Lydia Techer, un saut dans la mode

#EPJTMV Lydia Techer est mécanicienne en confection. À Joué-les-Tours, elle fabrique des parachutes pour l’armée française et les armées étrangères. La quadragénaire partage son temps entre son métier et son ultime passion : la création mode.

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Des parachutes de saut, de freinage, de largage… des centaines en sont fabriqués chaque semaines à Joué-les-Tours. Dans un grand hangar, Lydia Techer travaille à la confection de ces équipements militaires avec plus de cent ouvriers. L’armée française en est la plus grande consommatrice, mais les parachutes sont aussi distribués à certaines armées étrangères. Les employés de Joué-les-Tours sont tenus sous secret : « On s’abstient de nous donner beaucoup d’infos », raconte l’ouvrière. De même : interdit de prendre des photos dans l’atelier et de communiquer des informations sur les gabarits. Sous peine d’être poursuivi par le grand chef, la ministre des Armées… Mais Lydia Techer connaît les règles. Elle est employée depuis quinze ans par le site, d’abord dirigé par Zodiac Aérospace, société de construction aéronautique et spatiale, et récemment racheté par la plus internationale Safran Aerosystems.

Tout près du Cher, l’atelier de confection est rythmé par les demandes. Selon le cahier des charges, les ouvriers se concentrent sur tel ou tel modèle de parachute. Cette semaine, Lydia Techer et ses collègues fabriquent des pièces à destination des sièges éjectables des avions de chasse. Mais si les mécaniciens en confection doivent pouvoir s’adapter d’un gabarit à l’autre, le processus de fabrication reste le même pour tous les parachutes.

Contrairement aux chaînes de production classiques, chaque ouvrier n’a pas de rôle à part entière. Chacun suit son propre travail de A à Z. « On commence la confection d’un parachute en choisissant les tissus indiqués dans le cahier des charges au magasin. C’est là où tous les matériaux sont stockés », explique Lydia Techer. Ensuite vient la découpe et la couture, à la machine bien-sûr. « Pour réaliser un parachute, il nous faut deux jours chacun en général. » Une fois les dizaines de mètres carré de polyester assemblés, c’est aux plieurs de prendre le relais. Ces ouvriers plient donc les parachutes de façon à ce qu’ils s’ouvrent correctement et sans s’emmêler le moment venu. « Tous les ouvriers ont une grosse responsabilité. On travaille sous pression car le moindre accro pourrait être fatal pour le parachutiste, raconte Lydia Techer. J’essaye toujours de repérer les défauts en amont du contrôle pour éviter que le parachute revienne en atelier. »

« Ma passion, c’est de créer »

L’ouvrière a développé cette minutie et ce goût pour la couture avant même de travailler dans la confection de parachutes. Petite, elle fabrique des vêtements à ses poupées. Et en grandissant, elle décide de s’orienter vers un CAP en industrie de l’habillement à Nice, sa ville d’origine. Son rêve : travailler dans la mode. Mais son dossier ne le lui permet pas. « Face aux refus des écoles de mode, j’ai donc décidé de me lancer seule. J’ai été auto-entrepreneuse dans le domaine du textile pendant un moment… Mais la gestion était très compliqué. J’ai renoncé et j’ai suivi mon mari gendarme en Indre-et-Loire. »

Lydia Techer a trouvé son compte en continuant la couture pour l’armée. « Et puis, coudre des parachutes toute la journée ne m’empêche pas de continuer à la maison ! » La mécanicienne en confection n’a pas abandonné la création. Elle multiplie même les activités liées à la mode : elle fabrique ses sacs, coud quelques uns de ses vêtements ainsi que ceux de ses fils et de son mari. Lydia Techer vend également ses créations via Facebook et Instagram. Cette passion, elle la partage aussi avec son compagnon: « Tous les deux, on aime observer les jeunes qui pourraient être modèles pour des grandes marques. » Cette activité de chasseur de tête en amateur leur a fait repérer une jeune Saint-Avertinaise quand elle avait 14 ans. Grâce à eux, elle défilait lors de la Fashion Week de Paris en 2017.

Bien trop accrochée aux parachutes,ses succès dans le milieu de la création textile ne lui feront pas quitter l’atelier. « Le milieu de la mode est trop dur. Je présente toujours des jeunes filles magnifiques mais elles ne sont jamais assez grandes, assez minces, assez belles selon les recruteurs. C’est épuisant à force », confie la mécanicienne en confection. Après quelques années de tâtonnement entre le milieu de la création et celui de l’industrie, Lydia Techer a su trouvé l’équilibre entre sa passion et son métier. Prête pour l’atterrissage.

Lorène Bienvenu.

Photo : Suzanne Rublon.

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 321 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]