Émergences et Moodoïd, en passant par… Woody Allen

On l’appelle l’Encyclopédie de la culture. THE Bible. Son nom est Pilot, doc Pilot…

Aux Studio, j’ai vu le dernier Woody Allen et je l’ai déjà oublié ; je l’ai aimé pourtant, mais je l’ai déjà oublié… pourquoi ? me direz-vous. Je ne saurais vous répondre. Pourtant, il me semble avoir trouvé ça beau, il me semble avoir entendu des rires forcés dans la salle, de ceux que l’on entend toujours dans les salles où passe du Allen…

Devant le McDo de la gare, devant le rhino d’Audiard, un chanteur/guitariste noir balance des mélodies imparables, des chansons à la qualité évidente, une force qui fait s’arrêter les passants en pleine course, s’installer quelques minutes à l’écoute… Non, je ne le connais pas ; c’est fort de le voir sur un ampli de 5 watts à deux pas du tram, balancer son talent comme dans un grand festival : la force du truc appelle l’écoute, la force du talent lui donne l’impact d’une grosse sonorisation…. En fait, c’est du playback sur des titres enregistrés de Tracy Chapman, me dira-t-on plus tard. Je me suis fait bananer avec joie : chapeau !!

Over The Hills au Petit Faucheux

On entre dans le Festival Émergences par la grande porte, une œuvre de Carla Bley « Escalator over the hill » revisitée par une brochette d’instrumentistes réunis pour l’événement et introduite dans l’après-midi par une conférence de Ludovic Florin sur le sujet au Petit Faucheux. J’y découvre une Carla Bley, artiste majeure en son époque, véritable jonction entre tous les styles de musique pour aboutir dans le jazz à une formule unique et attractive à laquelle vont vouloir participer la crème des musiciens de l’époque… Au soir énorme travail offert au public avec la représentation en live des titres les plus forts de ce chef d’œuvre interprétée avec passion et respect ; il est indéniable d’y voir une écriture de la fin des sixties à la manière du Uncle meat de Zappa ou du Bitches Brew de Miles, mais restent la force des thèmes, la brillance dans leur interprétation, celle de ce little bigband,« Over The Hills », en tournée pour en donner lecture. Bernard Santacruz, Jean Aussanaire, Olivier Thémines et leurs potes semblent unis comme les neuf doigts de la main, les neuf vies d’une lionne.

Aquaserge et Moodoïd au Temps Machine

Aquaserge
Aquaserge

Soirée néopsyché au Temps Machine avec deux relectures des seventies explosées dans l’espace d’un XXIe siécle en mal d’identité. Ma préférence va à la première partie, Aquaserge, un concept étonnement plaisant dans sa capacité à intégrer la couleur de l’école de Canterbury, de Robert Wyatt à Caravan en passant par Henry Cow, à une réelle création due en partie aux qualités indéniables des divers instrumentistes. J’adore le jeu du guitariste, savant mélange de technique et d’inventivité, de travail du son axé dans la recherche de la surprise sans jamais tomber dans l’expérimental. Je craque aussi, comme plusieurs copains présents dans la salle, pour le jeu de Lucie Antunes aux drums : elle nous rappelle Pip Pyle de Gong et Hatfield and the north, elle en a la science du mélange des styles, l’implacable aliénation de la technique au service d’un discours progressif et finalement pop : la clé du prog psychédélique… Elle tient aussi les baguettes dans le groupe vedette de la soirée Moodoïd, une formation « à la mode » mais à la réputation un peu exagérée, car finalement l’effet de surprise et de joie provoqué par les quatre premiers morceaux, se dilue par la suite dans un « ron-ron » dont je me lasse vite… au contraire du public présent prompt à les ovationner. Certes, c’est beau, ça dégage, mais le chanteur joue un rôle auquel je ne crois pas.

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Un monde möö-möö avec Moodoïd !

Sortez vos télescopes ! L’ovni Moodoïd débarque, armé de sa pop psyché et colorée.

(Photo Fiona Torre)
Moodoïd débarque en concert au Temps Machine.

Une sorte de matière molle et “ modelable ”. Un souvenir, une émotion qu’on pourrait déformer avec les doigts. » Ces mots, choisis par Pablo Padovani pour décrire Moodoïd, projet dont il est à l’origine, peuvent paraître obscurs. Ils reflètent pourtant bien la vision artistique du jeune compositeur. Tout droit sorti de l’imaginaire fertile de ce dernier, le Monde Möö (le nom du premier album de Moodoïd paru il y a quelques mois) est « un monde paresseux où l’on vit presque toujours allongé. On y trouve des paysages, des clubs pour danser, beaucoup de nourriture et pas mal de luxure… c’est une sorte de jardin d’Eden pop avec du rose et du bleu. »

Pablo Padovani n’est toutefois pas seul lorsqu’il ouvre les portes de cet univers fantastique. En studio, il évoque sa « famille musicale ». « J’aime à imaginer le studio dans lequel je travaille comme une sorte d’auberge espagnole dans laquelle se croisent tous les gens avec qui j’ai déjà fait de la musique. » Sur scène, c’est un autre genre de famille, une armada de chromosomes XX, puisque le jeune homme est accompagné par quatre musiciennes. « Je trouve ça assez atypique d’être noyé dans les femmes sur scène, sourit-il. J’ai mis environ un an et demi pour toutes les trouver, grâce au bouche-à-oreille, à des sites de rencontres pour musiciens, à des soirées communes dans des appartements… Elles ont toutes une vraie personnalité. On fait plein de découvertes ensemble et ça me plait vraiment de partager ces aventures avec elles. »

C’est donc avec sa garde rapprochée que Pablo Padovani apparaît le soir des concerts de Moodoïd, sous une apparence qui peut surprendre, mais qui reste en adéquation avec l’univers du groupe. « La scène doit être un lieu d’exagération et de poésie selon moi. Les costumes sont là pour ça. Et puis ça nous donne une identité singulière. Ce qui change en fonction des soirées, c’est plutôt notre manière de jouer. Parfois ça sera plutôt rock, direct, parfois beaucoup plus doux… “Mood” signifie humeur en anglais. Je suppose que notre musique se transforme en fonction de nos humeurs. » À vous d’être « in the mood » for Moodoïd.

Bastien Lion

EN BREF
>L’ÉVÉNEMENT
Moodoïd sera sur la scène du Temps Machine ce samedi 8 novembre avec, en première partie Aquaserge (voir ci-dessous). Le concert débutera vers 20 h 30. Tarifs de 8 à 15 €. Plus d’infos sur letempsmachine.com

>INFLUENCES
Ancien étudiant en cinéma, Pablo Padovani, également réalisateur des clips de Moodoïd, n’hésite pas à mettre en avant l’apport du septième art (mais pas que) quand vient l’heure d’évoquer les inspirations. « J’aime les artistes avec des univers très atypiques comme Roy Andersson, un réalisateur suédois absolument génial, Wes Anderson… Parfois, j’en viens presque à concevoir la musique sous un angle cinématographique. Et sinon, je suis très rock progressif, avec des groupes comme Soft Machine, Robert Wyatt, Gong… Et je suis surtout un très grand fan de Frank Zappa. »

>AQUASERGE
Également à l’affiche vendredi soir, en compagnie, donc, de Moodoïd, les musiciens d’Aquaserge sont aussi des proches de Pablo Padovani. « J’ai grandi avec ces gens, ils m’ont beaucoup appris. Je suis un peu le petit frère. Ce sont des musiciens hors pair. Je l’avoue : je suis fan ! » La pop psyché, ça crée des liens !
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