« Aucard, c’est une ambiance, c’est un village »

Du 31 mai au 4 juin, le mythique Aucard de Tours de Radio Béton investira de nouveau la Gloriette. On a interrogé Enzo Pétillault, programmateur, qui nous dévoile les dessous du festival.

Aucard
Enzo, programmateur à Aucard de Tours.

Quand commencez-vous à travailler sur Aucard ?
Concrètement, ça ne s’arrête jamais. Je fais des concerts, on fait jouer des groupes qu’on défend à Radio Béton, il y a des artistes que j’ai vus il y a plusieurs années, etc. Mais la programmation, la prospection démarrent vraiment en octobre. Le bouclage a lieu vers la mi-mars. Ensuite, on entre dans le « très dur » : ce vendredi 27 mai, on investit la Gloriette (le festival débute le 31 mai, NDLR). A la fin d’Aucard, on démonte tout pendant trois jours.

La prog’, c’est un plaisir perso ?
Je me fais beaucoup plaisir. Mais avant tout, on veut trois choses pour Aucard avec Pascal Rémy : un lien avec Radio Béton, un lien avec l’histoire du festival et des découvertes, de l’innovant. Mais ce n’est pas qu’un plaisir personnel. Par exemple, les $heriff, c’est quelque chose qui ne me parle pas, mais c’est hyper important qu’ils jouent, car ils étaient là dès les débuts d’Aucard ! Debout sur le Zinc a joué il y a 10 ans et eux-mêmes ont demandé à revenir.

Il y en a beaucoup qui viennent vers toi ?
Certains, oui. Ou alors ils sont plus arrangeants. Par exemple, les Wampas, l’an dernier, qui nous avaient fait un tarif moins élevé qu’ailleurs. Ou encore Biga*Ranx qui nous avait fait un prix au ras des pâquerettes, car c’était chez lui et ça lui tenait à cœur de venir. Aucard, c’est le festival des Tourangeaux.

En parlant prix, quel est le budget d’Aucard ?
Il est petit comparé à d’autres. On a un budget de 350 000 € tout compris, dont 80 à 90 000 € pour la programmation. Sauf l’an dernier, où on a mis 10 000 € de plus pour notre anniversaire. Il n’y a pas tant de marge que ça. Il y a un peu de risques. S’il pleut, on est dedans direct ! Les Tourangeaux comprennent que c’est un festival pas cher. Même si, cette année, on a augmenté de 2 € la soirée et 5 € la semaine (lire ci-contre).

Vous avez des aides financières ?
Oui, des aides de la Ville avec 48 000 € contre 50 000 € l’an dernier. Mais aussi de l’agglo, de la SACEM…

Pour les cachets des artistes, y a-t-il une fourchette que tu t’imposes ?
Vu le tarif d’entrée, oui ! Pour une grosse tête d’affiche, j’essaye de ne pas mettre au-dessus de 10 000 €. Ce qui n’est pas beaucoup pour un gros groupe… The Shoes avait par exemple accepté ce prix au lieu de ses 20 000 € habituels.

Pourquoi c’est tabou de parler d’argent ?
Je ne sais pas. En France, dans le milieu du spectacle, les gens ne veulent pas savoir que c’est une économie. Certains chiffrent paraissent énormes, mais il faut savoir qu’il y a les frais inhérents au groupe, que 15 % vont au tourneur, etc. C’est bizarre, mais on ne veut pas comprendre que l’art coûte de l’argent. D’où le besoin de subventions.

Les « coulisses » d’Aucard, ce sont des artistes sous des tentes, avec un baby-boot, à la punk. Il y a déjà eu des demandes un peu étranges ou des caprices ?  
La plupart ont leur rider (une liste de demandes – NDLR), mais on respecte quand même. Il est arrivé qu’un DJ nous demande deux bouteilles de champagne. Dans ce cas, je demande : « euh, t’es sûr qu’il en faut vraiment deux ? » Mais sinon, rien de particulier.

Comme chaque année, beaucoup vont se demander pourquoi les horaires de passage ne sont pas divulgués avant ?
C’est une vieille tradition à Aucard. Ce festival, c’est de la découverte. On aime que le public vienne pour tout et pas que pour un groupe. Il y a aussi un côté économique, soyons honnête : c’est toujours mieux que les gens viennent à 20 h, plutôt qu’à minuit ! D’ailleurs, j’en profite pour dire qu’il faudra venir tôt pour ne pas rater notamment Debout sur le zinc et Suuns ! Mais bon, on n’est pas  »relou » : la sortie n’est pas définitive jusqu’à minuit, contrairement à beaucoup de festivals !

