Vive les sœurs Labèque et Nathalie Menant (mais pas Christine and the queens)

Doc Pilot n’aime pas Christine & the queens… En revanche, il vous parle du petit (grand) monde de la culture à Tours et dans ses environs !

Depuis un an, tout le monde essaye de me vendre la révélation incontournable du siècle. Mais je le répète, persiste et signe : je n’aime pas Christine and The Queens, et ne me demandez pas d’argumenter cette formulation sévère et définitive, car peu m’importe que la majorité des gens adore. Je ne suis pas un prédicateur et certains de mes albums de chevet ne se sont pas vendus à plus de 2 000 exemplaires : Bertrand Belin, Bertrand Louis, Young Marble Giants… donc les chiffres de vente d’un disque ne m’inspirent pas obligatoirement de l’admiration et l’obtention de Victoires de la musique n’influe en rien sur mon adhésion à un artiste.

Halle aux Grains, Blois : Les Sœurs Labèque

Soeurs Labeque
Soeurs Labeque (Photo Doc Pilot)


Dans la sphère classique, Katia et Marielle Labèque sortent des codes et des cadres, car elles sont « glam », donc identifiées et armées d’une capacité à toucher un public plus étendu que celui du classique. Passé ce constat admiratif sur leur image et leur identité singulières, il reste la présence de deux interprètes de haut niveau, totalement investies au service de l’œuvre et du compositeur. La Halle aux Grains est un lieu d’écoute magnifique, une arène où déguster l’excellence hors de toute contrainte physique, d’oublier son corps pour tomber dans le son, l’esprit.
En première partie, une sonate de Mozart apéritive, une mise en bouche aérienne pour juger de la symbiose des deux artistes, le mélange des notes et la globalité du jeu…
Puis l’émotion, le trouble intense dans cette fantaisie à quatre mains de Schubert, l’impression d’être touché en l’intime au delà des barrières de sécurité de la pudeur et de la raison. Après un court entracte, plongeon dans l’univers brut et brutal de Stravinsky, avec la version du Sacre du Printemps pour deux pianos. J’aime le Sacre, je n’y peux rien, je l’aime depuis ma première écoute de l’œuvre il y a près de 40 ans, mais cette version à deux pianos est d’une intensité nettement supérieure à celle de la version orchestrale et elle demande aux interprètes un investissement physique et technique sans repos et sans faille. Emmenés très haut dès les premières notes, la partition nous maintient dans une attention vitale, nous interdit la distraction, l’évasion.
Nous sommes du voyage et il est impossible de descendre en chemin, de s’installer face au film et de redevenir spectateur. Nous sommes acteurs, tous concentrés autour du jeu physique des interprètes, plongés dans leur second souffle, les perceptions exacerbées par l’enchaînement des thèmes, leur percussion instinctive, cette image de la chute et de l’éclosion qui fit tant scandale en son époque… et ça continue, j’en fus témoin à la sortie. .. En rappel, un Gershwin balancé du fond d’un bar obscur à Brooklyn, puis une pitrerie des années folles, de la musique à cancan.. Eh oui, les Labeque savent tout faire et elles ont tous compris, elles marchent dans les traces de ceux qui firent les œuvres tout en vivant, en aimant, en rigolant, en pleurant, et l’humanité des deux sœurs magnifie le choix pointues des œuvres et leur interprétations passionnées.

Collision Collective, Petit Faucheux

Collision Collective est une alternative communautaire pour regrouper des énergies régionales et organiser une tournée nationale passant par Tours, Rouen, Nantes, Lyon et Pantin. Le Capsul Collectif en est la cellule tourangelle. Pour cette 2e soirée en Touraine, deux formations, Le Migou de Lyon menée de main de maître par la saxophoniste Thibault Fontana dans une relecture de la bande-son d’un film à réaliser, une inspiration revendiquée du grand Enio balancée avec justesse et beauté à l’aune de cette formation globale et compacte nourries des éclairs inspirés de la guitare de Nicolas Frache ou du violon de Quentin Andréoulis : à l’image des tiags pailletées du saxo, un western de charme et de jazz surréaliste…

1band4acrew (Photo Doc Pilot)
1band4acrew (Photo Doc Pilot)

1band4acrew de Nantes, une machine de guerre, deux batteurs, deux guitaristes, des cuivres, des claviers et une basse en axe central de ce kommando prêt à l’attaque. Du visuel aussi, brillant, fascinant, le noir et blanc en force, et puis des mantras, des boucles balancées à la manière d’un Glen Branca, d’un Phil Glass, puis des chorus agressifs, à la guitare, coltraniens, l’image de certaines formations de Miles, de la folie, de l’audace. Enfin de quoi nourrir notre besoin d’être collés aux murs par un concept original.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=rVZYFYhEOD0[/youtube]

