Quel avenir pour la ligne Tours-Paris ?

TGV en moins d’une heure, prix, LGV Tours-Bordeaux… La SNCF et l’association des usagers réguliers débattent.

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La ligne Tours-Paris avait été déclarée « malade » par Guillaume Pépy, le président de la SNCF, en janvier 2011. Quasiment deux ans plus tard, David Charretier, président de l’Association des usagers Paris-Tours et Dominique Latard, directeur délégué TGV de la SNCF pour la région Centre font le bilan.
Combien y a-t-il d’abonnés ? La tendance est-elle à la baisse ou à la hausse ?
David Charretier annonce le chiffre de « 4 000 abonnés », pour le Paris- Tours, et « 1 500 à 1 700 » empruntant le TGV quotidiennement. Dominique Latard ne peut dévoiler les chiffres exacts mais confirme cet ordre, « relativement stable » depuis quelques années.
Quelles sont les plages horaires des TGV ?
Le premier part à 6 h 11 depuis Tours. Pour le retour, le dernier train quitte Montparnasse à 20 h 16. « On réclame une plage plus large.Nos abonnés doivent partir avant la fin de certains rendezvous », continue David Charretier. Dominique Latard annonce un dernier TGV pour l’an prochain, aux alentours de 20 h 35, « sous réserve que Réseau Ferré de France (RFF) donne son accord ».
Quelle a été l’évolution des prix ?
« On constate une augmentation de 30 % en dix ans, soit environ 100 euros, avec un abonnement le moins cher aux alentours de 450 euros, au bout de la 3e année. C’est le double de l’inflation », affirme David Charretier. La SNCF nuance. « La seule hausse de ces trois dernières années pour les abonnés s’est faite en 2012, avec + 1,7%, hors impact de la TVA », explique Dominique Latard. Il rappelle qu’un tiers du prix d’un billet de TGV provient du « coût du péage payé à RFF. » Et note une « hausse des coûts de l’énergie en quelques années et la modification des matériels SNCF ».
Paris redeviendra-t-il à une heure de Tours ?
« Aujourd’hui, on est à 1 h 15, voir 1 h 20. Comme l’ancien Corail », soupire David Charretier. « Tours-Paris en moins d’1 heure, on ne peut pas faire. Mais Saint- Pierre-des-Corps-Paris, c’est possible », dit Dominique Latard. Ce dernier annonce un aller/retour par jour SPDC-Paris en moins d’une heure pour l’an prochain, et donc qui ne s’arrêtera pas à Vendôme. Une réunion avec l’association devrait prochainement en fixer l’horaire.
La ligne LGV Tours-Bordeaux va-t-elle nuire au Tours-Paris ?
La ligne sera mise en service en 2017, pour permettre un Paris-Bordeaux en 2 h 05. « On évalue de 30 à 40 % de TGV en moins directs pendant les heures de pointe », s’inquiète David Charretier. Les récentes déclarations de Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, ne devraient pas le rassurer. En visite à Tours le 28 août, il a éludé la question avec une phrase très diplomatique : « Pas question de sacrifier qui que ce soit, mais on ne peut contenter tout le monde en même temps. » Dominique Latard « ne peut aller que dans le sens de [son] président ». « Si on fait une LGV Paris-Bordeaux, c’est pour aller vite, et donc ne pas marquer l’arrêt à Saint-Pierre. Il y a 16 A/R de l’agglo tourangelle jusqu’à Paris aujourd’hui. Il y en aura peut-être moins, mais je ne peux confirmer une baisse pour le moment et s’il y en a une la chiffrer », déclare-t-il.
G.V
Photo : Patrice Deschamps

Deux TGV par jour : le rythme des pendulaires

TGV-boulot-dodo. Un « train-train » quotidien pour de nombreux Tourangeaux. Au prix d’une vie très cadencée, avec de nombreux rites et contraintes.

La sono crache de bon matin le tube de Mattafix, « Big city life ». Traduire « la vie de grande ville ». La banane sur le visage, Laurent fredonne le refrain. Il y a trois ans, cet ingénieur marketing chez SFR, a quitté Paris, cette « grande ville ». En partie seulement. Installé à Tours avec sa femme et ses deux enfants depuis 2010, il se rend à Paris quatre jours par semaine pour son travail. Il emprunte le TGV, comme près de 1 500 autres « pendulaires » de l’agglomération tourangelle. Un rythme de vie soutenu, souvent contraignant. Synonyme d’emploi du temps serré et cadencé par les horaires des trains.
Laurent fait partie des lève-tard parmi les matinaux. Il prend le TGV de 7 h 59. « Un horaire qui me permet de profiter de ma famille. C’était le deal avec mon chef quand j’ai emménagé ici », dit-il, après une grimace adressée à sa fille, Romane,

7h59. Atelier brossage de dents dans le TGV.
7h59. Atelier brossage de dents dans le TGV.

