Et le Prix du roman tmv 2023 est attribué à…

Fabien Vinçon a remporté la dixième édition du Prix du roman tmv, avec son « Staline a bu la mer ». Retour sur la délibération du 25 mai, ses débats et ses avis… tranchés !

Et de dix ! En ce jeudi 25 mai, la team tmv fête déjà la dixième édition du Prix du roman, pas peu fière (un peu d’auto-flatterie fait toujours du bien) de voir l’aventure perdurer. Cette année encore, notre équipe, nos fidèles partenaires et trois lecteurs/lectrices de tmv font partie du jury, réunis par leur amour de la lecture et leur envie de s’étriper… pardon, de débattre pour élire le meilleur roman 2023.

Installés au restaurant de l’Hôtel Oceania L’Univers, une fourchette en main et un stylo dans l’autre, nous voilà partis pour une délibération enflammée.

J’ai tout dans ma tête (Rachel Arditi)

On commence par « J’ai tout dans ma tête » (éditions Flammarion) de Rachel Arditi ! Dans son premier roman, l’autrice raconte la belle relation entre un père souffrant d’Alzheimer persuadé que des Japonais vont lui racheter ses peintures et sa fille, comédienne pressentie pour adapter une pièce de Pouchkine.

Si l’auteur de ces lignes a trouvé ça bouleversant et très émouvant de par sa poésie, tout comme Magali (de Fil bleu) qui s’est « laissée transporter », Karine (Walter & Garance avocats) l’a trouvé « inégal, entre les passages sur la maladie d’Alzheimer que j’ai aimés et ce qu’elle raconte sur le métier de comédienne qui finit par tourner en rond ».

Qui tourne en rond, c’est aussi ce que pense Alix, lectrice de tmv sélectionnée pour participer au jury (une petite surprise de son époux pour leurs 10 ans de mariage, c’est trop meugnon !). Quant à Béatrice (Crédit Mutuel), c’est « la façon d’embellir Alzheimer qui ne m’a pas plu ». Notre estimée collègue Elisabeth pense quant à elle que « c’est très poétique, justement, comme façon de parler de cette maladie et c’est ce qui fait le charme d’une autofiction ».

Les avis fusent. Tous très tranchés. On aime, ou on n’aime pas. Un coup de cœur pour Geneviève (Hôtel Oceania) qui y voit une « magnifique déclaration d’amour à son père » et notre lectrice Marie-Eve qui a « beaucoup aimé cette relation père-fille ». Idem pour Franck (Auchan) qui, punchline à l’affût, déclare : « Je ne l’ai pas lu… je l’ai bu ! » (pas forcément l’avis de Lara, d’Acuitis, qui « aime lire quand ça fait vibrer », mais qui, là, « ne l’a même pas fini »).

Nuit nigériane (Mélanie Birgelen)

Dans ce roman paru aux éditions Calmann-Lévy, Mélanie Birgelen dresse le portrait d’un jeune styliste homosexuel qui espère percer dans le monde de la mode mais qui fait face à une société nigériane très conservatrice.

Problème dans ce livre, pour certains : cette double histoire avec une journaliste qui part à la recherche du protagoniste, « un rôle qui ne se raccroche à rien », comme le dit Déborah (Auchan). Philippe (mister NR Communication) n’y voit pas un roman, mais un « guide touristique » (et pan, dans les dents). Jacques (groupe Duthoo) lève sa fourchette : « Comme les copains : pas emballé ».

Un dernier pan dans les dents de la part de Franck, je vous prie ? « Ouh, j’ai mis deux ans à le lire. (Franck a une notion de l’espace-temps légèrement exagérée, vous l’aurez compris – NDLR) Je me suis jamais autant ennuyé. »

D’autres en revanche ont adoré, comme Béatrice ou notre lectrice Marion (« c’est un beau roman qui transporte et qui émeut ») et Lara (« j’ai TOUT adoré »). C’est même « le préféré » de Manon, de NR Com : « Le thème est très percutant : comment être soi-même dans un pays où il est compliqué de s’assumer ? »

Les membres du jury du Prix du roman tmv réunis.

