Cecile Ravel, XL Art, Mochélan & La Souterraine au Temps Machine

Didier Pilot, c’est un dingue de culture et chaque semaine il nous ramène le meilleur.

CHEVALREX
CHEVALREX

Cécile Ravel : Summerland à La Chapelle Sainte-Anne  
Drôle d’Eté sous la fixité inquiétante des “ veilleurs ”, l’humain en intrus dans la nature, l’évidence en sa peau claire  dans le vert des fougères d’être la cible et la proie, son audace à vouloir sous un masque d’animalité penser leurrer la nature sauvage et s’en faire une alliée. Accueillis par les “ bornes ”, mâles ou femelles, nous entrons dans cet au-delà de l’évolution, ce purgatoire de la raison sous la dictature des sensations. Jamais l’animal ne tend à devenir humain, ne  le désire, mais toujours en son observation s’impose son état de premier-­né à la vie, de propriétaire de la forêt, et de  l’état d’éternel locataire de l’homme en son sein. Reste la mutation au-delà de la mue, la possibilité d’une renaissance  sujette aux pires évolutions, bien au-delà de celles engendrées par l’atome. Il est inquiétant le pays dévoilé par Cécile Ravel, mais il est juste ; il dépasse les techniques de l’artiste pour interroger un vide, celui créé par cette impression de ne plus être de ce monde, de ne l’avoir jamais été, d’être apparu en générations spontanées à la surface de la Terre,  initiées par le “ dreamtime ” orgueilleux de nos animaux totems dans l’île de la doctoresse Ravel.

XL Art à l’ Espace Nobuyoshi
Ils sont venus, ils sont tous là, les adeptes des grands formats, les créateurs sans limite, les malins et les excessifs, les séducteurs et les rêveurs. La Mulonnière offre une collection de styles propre à réjouir toutes les familles et les goûts. De Philippe Lucchese à Fabrice Métais on se laisse à toucher le drame de la Méduse réactivé ; un cochon rose de  plastiques récupérés pousse au rire, à l’envie de toucher ; passer du père au fils en la peinture des Pagé reste un  parcours didactique dans la raison d’être artiste. Jean-Pierre Loizeau soumet son audace sentimentale au filtre rouge, diluée dans une pollution issue d’un choc circulatoire ; Claudine Dumaille dans la méditation d’un monde vidé de  l’humain habille un mur d’interrogations. Zano offre du mouvement de couleur sur l’écran noir de possibles nuits blanches, une partition à lire ou à écrire. L’oiseau de Juliette Gassie n’en finit plus d’étirer sa silhouette imposante, sa longue définition du style et de la grâce : cette artiste excelle dans les grands formats à l’instar des visages de Laurent Bouro, le peintre qui injecte de plus en plus de sang dans son minéral, transfuse la pierre pour toucher l’âme. Manchu  en live balance des rêves à nos faces, opte pour l’incarnation de mondes possibles mais difficilement imaginables où l’humain semble désuet face aux extensions de la technique… Au fond de la serre ma préférence : Lena Nikcevic pour  un paysage apaisé, un univers de méditation, un arrêt sur le temps, l’image, l’envie ; l’impression d’être arrivé au bout  du monde, au bout de la quête, au bout de la vie… Dans les jardins tant de sculptures sous la pluie battante…

Soirée La Souterraine au Temps Machine
Un ex-Holden à la guitare, une chanteuse au phrasé flottant… Midget ! ou la sensation d’une fragilité assumée tel un corps limité par divers traumatisme, une âme écorchée aux blessures à peine avouées, pour finir dans des ambiances à  la Velvet du premier album, la possible absence des substances sublimée par l’envie du Beau (le Beau Bizarre ?)…  Remi Parson pourrait se la jouer tant il dégage le pied à peine posé à la scène, mais ses historiettes d’une humanité universelle amènent à le suivre sans forcer, à tomber dans la légèreté et dans la joie, à danser avec lui sous les bombes,  à danser sans oublier la tombe. Les fins abruptes de ses chansons marquent d’une signature à l’arrache les vignettes néoeighties de ce concept faussement ludique… Seul en scène ChevalRex dépasse l’incarnation du chanteur pour s’évader dans celle de l’acteur ; ici la musique n’est qu’un prétexte à balancer du sens, du texte, de la vie, de l’audace ;  on pense bien sur au Dominique A des débuts, mais l’on pourrait dépasser le snobisme inhérent à la fonction de la chronique, à la classification qualitative, pour avancer d’autres références, de Mano solo à Higelin, de Charlelie à Iggy. Peu importe la forme nous parlons du sens et du fond ; à l’instar du belge Mochelan, on sent être en présence d’un artiste haut de gamme, d’un humain en mal d’expression et de communion, d’un type dont l’immense aura serait capable de s’imposer dans tous les styles de musiques, de la pop au jazz, de l’électro au métal, tant il reste unique et  incarne la clé de voûte de son concept.

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CD MOCHELAN ZOKU Image à la pluie  
Bon, j’ai mis du temps à chroniquer ce CD car mon fils Alix (membre de Padawin) est aux drums et dans certaines compositions de l’album de cet artiste belge à la fois chanteur et acteur, et de plus en plus important sur ces terres. Mais je n’arrête pas d’écouter ce disque, de plonger dans la force des textes, d’entrer en communion avec l’expression de l’artiste, à onduler tout seul dans mon salon à l’écoute de recettes imparables telle « Image à la Pluie », « La période  de la meringue », « J’veux bien »… Auréolé de divers prix, ce concept commence à envahir l’espace après avoir envahi nos têtes et nous savons déjà que nous sommes au début et non pas à la fin du truc ; nous sentons que Mochélan va devenir de plus en plus important, de plus en plus nécessaire, de plus en plus vital… Car il participe à son époque, il en est le chantre, la force, le procureur et l’avocat… et l’organisateur de la Grande Teuf. Ce disque m’alcoolise et  m’instruit, comme de lire un Bukowski un verre de bourbon à la main. Nous sommes dans des tranches de vie, dans de  la littérature balancée sur des notes, les chansons comme des mini­-nouvelles avec leurs dramaturgies et leurs chutes,  leur douce morale aussi au travers de leur révolte. La version physique de l’album bénéficie d’un packaging  particulièrement travaillé avec en bonus la captation live du spectacle « Nés Poumon Noir », le versant acteur de  l’artiste.