deux ans. Être pendulaire impose de vivre à proximité de la gare. Pour ne pas perdre de temps. Le grand gaillard de 33 ans et sa femme possèdent un T2 avec jardin, près de l’hôpital Clocheville. Une centaine de mètres carré au total. Un luxe introuvable à Paris. Dans la capitale, le couple a pourtant vécu dans un 70m2 dans le XVe arrondissement durant deux ans. Muté depuis Lyon, Laurent bénéficiait d’un coup de pouce de son entreprise, qui payait la différence de loyer entre les deux villes. « Sans ça, on aurait vécu dans 35 mètres carré maximum », dit Aurélie, sa compagne. « Soit on diminuait de surface, soit on allait en banlieue », résume Laurent. Ils choisissent finalement la troisième couronne. Celle des pendulaires.
« Une vie qui ne laisse que peu de place à l’imprévu »
L’ingénieur marketing grimpe surson vélo et file de chez lui. Dix minutes avant le départ de son TGV. Arrivé dans le train, il déboule aux toilettes pour… se laver les dents. « Simple optimisation du temps », glisse-t-il, en faisant attention à ne pas mettre du dentifrice sur sa chemise blanche. Un rituel. Comme le café englouti à Saint-Pierre-des-Corps, pendant l’arrêt.
« C’est une vie qui ne laisse que peu de place à l’imprévu », relève-t-il. D’autres pendulaires, sac à dos pour ordinateur et costumes bien taillés défilent sur le quai. L’ingénieur apprend le retard de dix minutes de son train. « Je ne suis pas du genre à râler. Mais depuis la rentrée, c’est un peu le souk », concède-t-il. L’association des usagers réguliers de la ligne Tours-Paris relève un retard de 17 h par passager depuis janvier. Un taux conséquent pour beaucoup de clients, même s’il s’améliore par rapport à 2012 (32 h), selon le collectif.
« On n’a plus le temps d’aller boire un coup après le boulot »
Arriver à 10 h sur le lieu de travail a une contrepartie : il faut bosser dans le train. Un accord tacite avec son ancien chef. Syndicaliste à la CGT et détaché à temps plein depuis un an, Laurent a essayé de l’inscrire officiellement dans les accords d’entreprise. Pour permettre à d’autres salariés de faire comme lui. En vain. « À partir de la fin d’année, ils auront le droit à deux jours de télétravail par semaine, c’est déjà une avancée », note celui qui opère déjà de chez lui un jour sur cinq. « Je suis dans une demi-routine », juge-t-il.
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17h. Sortie du travail et scrabble dans le Transilien.

Une fois arrivé à Meudon (92) après un quart d’heure de train de banlieue, Laurent déboule dans son open-space. Les collègues sont déjà tous là. Ses relations avec eux se limitent désormais au site de SFR. « Plus le temps d’aller boire un coup après le boulot, puisqu’il doit partir. Parfois même en pleine réunion », raconte son collègue Stéphane. Les autres salariés soulignent la « contrainte » d’être dépendant du TGV. Mais comprennent le choix de Laurent. « Personnellement, j’ai 1 h 30 de voiture chaque matin. C’est quasiment pareil », relève Patrick. Le portefeuille de Laurent est même allégé. Un abonnement TGV lui revient 450 € par mois, mais il ne paye que 160 € de transport mensuellement (pass Navigo inclus), SFR participant à hauteur de 70 %. Moins cher qu’un budget auto, estimé à 215 € par mois selon des données de l’INSEE.
« Un moindre mal face à une situation complexe »
Il est 17 h et Laurent reprend le chemin de Tours. La mine un brin fatiguée. « C’est sûr que je ne tiendrais pas ce rythme pendant dix ans », analyse-t-il, critique sur la condition de pendulaires. « Dans un monde parfait, bien sûr qu’il serait aberrant de se dire qu’on habite à 250 km de son lieu de travail. Aujourd’hui, c’est un moindre mal face à une situation complexe », explique l’ingénieur d’un ton laconique. Outre les loyers à Paris, il égratigne des entreprises obnubilées par le centralisme. Par exemple, sa société va regrouper progressivement quatre de ses pôles. A Saint-Denis (93, au nord de Paris). « En 2015, j’aurai vingt minutes de plus en transport en commun. Ce seront peut-être les 20 minutes de trop », lâche-t-il.
Il n’épargne pas la SNCF. La promesse d’un TGV Tours-Paris en moins d’une heure n’est plus tenue. Ligne vieillissante, trains supprimés. « 1 h 20 de trajet désormais. Si j’avais su, j’aurais peut-être fait un autre choix que Tours… », soupire-t-il. Il pense au futur. Un autre métier, une autre ville peutêtre. Des songes vite effacés par l’arrivée d’Oscar, son fils de quatre ans, à l’appartement. En télétravail demain, il pourra l’emmener à l’école. Et sortir de la routine.
Guillaume Vénétitay