Mues, Nathalie Menant en Arcades Institute

L’hiver était sans nul doute la meilleure saison pour initier cette installation dans les vieilles pierres chargées d’histoire, chaudes et protectrices comme un cocon dans cette caverne-matrice où l’on croise des parcelles d’enveloppes, des impressions de corps et de vie, de la beauté en morceaux et une intensité dans l’image en appel à de la vie, à des destins, à ce que l’on fuit, à ce que l’on efface, mais finalement constitutive de ce que l’être humain porte d’esprit à la surface de son corps.
La féminité en est l’axe, l’association Joséphine le moteur humaniste, le travail de l’artiste son prolongement pour l’inscrire dans le temps, faire le passé un état sublimé dans l’œuvre et dans le présent pour qu’enfin le futur devienne l’allié de ceux qui souffrent et qui gal
èrent. Incontournable.

L’expo : Femmes et mues

L’Arcades Institute accueille les œuvres de Nathalie Menant jusqu’au 21 février. Rencontre avec la plasticienne.

Mues
(Photos Frédérique Menant)


Vous réalisez des moulages sur des corps de femmes, expliquez-nous en quoi cela consiste.

J’utilise en effet une technique assez ancienne de moulage avec du plâtre et de la dentelle. Je prends une partie précise du corps du modèle. Le point de départ, c’était de crier ce que personne ne voulait entendre ou montrer quand il s’agissait des femmes. Au départ, c’était une oeuvre féministe en fait. Je ne souhaitais pas déclarer la guerre, c’était plutôt un désir de partager un regard sur le féminin. Les premières dentelles que j’utilisais appartenaient à mes arrière-grands-mères, des femmes issues d’un milieu populaire qui n’avaient aucun moyen de s’exprimer.

Comment cette intimité entre vous et le modèle se traduit dans votre oeuvre ?
J’utilise une technique qui n’est pas violente pour le corps de ces femmes. Plus je pose des bandes de plâtre, moins elles sentent mes mains bouger à travers. Ce n’est pas intrusif comme travail, mais je le vois plutôt comme la construction d’une douceur. Seulement, émotionnellement, c’est souvent très fort. C’est comme si je perçevais la souffrance : je suis persuadée que nous gardons dans notre corps la mémoire de notre vie.

Comment choisissez-vous la partie du corps à mouler ?
Je demande d’abord aux femmes si elles veulent mettre en avant une partie en particulier, une main, un pied, la poitrine. Souvent, elles me laissent choisir. Souvent, je tombe sur un endroit qui leur parle, avec lequel elles ont une histoire. J’ai par exemple eu une femme dont je moulais le bras. Le même que son mari avait cassé. Lors du séchage, le moule en plâtre s’est brisé. Elle m’a répondu que cela devait arriver.

Vous n’avez pas toujours fait de la sculpture, pourquoi ce choix du plâtre et de la dentelle ?
J’ai avant tout une formation dans l’audiovisuel et puis j’ai beaucoup fait de scénographie, des installations avec le collectif Akeway. Il y a quelques années, je me suis remise à la terre comme un hobby. Je me suis aperçue que mes mains faisaient ce que ma tête ne pouvait pas conscientiser. Ce que j’aime dans Mues, c’est de ne pas savoir où je vais.

Propos recueillis par B.R.

EN BREF
MuesL’EXPO
Les sculptures de Mues seront visibles à l’Arcades Institute du 12 au 21 février. Vous pourrez également voir le film tourné par Frédérique Menant (voir ci-dessous) et les témoignages des femmes « moulées ».

LA RÉSIDENCE
Nathalie Menant a réalisé les œuvres que vous verrez lors de l’expo pendant une résidence de deux semaines à l’Arcades Institute en décembre. « Elle m’a permis de me couper de mon quotidien, explique Nathalie Menant. Mais aussi de partager avec les autres femmes pour que tout ce que nous nous disons deviennent nos questions. »

JOSÉPHINE
Les femmes qui sont passées sous les bandes de plâtre de Nathalie Menant sont toutes passées par l’association Joséphine, le salon de beauté social lancé à Tours par Lucia Iraci. Plus d’infos sur josephinebeaute.fr

ENTRE SŒURS 
Nathalie Menant a invité sa soeur, Frédérique Menant, qui est venue filmer en 16 mm. Une démarche d’autant plus importante qu’elle a été son premier modèle pour Mues.