J’ai testé… faire ma propre bière à la maison

Tourangeau importé, descendant d’une famille nordiste, la bière fait presque partie de mes gènes. On tombe un peu dedans quand on est petit ! Bref, un jour, buvant une bière au goût de fond de canette éventé, je me suis dit qu’avec un peu de recherche et un investissement raisonnable, je devrais réussir à faire aussi bien. Et si par malchance, la qualité n’est pas au rendez-vous dès la première tournée, j’aurais au moins le plaisir de boire un truc maison.

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Je ne vois pas trop par quel bout attaquer l’expérience. Jusqu’à maintenant, je me contentais de les prendre par 6 ou 24 sans vraiment regarder ce qui était marqué sur l’étiquette. Direction Internet. Pour une fois, sites et forums sont unanimes : il faut faire ses premières armes (ou ses premières bouteilles) en brassant quelques litres à partir d’extrait déjà conditionné, histoire de se familiariser avec le matériel, les étapes de la fermentation et la mise en bouteille.

J’investis donc une centaine d’euros dans l’achat d’un kit pour débutant. Le plus difficile est de choisir le type de bière que je souhaite obtenir : Pils, IPA, Ambrée, Trappiste ou Brune… Quelques jours après, un gros carton arrive à la maison : 2 seaux de 30 litres, des capsules, un densimètre, divers ustensiles, des bouteilles vides et 2 boîtes de conserve d’un litre remplies d’extrait de malt (j’ai choisi une Blonde et une Blanche).
Le tout accompagné d’un mode d’emploi d’une clarté et d’une simplicité qui ne laissent aucun doute : cette première bière va être une réussite !

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Les enfants sont à l’école, le chien enfermé dehors et Madame regarde les Feux de l’Amour, je suis peinard pour quelques heures. J’investis la cuisine. Il faut désinfecter tout le matériel qui va être utilisé, et un seau de 30 litres, ça ne se case pas dans un évier de studio. Ensuite, je chauffe l’extrait de malt au bain-marie (froid, il a la consistance de miel bien épais et une bonne odeur d’Ovomaltine).

Une fois ramolli, je le verse dans le seau, rajoute de l’eau chaude, du sucre, touille pour que tout fonde et complète avec de l’eau froide. Les puristes utilisent de l’eau de puits ou de source, pour moi, ce sera la cuvée municipale. J’ajoute la levure, ferme le couvercle et installe le bulleur, une petite chicane en plastique qui se plante dedans ; il permettra au CO2 dégagé par la fermentation de s’échapper du seau, sans que l’air extérieur ne puisse rentrer. Le mélange est fait, maintenant il s’appelle un brassin. Ça change tout, je suis en train de devenir brasseur.
Le mélange doit fermenter une dizaine de jours à une température le plus stable possible (entre 18°C et 23°C). Des bulles devraient apparaître au bout de quelques heures. Je m’installe devant le seau et j’attends. Rien. Deux jours après, toujours pas de bulles. J’ouvre le couvercle, de la mousse apparaît à la surface du brassin et ça sent le moisi. C’est sûr, j’ai oublié un truc, tué les levures avec de l’eau trop chaude.
Je me vois déjà en train de déverser le brassin dans l’évier, quand… gloup, gloup. Victoire ! le bulleur commence à glouglouter. Une fois de temps en temps, puis régulièrement. Et c’est parti pour une bonne semaine.

Image3JOUR +7 à 10

Le bulleur ne chantonne plus. Les levures ont fini de transformer le sucre, elles sont mortes et tombées au fond du seau. Je verse le contenu dans le second seau, en évitant de transférer le fond plein de dépôts. Bon, je perds un litre, mais la bière restera claire. Je referme le seau (désinfecté lui aussi) et je remets le bulleur.
Miracle, comme il reste des levures et qu’on a peu aéré le mélange, la fermentation reprend. Je deviens connaisseur, et à l’apéro, je peux dire à mes potes que mon brassin est en fermentation secondaire. Ça claque. Juste à espérer que ce soit buvable sinon je crois que je vais en entendre parler longtemps. C’est reparti pour une dizaine de jours, voire plus, mais dans un endroit plus frais si possible.

JOUR +15 à 20

Ça y est, plus de glou glou dans le bulleur. C’est le grand jour, je vais savoir si la bière est bonne pour la mise en bouteille. Le densomètre fourni dans le kit permet de mesure la densité de la bière attendue en fin de fermentation. Je ne peux pas me retenir, il faut que je la goûte. Bon, ça a le goût de la bière, l’odeur et l’aspect mais pas le piquant. Il faut rajouter une petite quantité de sucre par litre : il va encore se transformer en alcool, sauf que le CO2 dégagé pendant le processus va se dissoudre dans la bière. C’est ce qui va donner les bulles et le piquant à l’ouverture. Image5

C’est parti pour la dernière étape. J’ébouillante les bouteilles et les capsules. Ce n’est pas le moment de faire rentrer une bactérie ou un truc du genre qui fasse tout foirer si près du but. Je remplis les bouteilles une par une. J’ai trouvé un apprenti en la personne de mon fils (7 ans). Je ne vide pas trop le seau dont le fond est tapissé de dépôts. Et voilà. Encapsulage et zou, direction la cave pour quelques semaines de maturation.

JOUR J +45

C’est le grand jour. Je n’étais pas à la maison pendant un mois et les bouteilles ont pu reposer tranquillement. Pas sûr que j’aurais résisté à l’envie d’en ouvrir une au bout de 2 semaines. Je remonte une bouteille de la cave, l’époussette. J’avoue que je fais moins le malin. Après un mois et demi d’attente, j’espère un résultat potable. Pschitt, la capsule saute. Pas de geyser, ouf. Une petite mousse se forme en haut du verre, elle ne tient pas longtemps, la bière est un peu trouble mais d’une belle couleur ambrée. Pas trop forte (dans les 5 chevaux), mais assez amère. J’aime, mais c’est trop pour Madame. Le piquant est là, le goût aussi, juste cette amertume un peu marquée.
Je respire, pari gagné. J’ai bu ma propre bière.

Par Stanislas

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