Même pas mal Quai d'Orsay

La comédie de Bertrand Tavernier (si, si, c’est possible) arrive à trouver le ton qu’il faut pour cette histoire ponctuée d’humour, de poésie et d’un rythme envoûtant.

Quai d'Orsay
Après avoir filmé la France du XVIe siècle dans La Princesse de Montpensier, Bertrand Tavernier change de décor et passe au palais du ministre des Affaires étrangères. Antre du secret et des conciliabules en langues étrangères. Dans ce nouveau long-métrage, le cinéaste s’offre une immersion dans la vie politique moderne et adapte avec brio le premier tome de la bande dessinée éponyme d’Abel Lanzac et Christophe Blain. Le Quai d’Orsay version Tavernier, c’est la tanière d’Alexandre Taillard de Worms, ministre des Affaires Étrangères (incarné par Thierry Lhermitte, très bon). Personne n’est dupe et tout le monde voit dans cette figure imposante la silhouette de Dominique de Villepin. Cet homme d’esprit s’est forgé une vision du monde à travers les écrits du philosophe grec Héraclite mais aussi de ses « camarades » hors norme. Il y a le consciencieux Maupas, son directeur de cabinet, alias Niels Arestrup (parfait dans son costume d’homme calme et réfléchi), sa horde de conseillers (dont une allumeuse qui se révèle courageuse et un obsédé de la nourriture), mais aussi Arthur Vlaminck (campé par Raphaël Personnaz), un jeune universitaire embauché au ministère pour écrire les discours du ministre, notamment celui à la tribune des Nations-Unies à New York.
Ce qui n’est pas une mince affaire pour ce jeune recruté, qui doit non seulement faire face à la susceptibilité et l’exigence du ministre mais aussi graviter autour d’une sphère politique où stress, ambitions, objectifs, tensions, coups fourrés et retournements de situations diplomatiques font partie du quotidien. Derrière le pseudo d’Abel de Lanzac, l’auteur de la bd s’est largement inspiré de sa vie pour ce personnage de jeune ghost writer dévoué. Derrière lui se cache Antonin de Baudry, ancien conseiller de Dominique de Villepin. Réticent à une adaptation, il a accepté l’offre de Bertrand Tavernier, sous réserve de scénariser lui-même le film. Cette comédie tire d’abord sa force de ses personnages, attachants, et de ses dialogues tour à tour drôles, sérieux, métaphoriques, justes, mais surtout rapides et animés, ce qui confère à l’oeuvre un rythme particulièrement prenant. Certaines saynètes burlesques et parfois ridicules (les scènes de l’envol des feuilles quand le ministre claque une porte ou la tirade sur l’intérêt d’utiliser un stabilo fluo) viennent contrebalancer de manière comique le sujet de ce film. Parce que la politique n’est pas toujours de tout repos…