Melody Boards : des longboards made in Touraine

Dans son atelier près de Chinon, Mélanie Blanchard a un passe-temps : elle réalise chaque étape de la création d’une planche de longboard, du travail du bois à l’illustration. Résultat : du bricolage, de l’esthétisme, et c’est unique.

Rendez-vous fixé dans une commune paisible, un discret bâtiment dans le fond d’un jardin, une porte bleue qui s’ouvre. Maître des lieux : Mélanie Blanchard, 24 ans, le regard amusé, vêtue d’un tee-shirt, home made. Ici, elle crée de A à Z ses planches « Melody Boards ». Une référence à Melody Nelson, « j’adore Gainsbourg », sourit-elle. Graphiste de formation, elle réalise des décors de restaurant pour une entreprise, alors Melody Boards, c’est surtout pour le plaisir. Retour dans le passé : deux ans plus tôt, Mélanie revient de Paris. Elle souhaite retrouver le calme de sa région d’origine. Une envie de faire du longboard lui prend mais elle n’en a pas sous la main. À quoi bon, elle va le confectionner elle-même.

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Un bel hommage rendu à David Bowie.

Quasiment profane en menuiserie, elle se lance : « J’ai récupéré du bois dans l’atelier de mon père menuisier. » Installée dans l’abri de jardin de sa mère, un coup de ponceuse, de scie sauteuse « et basta », sa première planche a « l’épaisseur d’un steak » mais elle tient la route. Depuis, cette dernière a jauni et demeure dans le fond d’un placard. Mélanie a trouvé un nouveau lieu de création, un petit bâtiment dans son jardin qu’elle a réaménagé entièrement. Et ses techniques de fabrication, elles, ont progressé. Ses cheveux châtain attachés, le visage concentré, son geste est devenu expert et il lui faut désormais trois jours pour finaliser une pièce. « J’ai beaucoup lu de conseils sur les sites, j’ai également beaucoup testé, tels ou tels matériaux, telles ou telles colles. »

Les trois quarts du travail consistent à poncer le bois.
Les trois quarts du travail consistent à poncer le bois.

Au royaume de la bricole, pour sceller ses plis de bois – il en faut entre sept et neuf en fonction des boards – Mélanie utilise une presse conçue par elle-même. Pour donner au bois sa forme, plutôt qu’utiliser un moule en béton qui prendrait trop de place dans son atelier exigu, elle creuse l’intérieur de blocs de polystyrène. On y voit que du feu, le résultat est similaire. Quant au revêtement grip transparent, indispensable pour bien accrocher au longboard, elle a « passé des semaines à chercher le bon matériau ». Mélanie a même testé le verre pilé, avant de trouver l’idéal.
Pour s’améliorer, elle demande également à ses amis rideurs d’essayer ses planches et de lui dire ce qu’ils en pensent. « Je fais des prototypes ; en ce moment, je travaille sur une nouvelle board de descente. » Elle ajoute : « Je suis libre de faire le design que je souhaite, après je respecte les modèles d’usage. Mais j’ai déjà vu des gars créer un skate avec un écran LCD ! Donc, tout est possible. »

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Il y en a pour tous les goûts.

Suspendues au mur de gauche, des planches en érable canadien, en bambou, en chêne massif. « J’ai une préférence pour le travail du chêne, complexe et dont le rendu est très joli avec sa couleur sombre et ses nombreux noeuds. » L’esthétisme justement, c’est tout ce qui fait l’originalité de ses créations. Ancienne étudiante à l’école Brassart de Tours, elle combine son goût pour la bricole avec son appétence pour le dessin. Peinture en hommage à David Bowie, Indien à la tête de mort, hibou avec motifs floraux. Le trait de Mélanie est précis et s’apparente sous de nombreux angles à celui d’un tatoueur. Pour illustrer, Mélanie travaille au posca, au feutre, au stylo bic et à l’acrylique.