Staline a bu la mer (Fabien Vinçon)

Le saviez-vous ? La mer d’Aral a disparu en raison d’un écocide orchestré par l’URSS en Asie Centrale. Et ce fait historique, Fabien Vinçon s’en inspire dans « Staline a bu la mer » (éditions Anne Carrière), où le dictateur fait vider ladite mer grâce à un ingénieur à sa botte.

Troisième roman de notre Prix à être discuté, il va de nouveau diviser. Danièle (Crédit Mutuel) a « un coup de cœur pour ce mélange de conte, de réel et de science-fiction ». Jacques prend l’accent russe pour parler à sa voisine de table, mais a beaucoup aimé ce roman, optant même pour « un coup de coeur » et nous gratifier d’un poétique : « Et grâce à lui, comme disait l’autre, ‘’on s’endort moins con’’. »

Déborah a adoré et veut défendre mordicus l’ouvrage. « Même si ce n’est pas gai, j’ai été happée ! » Car oui, ce côté sombre n’a pas forcément ravi tous les esprits. « Ce n’est pas ce que j’attends d’un roman. J’ai eu du mal », dit Manon. « Je n’ai pas aimé cet aspect folie du pouvoir, ça renvoie à l’état actuel », souligne Geneviève. Franck, pareil : « Avec toute cette actu du moment, bof… »

Mais en face, revigorés par leur coup de fourchette, Elisabeth et Philippe s’enflamment. « Il mérite même un point bonus pour avoir parlé de ça : c’est qu’on n’a rien appris, c’est toujours la même folie politique, écologique, juste pour son ego et sa carrière. C’est un livre courageux », s’exclame Elisabeth. Philippe, quant à lui, devient hyper lyrique, mais je dois avouer que je n’ai pas réussi à prendre des notes.

La poésie des marchés (Anne-Laure Delaye)

Dernier roman en lice, « La Poésie des marchés » (éditions Albin Michel), dans lequel Anne-Laure Delaye plonge dans le monde de l’open space aux côtés d’une analyste financière qui va apporter un peu de poésie dans la folie des marchés. Avec, en prime, un iguane, un SDF et une tripotée d’autres idées saugrenues.

Favori de Marion qui a « beaucoup ri et apprécié le ton optimiste du livre, son côté décalé et un peu surréaliste », l’ouvrage a également fait rire Marie-Eve « du début à la fin. Et c’est aussi poétique ! ». Même son de cloche # littérature tmv I 31 mai 2023 27 chez Alix qui a « adoré et vraiiiment rigolé » (plusieurs « i » parce qu’elle a VRAIMENT rigolé). Toutefois « trop déjanté » pour Déborah (à quoi son taquin collègue Franck lui rétorque « Quand je te dis que t’as pas d’humour… »), alors que Magali « s’est laissée aller » et indique que c’est son roman préféré, « humaniste, social et un peu léger ».

« Loufoque et sympa » pour Jacques, mais « pas vraiment bien écrit avec ce langage parlé » pour Danièle, le roman divise encore la tablée. Philippe, lui, a apprécié « la caricature du monde de l’entreprise et ses faux-semblants », poussé à la lecture par Elisabeth qui, jamais à court d’expressions bien troussées, le décrit comme « Bridget Jones chez les traders ». Pas de quoi émouvoir Karine pour qui « c’était trop délirant », ni Manon qui le trouve certes « farfelu, mais j’ai eu du mal. J’étais peut-être trop premier degré » (si on était vache, on dirait oui, mais on va se faire disputer en réunion de service).

Reste Geneviève qui mettra tout le monde d’accord avec la conclusion qui tue : « C’est une poésie dans un monde où il n’y en a pas. Je me suis dit à la fin : ‘’et si on réenchantait notre quotidien ? ».

