Seconde Guerre mondiale : il déterre les lettres des soldats alliés

Pendant quinze années, Clément Horvath a collecté des milliers de lettres écrites au front européen de la Seconde Guerre mondiale. Ce Tourangeau de 30 ans les a compilées dans un livre qui sortira le 10 octobre. Un travail de mémoire.

Clément Horvath à l'ouvrage... sur son ouvrage !
Clément Horvath à l’ouvrage… sur son ouvrage !

Bon… Comment passe-t-on d’un groupe de metal à… la rédaction d’un livre sur la Seconde Guerre mondiale ? [Clément est l’ex-chanteur de Holding Sand, NDLR]
Effectivement, ça n’a rien à voir, n’est-ce pas ? (rires) Ça s’est fait en parallèle, en fait. Je suis passionné par le sujet depuis que je suis gamin. À l’époque, mon père m’emmenait déjà sur les plages du Débarquement en Normandie. Un jour, j’ai rencontré un résistant qui n’avait plus qu’un pouce… J’avais 7-8 ans, ça m’a marqué. Mon père m’a acheté un livre sur des objets de la Guerre et l’histoire qu’il y avait derrière.
Ado, j’ai alors démarré une collection, j’écumais les vide-greniers. Puis je me suis lancé dans la recherche de lettres écrites sur le Front, j’en ai trouvé des milliers. Or, il n’y avait qu’un pourcent de courriers intéressants, en raison de la censure qui sévissait à l’époque. Mais parfois, une pépite se dégageait : quelqu’un passait à travers les mailles du filet, racontait les copains qui meurent, la vie au front, etc. Je devais en faire quelque chose. Et il y a 4 ans, ça a fait tilt alors que j’étais sous la douche… (rires) ! Une vision : il fallait que j’en fasse un livre.
J’ai donc tout réalisé de A à Z : les recherches, la traduction des lettres, l’écriture, le design, mais aussi retrouver les descendants pour qu’ils donnent leur accord à la publication. Il y a eu 45 familles partout dans le monde, jusqu’en Nouvelle-Zélande !

Derrière ce livre intitulé « Till Victory : lettres de soldats alliés », il y a 15 ans de travail. Racontez-moi le cheminement de tout ça. NEWS_LIVRE_couv
C’est 15 ans de travail et aussi de recherche : sur les sites de généalogie, les associations de vétérans, etc. J’essayais de trouver l’unité du soldat, où il s’était battu. J’ai collecté des objets incroyables. Par exemple, un appareil photo d’un Britannique qui avait été traversé par une balle. Il y avait écrit « Le Bosch m’a loupé ». Ce n’est pas pour la beauté de l’objet, mais l’histoire qu’il y a derrière. Car c’est le plus grand conflit que le monde ait connu. C’est le dernier combat entre le Bien et le Mal. Là, on a trois générations sans guerre sur notre territoire. On ne réalise pas la chance que l’on a. Ce livre, ce n’est pas politique, c’est un travail de mémoire.

En fait, avec Till Victory, vous avez voulu faire un ouvrage sur la paix ?
C’est tout à fait ça. Un livre sur la paix, pas sur la guerre.

Mine de rien, on a davantage l’habitude des livres sur les lettres des Poilus durant la Première Guerre mondiale que des lettres durant la Seconde…
Oui, ça n’existe pas. Donc forcément, ça a été plutôt simple de trouver un éditeur. Pourtant, je ne suis ni écrivain ni historien. Je suis juste un passionné et je crois en mon projet, car tout y est inédit.

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Une carte de Saint-Valentin à Melvyn Roat… tué au combat en Allemagne.

Pourquoi s’être tourné vers les éditions Ouest-France ?
Car, à mes yeux, ils ont sorti beaucoup de livres de référence. Et ils ont tout de suite cru en mon projet. Le premier tirage comptera 3 500 exemplaires. Et j’espère en décliner une édition anglaise.

Que ressent-on en découvrant ce genre de lettres pendant le travail de recherche ?
Un peu de culpabilité, car c’est très personnel en fait. C’est le plus intime qui soit. Mais j’ai fait ça pour honorer ces gars. J’ai énormément de respect pour eux. Et j’ai toujours fait attention, en demandant à chaque fois l’accord de la famille. Je cherchais un contenu historique et émotionnel. Par exemple, il y a eu ce courrier d’un soldat qui a appris la naissance de sa fille lorsqu’il combattait. Il est mort quelques jours après… J’ai aussi des lettres d’officiers ou de généraux qui se livrent, c’est passionnant. On retient toujours l’image héroïque du G.I. qui sent bon l’after-shave… Mais non, eux se décrivaient comme des clochards qui voulaient juste rentrer chez eux. Là, c’est la réalité. Ils n’étaient pas si volontaires, beaucoup d’Américains étaient antiguerre. Dans le livre, il y a des Canadiens – eux étaient tous volontaires, c’est une particularité – des Français, des Sud-Africains…

Vous avez également réalisé un site pour parler de votre livre, il y a des teasers, une page Facebook, de la vidéo… C’est nécessaire dans un monde de l’édition devenu difficile ?
Je voulais quelque chose de moderne. Mon objectif est de rendre l’ouvrage accessible et émouvant. Ce livre, ce n’est pas un objet vieillot, c’est quelque chose de vivant. Je veux qu’on revive le truc, c’est pour cela que j’ai tout rédigé au présent. Il faut que ça parle aux jeunes, que ça sensibilise toutes les générations.

Dernière lettre à Jim Miller, aviateur canadien tué à 19 ans dans un raid sur Berlin.
Dernière lettre à Jim Miller, aviateur canadien tué à 19 ans dans un raid sur Berlin.

Comment on se sent après un tel projet ? Lessivé ? Bouleversé ? Marqué ?
Bonne question… J’ai passé 2 000 heures sur ce bouquin, ça a été difficile pour ma copine ! (rires) Elle a fait preuve d’une patience folle et je l’en remercie. Je suis fier car c’est mon premier livre et c’était passionnant. C’est comme mon ancien groupe de musique, c’est de l’art, une façon de s’exprimer. J’ai réalisé le livre que je souhaitais lire. C’est également l’espoir de voir un monde en paix.

Quel est le public visé avec Till Victory ?
Tout le monde ! C’est accessible à tous et à toutes, même ceux qui n’y connaissent rien (sourire). Je cible également ceux qui croient avoir tout lu sur ce sujet. Là, ce sont des lettres inédites et des éléments nouveaux. Il y a plein d’histoires humaines.

> Till Victory : lettres de soldats alliés (éditions Ouest-France). Prix conseillé : 32 €. 376 pages. Sortie officielle le 10 octobre (certains fournisseurs pourront l’avoir le 5 octobre)
> Infos sur tillvictory.com et facebook.com/tillvictory
> Clément Horvath sera présent aux Rendezvous de l’Histoire de Blois, le 12 octobre, de 14 h à 16 h, pour présenter et dédicacer son ouvrage.

Un aperçu du livre Till Victory.
Un aperçu du livre Till Victory.

Propos recueillis par Aurélien Germain
Photos : crédit Clément Horvath