en anglais. Je me résigne à en prendre au distributeur automatique. Je le paramètre en langue anglaise : gros bug, la machine rame, je me dis que j’ai probablement cassé l’appareil. Au bout de quelques minutes, je ressors fièrement avec… mon timbre.
« C’est plutôt à vous de faire des efforts »
« Je le dis honnêtement, moi aussi, j’ai honte de parler anglais. Pourtant, ce n’est pas faute de l’avoir appris pendant six, sept ans. Mais quand je reçois trois clients américains habituels, il n’y a pas moyen d’aligner trois mots », me confie en français une commerçante, près des Halles. Et visiblement, c’est pour beaucoup le même problème…
Dans le centre-ville, je m’installe pour boire un verre en terrasse. De nombreux restaurants tout autour proposent aussi une carte en anglais. Mais apparemment, un simple « the bill, please » (l’addition, s’il vous plaît) n’est pas bien compris. Ou bien n’a-t-on tout simplement pas envie de s’embêter à parler anglais ? « Vous savez, parfois en France, les gens ne veulent pas perdre de temps à essayer de vous comprendre », m’explique un couple venu de Londres pour un petit séjour en Touraine. Compatissant et l’air tout triste, comme si j’étais un touriste au bout du rouleau, Robert, le mari, me souffle : « C’est plutôt à vous de faire des efforts. » Pas de chance, je me sens d’humeur à embêter ce pauvre serveur. Au bout d’un temps, la discussion en anglais, certes laborieuse, est lancée. Ouf !
L’aéroport de la ville desservant l’Angleterre, on imagine que les touristes d’outre-Manche affluent. Mais, d’après l’office de tourisme (où la connaissance de l’anglais et d’une autre langue est obligatoire), il n’y en a finalement pas tant que cela : « Ce n’est pas vraiment la tendance. Il y a davantage de Brésiliens, d’Asiatiques et d’Hispaniques. »
« Maaï akzent iz terribeul »
Quant à savoir si les Tourangeaux sont bons ou mauvais, l’office de tourisme a son avis : « Contrairement à avant, tout le monde a fait des efforts pour parler anglais. Les touristes l’ont remarqué. Auparavant, en entrant ici, ils nous disaient : “ Enfin quelqu’un qui parle notre langue et nous comprend ! ” Désormais, ça a évolué. Ils ont constaté que des efforts avaient été faits et sont ravis d’être compris… »
En continuant mon périple de faux touriste, je tombe par hasard sur un groupe de jeunes Britanniques. Ils sont là pour apprendre le français. Leur dévoilant l’idée du reportage, ils deviennent très loquaces. « Quand je suis ici à Tours, j’essaie de parler un anglais plus… plus français ! », indique en riant Mark, 24 ans, son iphone en main qui mitraille la tour Charlemagne. « Il y a beaucoup de stéréotypes qui circulent quand on vient chez vous », précise son ami Rob. « On nous dit qu’ici, personne ne sourit, que les gens sont distants etc. Mais à Tours, je n’ai pas vraiment remarqué ça. En plus, je trouve que les restaurateurs ou les hôteliers parlent plutôt bien anglais. » La tranche d’âge 25-35 ans s’en sortirait avec quelques honneurs, d’après eux. Pour les autres, « il faut faire des progrès », sourit Mark. En tombant sur d’autres jeunes – Tourangeaux pur jus, ce coup-ci – on sent qu’ils sont gênés de parler et ont du mal à assumer leur accent. « Maï akzent iz terribeul », s’excuse presque une jeune fille. Certes. Pourtant, je la comprends parfaitement quand elle m’indique le chemin pour aller place Jean-Jaurès. C’est le plus important, non ?
Aurélien Germain
Retrouvez l’interview d’un spécialiste sur le niveau des Français ICI