Qui se cache derrière les tags du Soleil Levant ? (3)

#EPJTMV On vous l’avait dit, on a trouvé l’artiste des tags du Soleil Levant. Tmv l’a rencontrée à l’occasion de son exposition à Ballan-Miré. Gil KD nous en dit un peu plus sur son travail.

Episode 3 : “Mettre un peu de couleurs dans ces endroits tristounets”

tag Gil KD
L’artiste est fascinée par la beauté des Asiatiques. C’est pour cela qu’elle les représente. Photo : Philippine David.

Beaucoup de monde repère vos graffs dans les rues de Tours. Pourquoi avoir eu envie de taguer les murs ?

Mon but est de provoquer un instant d’émotion, donner une éclaircie dans cette vie parfois pas très drôle. Je veux mettre un peu de couleurs dans ces endroits souvent trop tristounets. Il y a beaucoup d’écritures sur les murs mais peu de dessins.

Quand a commencé cette aventure ?

Il y a près d’un an. J’ai débuté par un duo de femmes coloré au parking de l’Ile, vers le quai Paul-Bert, un mercredi à 15 heures. Aujourd’hui il y en a quinze au total à Tours et au delà. Certains sont aujourd’hui effacés ou recouverts par d’autres graffs. Mais ce n’est pas grave, ça fait partie du jeu ! Les gens doivent se les approprier. Je suis d’ailleurs surprise que la plupart de mes graffs soient toujours présents.

Vous représentez seulement « la femme » dans vos créations. Pourquoi avoir choisi de taguer des femmes asiatiques dans les rues ?

S’il y a une chose que je revendique c’est la féminité. Je veux que les femmes s’assument. Mes dernières créations sont les Japonaises en rouge. Je les dessine parce que je trouve qu’il y a un décalage entre la société puritaine, carrée et le fait de les trouver dans la rue. Elles sont sobres. Pour moi ce sont des beautés à l’état pur ! Dans la rue ces femmes deviennent libres.

tag Gil KD
Gil KD représente la féminité dans toutes ses créations. Photo : Philippine David.

Comment et pourquoi choisissez-vous ces endroits pour taguer ?

Je repère les lieux quand je circule en voiture ou à pied, sur mes trajets quotidiens. Par exemple, j’en ai fait un à la Ville-aux-Dames parce qu’il y avait plein de graffs. Je me suis dis pourquoi pas ? Ca fera un entraînement. Je le mettrai bien là ! Mon graff au quartier Blanqui est un clin d’oeil à ma fille qui y habite. Je voulais qu’elle se dise « ah, tiens ! Maman est passée par là ». J’en ai tagué un autre au parking de l’île, vers les quais Paul Bert, parce que je trouvais cet endroit incroyablement moche.

Comment utilisez-vous les éléments qui vous entourent ?

J’ai besoin qu’on voit le support sur lequel je graffe. Le dessin doit vivre avec le décor. Mais je ne tague pas dans les lieux protégés, ou sur les monuments. Je respecte aussi les tags des autres, je graffe à côté. Je ne veux pas marcher sur les pas de quelqu’un. Je n’ai pas autant de prétention !

Quand vous partez à l’aventure, qu’emmenez-vous avec vous ?

J’emmène mon escabeau et mon masque. Puis mes pochoirs aussi, car les visages sont dessinés à l’avance. Je les retouche ensuite sur place. Je fais ça en 20 minutes. Ca m’est déjà arrivé de taguer un matin aux aurores où il pleuvait des cordes, j’étais en parka, avec ma capuche… une vraie délinquante (rires).

Quelles sont vos techniques artistiques ?

Avant, je collais des dessins. Des nanas en noir et blanc sur des piliers, des ponts, des portes… que la nuit ! Je suis passée à la bombe il y a trois ans, parce que j’en avais marre des collages. Je les appelle les flash mode. Flash parce que je fais ça rapidement et mode parce que mes créations sont colorées. Dans les robes de mes femmes j’écris les mots love et peace très vite et dans tous les sens… Puis j’aime les couleurs, les fluos, le pep’s… toute la gamme de bleu, rose, orange. J’adore. Oui, je suis une éternelle optimiste.

On ne s’attend pas à découvrir une femme, de 50 ans, lorsque l’on voit vos créations. En avez-vous conscience ?

Cela ne m’étonne pas ! Souvent on me dit que mes peintures font jeunes. Il est vrai que le street art est récent. C’est la vague du moment et Tours n’arrive d’ailleurs pas à s’y mettre. Mais moi je dessinais déjà dans les rues de Paris quand j’avais 20 ans. Mon grand-père m’avait appris à dessiner à la craie. Mais les gens qui me connaissent ne sont pas surpris, parce que ces graffs me ressemblent. Ce que je fais est un trip pas possible. J’ai des projets et je sais déjà où seront mes prochaines créations…

Philippine David et Lénaïg Le Vaillant.

Qui se cache derrière les tags du Soleil Levant ? (1)

#EPJTMV D’abord un graff puis un autre… Tours regorge de tags représentant des Japonaises. Que symbolisent-ils ? Pourquoi ces endroits ? Qui est l’artiste ? Nous avons décidé de mener l’enquête.

Episode 1 : Des graffs de Japonaises habillent les murs tourangeaux

Il est rare d’être marqué par les graffs du vieux Tours. Mais celui-ci attire l’œil. Une femme asiatique vêtue d’un kimono rouge, égaye les murs bruns des anciens bâtiments. On pourrait même croire que ce graff en recouvre un autre, un peu moins créatif. Puis, on continue sa route, sans trop s’y attarder.

Tags Tanneurs
Cette Japonaise dénudée est taguée près de la fac des Tanneurs, en bord de route, direction La Riche. Photo : Manon Vautier-Chollet

Quelques jours plus tard, on découvre un deuxième graff. Le rapprochement est évident. Le premier, situé près de la place Plumereau, et l’autre, non loin de la fac des Tanneurs, sont réalisés par la même personne. Ça ne fait aucun doute.

Sur le deuxième, la femme est légèrement dénudée. Elle laisse glisser son kimono, imprimé de signes rouges, faisant apparaître son épaule droite. Le regard vers le bas, les cheveux noirs noués et le teint blanc. Elle est synonyme de sensualité. Sous les marronniers du bord de Loire, elle colore un paravent en tôle qui cache les toilettes des hommes. Pourquoi ce graff est-il tagué devant des urinoirs en bord de route ? Pour embellir les lieux ou pour cacher un ancien graff ? La question des emplacements intrigue.

On lance l’enquête, à la recherche d’une signature, une signification. En bas à droite de la création, un signe peu explicite est inscrit au feutre. Possiblement le blase d’un ou d’une artiste de rue.

Tags parking St-Pierre
A Saint-Pierre-des-Corps, sous le pont de la rocade, une autre Japonaise habille un pilier. Photo : Manon Vautier-Chollet

Pour comparer nos deux trouvailles, il faut revenir sur les lieux du premier graff. Mais à la nuit tombée, après une heure de marche autour des cafés et des restaurants qui entourent la place Plumereau, rien. L’investigation reste en suspens. Impossible de le retrouver. Le hasard surprendra peut-être à nouveau.

Un appel sur Facebook s’impose. Très rapidement, la toile réagit : Tours regorge de ces graffs de Japonaises. Il y en a d’autres. L’investigation reprend de plus belle.

Direction Saint-Pierre-des-Corps, sur le parking sous le pont de la rocade. Cette sombre et vaste zone est un lieu de passage pour les voitures. Les piliers du parking sont barbouillés. Niché entre les innombrables graffs d’amateurs, un seul se distingue. Celui de notre graffiteur anonyme. Une femme asiatique, qui regarde vers la gare à droite. Vers le Soleil Levant ? Elle ressemble aux autres, dessinée avec les mêmes couleurs. On distingue aussi une branche noire de cerisier, un coucher de soleil au dessus de sa tête et dans sa main, elle semble tenir un grand bâton noir. Mais cette fois-ci, pas de signature.

Tags président merville
Un autre tag se cache près de la rue du Commerce. Photo : Manon Vautier-Chollet

Plusieurs nouvelles sources indiquent un graff semblable, situé dans la rue perpendiculaire à celle du Commerce, face au Museum d’Histoire naturelle. Elle aussi tient une sorte de bâton noir. Elle regarde à droite. Sa tête est englobée par un soleil flamboyant. Cette fois-ci on retrouve la fameuse signature. Que signifie-t-elle ? CIB, CIG, CGI… Qui se cache derrière ces graffs ? Il reste des réponses et des graffs à trouver. A suivre.

Philippine David et Lénaïg Le Vaillant