 

Et le gagnant est…

Sauf que voilà. Les cafés sont terminés et il est déjà plus de 14 h (y’en a qui bossent, oh !). Un premier tour de table et les romans de Rachel Arditi et Fabien Vinçon, arrivent à égalité en tête. Les deux sont donc propulsés pour le vote final. Qui sera très serré…

Mais c’est finalement « Staline a bu la mer » de Fabien Vinçon qui récolte le plus de voix et remporte le Prix du roman tmv 2023. Qui l’eût cru que la démocratie voterait pour Staline ? [élue pire chute d’article de l’histoire de notre journal]

Prix du roman tmv : et le vainqueur est…

Le prix du roman tmv-La Boîte à Livres est décerné à Océane Madelaine pour son premier roman D’argile et de feu, aux éditions des Busclats.

Océane Madelaine
Océane Madelaine

C’est un roman singulier, c’est un roman puissant , c ’est un superbe premier roman que le jury du prix du tmv-La Boîte à Livres a choisi de mettre à l’honneur cette année. Océane Madelaine est céramiste quelque part dans les Corbières. Dans le sud, donc. Et de sud, il est largement question dans ce tout petit livre en forme de rédemption. D’argile et de feu raconte l’histoire de Marie, une jeune femme enfermée dans une vie immobile qui n’est pas la sienne et qui décide un jour de tout plaquer et de partir à pied, droit devant elle.
Vers le sud, donc. « Je suis un point qui marche », écrit-elle en tout premier. Elle part avec un maigre bagage et l’envie de la route dans les talons. Avec, aussi, une brûlure d’enfance à même le coeur qui la suit partout. En chemin, Marie rencontre Marie. Une autre Marie, tout à fait sédentaire, celle-là, potière d’un autre siècle, dont la trace demeure encore dans ce village où elle s’arrête par hasard. Et cette rencontre transforme la fuite vaine de Marie en chemin de renaissance. Le récit s’élève, s’illumine. L’errance conduit parfois, souvent, au chaos, à la perte.

CULT_PAP_ARGILEIci, c’est tout le contraire. Les mots d’Océane Madelaine vont vers la chaleur, le feu, la lumière. Comme Léonor de Récondo, lauréate du prix en 2014 pour Pietra Viva, Océane Madelaine est une orfèvre de la langue. Les mots sont pesés, calibrés et polis. Et cette langue-là se lit comme du petit lait, même si le propos peut, à l’abord, sembler un peu loin de nos préoccupations quotidiennes. On marche avec Marie, on a mal aux pieds avec elle, on dort dans sa cabane et on soulève, avec elle toujours, le voile sombre et brûlant de ses secrets.

EN BREF
LES AUTRES FINALISTES
PRIX SPÉCIAL DU JURY
CULT_PAP_MADAME√Madame, de Jean-Marie Chevrier (Albin Michel)
Une vieille aristocrate, restée seule dans son château au fin fond de la Creuse se prend d’amitié pour le gamin de ses fermiers. Lequel se trouve avoir tout juste l’âge auquel son propre fils, Corentin, a disparu… Mystère, mystère et le conte d’initiation tourne au thriller rural.

√Mon amour, de Julie Bonnie (Grasset) CULT_PAP_MON AMOUR
Ils s’écrivent à eux-mêmes, en faisant mine d’écrire à l’autre… La Tourangelle de l’étape avait gagné sa place dans le dernier carré avec un roman faussement épistolaire, sur la maternité, comme un prolongement à son premier roman (superbe), Chambre 2. Entre les lettres, entre les lignes, des solitudes, tragiques, se dessinent…

CULT_PAP_Beit Zera√La route de Beit Zera, d’Hubert Mingarelli (Stock)
Le conflit Israélo- palestinien vu à l’échelle humaine. Oui, c’est ça ce roman. Mais c’est aussi (surtout ?) une plongée au coeur des solitudes, des déchirements, que la guerre, les guerres, engendrent chez les hommes.

LE JURY
Joël Hafkin (Président du jury), gérant de la Boîte à Livres ; François Vaccaro, du cabinet Vaccaro, Anne-Sophie Laure, de Fil Bleu, Édouard Kotula, du Crédit Mutuel, Michèle Prévost, de la Bibliothèque municipale, Laurent Coste, professeur de français au lycée Balzac, Jeanne Schweig, enseignante à la retraite et animatrice d’un club de lecture, Phillippe Saillant, de NR Communication et Matthieu Pays, chef d’édition de tmv.