Cours de français aux migrants : premiers pas vers l’intégration

#EPJTMV L’association Accueil, formation, culture, pour les migrants (AFCM) existe à Tours depuis 2002. Son objectif premier est de venir en aide aux migrants d’origines diverses à travers l’apprentissage de la langue française.

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Aysegul est une jeune femme turque qui souhaite se faire naturaliser. (Photo : Lucas Barioulet)

Vêtu de son manteau d’hiver beige, Robert Pommet pénètre dans les locaux de l’AFCM, nichés entre deux immeubles du quartier Sanitas. Sacoche en cuir à la main il se dirige d’un pas pressé vers la salle de classe où il donne des cours de français depuis sept ans. L’homme souriant à la barbe blanche est formateur bénévole mais également président de l’association. « La langue est l’un des premiers moyens d’intégration au sein d’un pays. Mais nous abordons aussi la question des valeurs lors des séances de groupes », souligne-t-il.

Dans la salle de classe, les tables bleues sont disposées en cercle. Le cours commence par une dictée mais ce matin l’effectif semble réduit. Après quelques hésitations orales, Aysegul, une jeune femme aux mèches blondes, explique que sa sœur ne pourra pas assister au cours à cause de son enfant malade. « Les femmes sont majoritaires parmi nos 200 inscrits. Mais avec le contexte migratoire, de plus en plus d’hommes venus d’Irak et de Syrie rejoignent l’association », explique Robert Pommet. Parmi ses élèves ce matin, elles sont trois femmes, d’origine et de génération différente. Aysegul, 31 ans, est née en Turquie. Wassila est âgée de 45 ans et vient de Tunisie, tandis que Hafida* est une femme retraitée d’origine algérienne.

Ces femmes aux parcours différents se retrouvent chaque semaine pour au moins deux heures de français. Aysegul a déjà passé un diplôme qui certifie le niveau A2. « J’aimerais beaucoup passer le niveau supérieur, cela me serait bénéfique pour trouver du travail car ce qui me passionne c’est la cuisine. A l’avenir je voudrais également demander la nationalité française », raconte la jeune femme. D’une voix réservée sous son voile noire, Wassila explique qu’elle aime garder des enfants. Volontaire, la femme aux yeux verts s’investit beaucoup pour apprendre le français et cela fait plus de trois ans qu’elle se rend à l’AFCM. Pour Hafida, qui est déjà grand-mère, c’est davantage l’écrit qui pose problème « pour la vie de tous les jours c’est important. Cela fait dix ans que je viens ici. En plus d’apprendre des choses, ça me permet de faire de belles rencontres. »

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Wassila relit avec attention la dictée dédiée aux attentats du 13 novembre. (Photo : Lucas Barioulet)

Des cours illimités proposés dans toute l’agglomération

Pour bénéficier de ces cours de français il suffit de verser 10 euros par an. « Les inscrits peuvent assister aux cours de manière illimitée. Ce sont eux qui choisissent de quitter l’association lorsqu’ils se sentent prêts. Nous ne sommes pas un centre d’examen mais nous pouvons encourager à passer des diplômes », précise Robert Pommet. L’association dispose de 24 formateurs répartis dans 7 pôles de l’agglomération. Ils s’organisent par groupes de niveau. Dans la classe de Robert, les trois femmes sont relativement à l’aise à l’oral. Avec la venue de Tmv, la discussion s’oriente vers les médias et l’actualité. « J’aime toujours m’informer sur ce qu’il se passe en Turquie à travers les journaux locaux », explique Aysegul. « Pour ma part, je fais l’effort d’écouter les infos à la télévision, même si l’on entend rarement de bonnes nouvelles », explique Wassila. Suite aux événements du 13 novembre le thème de la dictée a été repensé. Wassila a choisi de relire un extrait : « Le Premier ministre a dit qu’il y aura sans doute d’autres attentats, mais nous continuerons à vivre selon nos valeurs. »

Juste en face, derrière une porte bleue marine à hublot, Christine, surnommée Chris, poursuit son cours auprès de six élèves. Des cartes géographiques tapissent les murs blancs. Ce matin, c’est la révision du verbe faire. « Nous en sommes encore à un stade débutant mais des progrès se font ressentir pour les plus assidus », commente la formatrice de 67 ans. C’est le cas de Fatoumata, la jeune femme en recherche d’emploi est venue il y a trois mois pour perfectionner son écrit. Le foulard bordeaux qui entoure sa tête met en valeur sa peau couleur cacao. « Où vas-tu ? Je vais au cinéma », répète en chœur le petit groupe. Assis au fond de la salle, Ibrahim 25 ans, est un chrétien d’Irak installé en France depuis 2008. Le jeune homme aux grands yeux bleus exerçait le métier de boulanger dans son pays d’origine. Aujourd’hui, il rêve de reprendre cette activité. Parmi les femmes présentes, certaines sont mères de famille et apprendre le français permet de surveiller les devoirs des enfants. « Généralement les femmes qui se rendent aux cours ne sortent pas beaucoup de leur quartier parce qu’elles appréhendent l’agitation de la ville. Avec les visites de groupes nous essayons de leur faire connaître des lieux culturels, comme le musée ou la bibliothèque », précise Christine.

Les niveaux peuvent être très hétérogènes parmi les inscrits mais chacun fait l’effort de s’intégrer au groupe. Qu’ils soient Algériens, Turcs, Irakiens, ou Sri-lankais, tous ont la volonté d’apprendre pour s’assurer un futur meilleur. « En tant que bénévoles, on aime consacrer notre temps à faire cela. Il faut savoir rester humble et être à l’écoute. De réels liens d’amitié peuvent se créer au fil des ans, affirme Robert Pommet. L’une de mes élèves est partie en Australie et elle continue de me donner des nouvelles. Le plus gratifiant lorsqu’on donne aux autres, c’est de recevoir en retour. »

(*) prénom modifié

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Ibrahim est un chrétien d’Irak qui rêve de reprendre son activité de boulanger. (Photo : Lucas Barioulet)

Ralitsa DIMITROVA