Elle réalise également des dessins sur commande. « Les clients me disent ce qu’ils attendent et j’y ajoute ma touche personnelle. » Alors qu’elle a désormais le luxe de pouvoir choisir entre une multitude de planches pour ses promenades, Mélanie conclut, tout sourire : « Si je pouvais en vivre, ça serait formidable. »

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Les planches sont disponibles avec ou sans roues.

>> WWW.MELODYBOARDS.COM

Journées du patrimoine : l'antre de Max Ernst

Visite guidée de l’ancienne maison de l’artiste surréaliste Max Ernst, en compagnie de son propriétaire actuel, avant son ouverture exceptionnelle pour les Journées du Patrimoine.

Pour les Journées du Patrimoine, Dominique Marchès ouvre les portes de l'atelier de Max Ernst
Pour les Journées du Patrimoine, Dominique Marchès ouvre les portes de l’atelier de Max Ernst

Huismes, à quelques kilomètres de Chinon. Le soleil est écrasant ; le silence, étourdissant. Au milieu de ces 1 600 habitants, dans ce village arrosé par l’Indre, seule la voix de Dominique Marchès vient rompre la tranquillité. Voix paisible qui enveloppe les murs d’une maison dont il paraît fier… Parce que c’est ici, de 1955 à fin 1968, qu’a vécu l’un des plus grands artistes surréalistes, Max Ernst. Alors pour le commissaire d’expo et photographe Dominique Marchès (modeste, il ne se décrit pas comme un « artiste »), avoir racheté cette maison en 2006 est une sorte « d’hommage et de contribution ». Une sorte de rêve de gosse féru d’art, aussi… Lui qui, à 15 ans, était parti tout près de là, à Saché, en mobylette pour découvrir l’atelier du grand peintre et sculpteur Calder. « Ça a déterminé ma vocation… » « L’art m’a fait vivre plus richement, au niveau intellectuel », indique Dominique Marchès.
Cette richesse, il veut la transmettre. Quand il raconte la vie de l’artiste allemand, ses yeux se perdent partout. Dominique enquille les anecdotes sur le co-fondateur des mouvements Dada et surréaliste. Il est heureux de pouvoir ouvrir ses portes, lors des Journées du Patrimoine. Tout comme il le fait habituellement les week-ends. « Cela me permet de transmettre le visible, comme le jardin, la maison… et l’invisible, avec la mémoire de l’absent. Ce qui m’a intéressé en Max Ernst, c’est sa vie d’homme qui représente 60 ans du XXe siècle. Avec lui, on est face à un auteur qui a vécu pleinement cette période, ses horreurs, ses grandeurs. » Une fois entré dans cette ancienne grange, on se prend à rêver. Imaginer. C’était l’atelier de peinture de Max Ernst. Il avait commencé à travailler dans la longère située en face, « mais elle était exposée plein sud. Il y avait trop de lumière ». Impossible pour appréhender correctement les couleurs. « Alors il s’est installé dans la grange, avec la lumière du nord, plus diffuse. » Au mur, de gigantesques fresques sont posées. Un hommage de l’artiste Richard Fauget qui a reproduit la fameuse technique de frottage, inventée par Max Ernst (frotter avec un crayon les reliefs d’une surface sur laquelle on a posé une feuille de papier, NDLR). Contre une table, une très grande photo de la fontaine à Amboise, réalisée fin 1968 par l’artiste.
Dans cet atelier, le vieil évier est encore là. Il a vu passer les pinceaux de Max Ernst. Juste à côté, une petite arrière-salle, pleine de contrastes : un immense écran plat, qui diffuse un film sur l’artiste, trône au milieu de petits bancs d’époque, d’un châssis de tableau et de grandes étagères. L’odeur du vieux bois remonte aux narines. Les réminiscences du travail d’Ernst flottent dans l’air. Il a passé des heures ici. Lui qui avait acquis cette ancienne ferme, fin 1954, grâce aux 45 000 lires gagnées pour son prix à la Biennale de Venise. Lui qui revenait d’un exil aux États-Unis après la guerre. Lui qui avait passé du temps, isolé dans un désert en Arizona, alors que tous les artistes anti-nazis étaient