The Voices : hilarante horreur

Le dernier film de Marjane Satrapi : un conte qui oscille entre folie noire et comédie féerique. Un ovni réjouissant.

The Voices
Le monde de Jerry est fabuleux. Il travaille dans une entreprise de baignoires où même les entrepôts sont magnifiques. Les collègues sont d’une gentillesse incroyable, son boss un chic type. Jerry est heureux, il parle de son bonheur à sa psy, M. Moustache et Bosco qui lui répondent, l’encouragent dans cette voie. Sauf que ses deux derniers amis sont en fait son chat et son chien de compagnie.

Le monde de Jerry se craquelle par endroit. Les couleurs vives s’estompent quand il prend ses médicaments. Dans l’univers merveilleux de Jerry, son appartement est formidablement vintage, un vrai loft new-yorkais. La déco s’abîme. Les tons pastels disparaissent : le gris domine et la crasse refait surface quand Jerry ne prend pas ses anti-dépresseurs. Et puis, le héros a le béguin pour Fiona, la belle secrétaire anglaise. Il l’invite dans son restaurant chinois préféré. Elle lui pose un lapin. Les larmes de Jerry coulent. Son monde s’effrite, s’effondre. Encore un peu plus.

Dans ce nouveau film de Marjane Satrapi, plusieurs univers cohabitent, s’emboîtent ou s’opposent à mesure que Jerry avance. On passe du thriller à l’utopie, du conte fantastique au drame social. L’auteure de Persepolis navigue dans les styles avec une facilité déconcertante. Rien ne la retient. Elle se permet de changer de façon de cadrer, de changer la photographie, sans avertir, sans se justifier. The Voices se transforme plan par plan, plonge dans les abîmes d’un homme complètement perdu, malade. Le film se réinvente.
Filiation facile pour ce type d’histoire basée sur une double personnalité, The Voices n’a rien à voir avec Le Portrait de Dorian Grey ou Dr Jekyll et M. Hyde. Jerry ne se rend jamais compte des conséquences de ses actes. Marjane Satrapi a cette capacité à ne jamais donner la solution pour comprendre le naïf Jerry. Elle échappe sans cesse aux convenances. La réalisatrice s’amuse à effleurer les genres sans pour autant se perdre.

The Voices semble, aux premiers abords, trancher radicalement avec les précédentes oeuvres de Marjane Satrapi. Pourtant, on y retrouve cette noirceur morbide qui rendait Persepolis si poignant, cette urgence qui définissait l’irréalité d’un Poulet aux prunes. La différence, c’est que The Voices est un film au budget plus conséquent, un projet hollywoodien. Pour incarner Jerry, Ryan Reynolds : si l’acteur n’était plus vraiment bankable après le flop cosmique de The Green lantern, son interprétation mi-pathétique mi-schizophrénique va faire causer. En toute simplicité, il donne à voir un psychopathe sympathique loin des Hannibal Lecter et autres John Doe (Seven), une sorte d’antihéros attachant et pourtant répugnant.

Durée : 1 h 43. Une comédie/thriller de Marjane Satrapi, avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick.
NOTE : ***

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NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime