Il faut sauver la lingerie Indiscrète

À Chauvigny, dans la Vienne, un atelier de fabrication de lingerie se bat pour sauver ses emplois et son savoir-faire. Car Indiscrète a une particularité : s’adapter à toutes les morphologies.

(Photo NR)
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Avec près de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, le slip et la chaussette pèsent lourd en France. La lingerie dite « à la française » est aussi réputée à l’étranger que nos parfums ou nos gâteaux mais contrairement à la pâtisserie et à la cosmétique, les marques de lingerie haut de gamme ont fait leurs cartons depuis longtemps : direction la Tunisie, la Chine, l’Inde, le Maroc, la Turquie… des pays où les ouvrières sont dix fois moins payées et où les cadences peuvent être deux fois plus élevées.
Chantelle, Simone Pérèle, Lejaby, Aubade, Darjeeling, Etam, ont fermé leurs ateliers français depuis des années. Parmi les marques qui pèsent, seul Dim fabrique encore ses collants dans l’Hexagone.

C’est ainsi qu’est née la marque Indiscrète, dans la Vienne. En 2010, Aubade délocalisait toute sa fabrication et laissait plus de cent ouvrières poitevines sur le carreau. Didier Degrand, le responsable de la production, s’associe alors à Cristelle Bois et Béatrice Mongella. Les trois ex-cadres d’Aubade réunissent leurs indemnités de licenciement et relancent un atelier de fabrication à Chauvigny.
Ils réussissent à ré-embaucher une vingtaine de couturières et reçoivent le label Entreprise du Patrimoine vivant. Mais le modèle est fragile, la concurrence est rude.

En France, une pièce de lingerie achetée sur 500 est made in France, souligne la FIMIF. Il faut 30 à 40 pièces et une heure de travail pour assembler un soutien-gorge dans les règles de l’art. Et quand la main-d’oeuvre représente 50 % du coût d’un sous-vêtement fabriqué en France, elle pèse environ 5 % en Asie ou en Afrique.

Le 24 juillet 2018, Indiscrète est placée en redressement : l’un de ses donneurs d’ordre a mis la clé sous la porte, en laissant une grosse ardoise, c’est la goutte d’eau qui coule la trésorerie fragile d’Indiscrète.
Deux semaines plus tard, Didier Degrand craque et se suicide dans l’usine. Les médias nationaux s’inquiètent alors du destin de cette petite fabrique, l’une des dernières corseteries françaises.

Aujourd’hui, le meilleur moyen d’aider les deux associées de Didier Degrand, les 22 couturières et les 120 conseillères de vente d’Indiscrète, c’est de participer à leur cagnotte solidaire et d’acheter une culotte en dentelle, parce que la magie d’Indiscrète, c’est aussi ça : habiller toutes les femmes, du 85 au 120, du A au F, du 36 au 58 et propose aussi du sur-mesure. Une rareté à préserver.

> La boutique en ligne : lingerie-indiscrete. com

> Le site de la fédération du Made in France, qui publie des enquêtes et des guides sur le sujet : fimif.fr