revenus en Europe. « Peu importe le lieu, il n’était pas matérialiste. En venant à Huismes, il a trouvé un lieu paisible. » Nos pas filent vers une petite entrée à côté. Le mot « artiste » est inscrit sur un petit encadré, fixé à la porte. Une photo en noir et blanc du couple Max Ernst – Dorothea Tanning, de 1955, attire l’oeil sur ce mur blanc. Couple heureux. Couple d’artistes. « Regardez, c’est ici qu’il y avait la chambre du jardinier. Il n’habitait pas loin, mais pouvait dormir ici », raconte Dominique Marchès. Désormais, c’est une petite librairie. Où des ouvrages d’art s’alignent sur les étagères. Le dadaïsme et le surréalisme ont la part belle. Le Manifeste du surréalisme d’André Breton repose sous une cloche et l’oeil aguerri remarquera même une bouteille de vin estampillée Max Ernst !
L’art en lumière
En grimpant l’escalier, on arrive dans l’ancien atelier de collages de l’artiste. L’étage s’étire sur la longueur. Sous des tables en verre dorment des ouvrages rares, une collection parfois jaunie par le temps. Des documents inestimables pour l’amoureux de l’oeuvre de Max Ernst l’avant-gardiste. Il y a même une invitation à une inauguration, signée Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles, datée de 1971. « Je pense que je possède la plus grosse documentation sur Ernst en France », dit sans détour Dominique Marchès. Petit sourire en coin. Puis il se perd de nouveau dans le silence en se plongeant dans la lecture d’un ouvrage. Il veut retrouver une petite info. Si, si, il y tient. Les minutes passent. « Ah, voilà ! Regardez la fenêtre en face de vous. C’est Max Ernst qui l’a faite, en oculus, une sorte de rond. Elle est souvent présente dans ses oeuvres. C’est un symbole, une forme comme un astre. » La luminosité exceptionnelle qui en émane inonde effectivement toute l’immense pièce. Mais dans le fond, à l’abri de la lumière, repose paisiblement la partie bibliothèque. Catalogues ultra rares et livres uniques font leur sieste. Certains dans du plastique, vu leur vieil âge. Dominique Marchès ne semble pas s’en lasser et contemple. Encore et encore.
Le jardin de la France
La visite touche à sa fin dans le jardin. Immense. Tranquille. Tout simplement beau. Des sculptures du XIXe siècle qu’Ernst a récupérées décorent les murs. Il y a au fond, derrière le noisetier, une serre. « Dorothea, sa femme, adorait les fleurs », dévoile Dominique Marchès. Il est agréable de tout observer, de s’approcher de ces immenses arbres, rêvasser… « Pour les Journées du Patrimoine, les gens pourront bien évidemment venir dans ce jardin de près d’un hectare. En général, ils adorent ça. C’est idéal pour se reposer un peu. » Pareil jardin fait penser au titre d’une de ses oeuvres les plus connues, Le Jardin de la France. Un dernier détour se fait par la maison de Dominique Marchès. Ancienne demeure de Max Ernst aussi. De vieilles photos montrent qu’en près de soixante ans, ça n’a pas tellement changé. La grande cheminée est toujours là. Tout comme l’escalier, les grosses poutres ou encore la table à manger… L’esprit du « Pin perdu », comme le couple d’artistes l’appelait à l’époque, n’a pas disparu. « Par contre, cette partie-là ne sera pas visible pour les Journées du Patrimoine. C’est vraiment… c’est ma maison, c’est chez moi », souffle Dominique Marchès. « Je l’avais déjà ouverte, mais j’avais même retrouvé des personnes dans ma chambre. Et ça fait bizarre. »
ALLER PLUS LOIN
Un ouvrage
Pour les curieux et adeptes de l’art de Max Ernst, impossible de passer à côté du livre Max Ernst, le Jardin de la France. Un joli pavé de plus de 200 pages qui a accompagné une expo au musée des beaux-arts de Tours. Bourré d’analyses, de somptueuses photos
et riche d’une documentation très intéressante. Ce catalogue est d’ailleurs disponible
à la maison de Max Ernst, présentée dans notre
 
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