Cette année, quel groupe te fait vraiment plaisir ?
Je suis fier d’avoir Mystery Lights. C’est leur 2e concert en France. Ils sont de New York : un gros rock 70s, mon coup de cœur ! Ou encore les Onyx. C’est mortel d’avoir des légendes !

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=KdaR4rAd5pc[/youtube]

Pour quoi vient le public ? Les têtes d’affiche, les groupes locaux, l’ambiance… ?
C’est un tout. Je pense que 50 % d’entre eux viennent « parce que c’est Aucard ». L’autre moitié est attirée par un groupe, une tête d’affiche, etc. Aucard, c’est une ambiance à part, c’est un village.

Aucard, c’est un peu une famille, non ?
Oh oui ! Même dans le public, c’est une ambiance à part, c’est dingue.

J’ai entendu dire que cette année, il vous a été demandé de ne pas dépasser 85 décibels. Soit presque le bruit d’une machine à laver en mode essorage…
Il y a un arrêté préfectoral en Indre-et-Loire depuis 2 ans. Sauf qu’un public qui applaudit, c’est déjà 85 décibels. C’est fait par des gens qui n’y connaissent rien. Baisser à 85 au lieu des 103 réglementaires, c’est bête. Mais la mairie est obligée. On a expliqué que c’était pas possible, à part en ne faisant que de l’acoustique. Aucard respectera les 103 décibels, la limitation nationale. On a eu une dérogation et pour l’instant, il n’y a pas de souci.

L’an dernier, Aucard a fêté ses 30 ans… Alors, qu’en retiens-tu ?
C’était génial qu’il y ait autant de monde. On a fait 22 000 entrées. Il y avait de l’ambiance et des concerts de dingue, comme Rich Aucoin par exemple. Les artistes étaient adorables, ils aiment vraiment Aucard. Le public était au taquet, même pour des groupes moins connus. C’est toujours cool pour eux de jouer devant 3000 personnes !

L'an dernier, Aucard a marché sur la ville (Photo NR)
L’an dernier, Aucard a marché sur la ville (Photo NR)

J’aime beaucoup aborder ce sujet : et les bénévoles alors ?
Une bonne partie d’entre eux revient chaque année. Ils posent leurs jours de congé pour venir monter un chapiteau, servir des bières. C’est fou. De toute façon, l’esprit bénévole, soit tu l’as, soit tu l’as pas. Cette année, on a reçu beaucoup de demandes sur les réseaux sociaux. Pour notre festival, les bénévoles se déguisent suivant le thème, ça rajoute du charme. Cette année, c’est « savants fous et fous savants », il y a ce côté fun chez nous.

Soyons fous : imaginons que la mairie te donne les pleins pouvoirs, 4 millions de budget MAIS obligé de faire une programmation grand public. Qui choisis-tu ?
Euh… Gorillaz, Daft Punk… Les Rolling Stones, tiens ! (sourire) Pas beaucoup de Français, je crois…

Pas de Patrick Sébastien…
Oula non ! Peut-être Jean-Michel Jarre, tiens. (bon, bah on fera pas tourner les serviettes à tmv – NDLR)

Tu regrettes certains choix dans la programmation ?
Je ne suis pas du genre à vivre dans le regret. En octobre, on a beau avoir une prog idéale, c’est complètement différent à la fin, mais on est super heureux. Chaque année, je suis fier.

Certains voient encore Aucard de Tours comme un festival « punk à chien ». ça t’embête ?  
C’est marrant, car certains voient ça, d’autres me disent « oui, mais il n’y a que de l’électro ». On ne peut rien faire contre les images, mais ça m’est égal. Il y aura toujours des mécontents ! On ne s’en sort pas si mal, au final.

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Que penses-tu de la vie culturelle tourangelle ?

Il se passe pas mal de choses, mais il y a clairement un manque de lieux de diffusion. Tours possède une vie de bars géniale, avec beaucoup de rock, d’électro. Moins pour la chanson et le hip-hop. Et en dehors du Temps Machine, il n’y a pas vraiment de salle avec de bonnes conditions pour un concert, comparé à un bar. Le Bateau ivre, il faudrait vraiment que ça rouvre ! Il y a aussi Phoenix Events, Le Pont Volant (ex-La Belle Rouge – NDLR), mais ça reste loin pour certains. C’est dommage qu’il y ait ce manque d’infrastructures, malgré l’importance de notre vivier musical. J’ai entendu dire qu’en France, Tours avait le plus gros ratio groupes de musique comparé à la population.

En fait, Aucard est un vieux papy maintenant. Mais est-il immortel ?
Rien n’est immortel. Mais Aucard a retrouvé une jeunesse.

Propos recueillis par Aurélien Germain

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