Marché de gros : dans le ventre de Tours

À quelques kilomètres des Halles de Tours, un autre marché alimente la ville depuis plus de 40 ans : le marché de gros. Un endroit méconnu car uniquement réservé aux artisans et aux commerçants. Tmv vous fait découvrir l’endroit.

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Monsieur Lothion éclate de rire quand on lui demande depuis quand il est là. « Depuis soixante ans et j’en ai 62 ! Mon père faisait déjà ce métier. À deux ans et demi, il m’a fait grimper dans sa camionnette et zou, direction les halles de la place Gaston-Paillou puis ici. » Le marché de gros a quitté le cœur de la ville en 1973 mais il continue de l’alimenter. Tous les jours, épiciers, marchands ambulants, patrons de supermarchés ou restaurateurs viennent faire leurs courses au MIN (Marché d’intérêt national) de Rochepinard.

À cheval sur les villes de Tours et de Saint-Pierre-des-Corps, il regroupe sur sept hectares un fournisseur de viande et de charcuterie, un poissonnier, des négociants en fleurs, en épices, en fruits et légumes, des grossistes en matériel spécialisé et même un grossiste en glace. Le marché de gros rayonne sur toute la région : le grossiste en viande Négotours fournit dix départements et livre jusqu’en Vendée, le négociant en primeurs Estivin a implanté 15 filiales et couvre la moitié Ouest de la France. « Mais la particularité de notre marché reste son carreau des producteurs », explique la directrice, Valérie Fouillet.

Quatre fois par semaine, à partir de 14 h, une vingtaine de maraîchers tourangeaux s’installent au cœur du hangar central et proposent leur récolte du matin. Dans ce hall de la taille d’un aérogare, une odeur un peu douceâtre de légumes et de fruits flotte dans l’air mais dès que l’on s’approche du carreau, elle est couverte par celle des fraises. Les piles de cageots forment un Tetris géant, au milieu duquel slaloment les acheteurs. Les cagettes ne portent aucune étiquette : acheteurs comme vendeurs connaissent les produits et les prix sur le bout des doigts.

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Tout a poussé à quelques kilomètres de Tours : les salades de Didier Renard, maraîcher à Saint-Pierre, ou les radis de Matthieu Badillé, qui a repris en 2012 deux exploitations maraîchères à Berthenay. « Venir ici, ça nous bloque du personnel mais ça vaut le coup », explique-t-il. Le marché leur permet de multiplier les clients et de rester indépendant. Ici, tout le monde se connaît, les vendeurs mais aussi les acheteurs, confirme Maximilien Bridier, le jeune chef de La Roche Le Roy. Depuis qu’il a pris la tête du restaurant, il vient faire son marché deux fois par semaine. « Pour moi, le carreau des producteurs, c’est la seule façon d’avoir accès à de bons produits locaux. Ce matin, j’ai appelé Jean-Michel pour avoir des fleurs de courgettes, il les a cueillies et ce soir, elles seront toutes fraîches dans l’assiette des clients. » Un circuit ultra court. Un peu plus loin, on croise le patron de l’Arrivage, venu lui aussi remplir son panier.

POUR TOUS LES GOÛTS

Tout autour du hangar, des échoppes en dur abritent les grossistes sédentaires, comme Monsieur Lothion. Arboriculteurs de père en fils, la maison Lothion vend 2 000 tonnes de pommes par an. Ils fournissent des cliniques, des cantines, les commerçants des marchés. Des pommes jaunes, des vertes, des rayées, des roses, chacune ayant sa spécificité : plus sucrée, plus ferme ou plus fondante. Il y en a pour tous les goûts. Et Monsieur Lothion se désole que beaucoup de consommateurs ne sachent souvent pas distinguer les unes des autres : « Des pommes bicolores, il y en a plein ! Mais chaque variété est différente ». Image4

Monsieur Ben, son voisin, vend des épices et des fruits secs en vrac mais aussi des légumes déclassés. Des concombres en forme de virgule et des tomates géantes recalées au casting mais qui seront vendus à petit prix sur les stands des marchés populaires. Un peu à l’écart, un grand bâtiment abrite un trésor fragile : des bananes. 6 500 tonnes de fruits transitent chaque année dans cette mûrisserie. Il y en a dix en France. Arrivées vertes des Antilles, les bananes se pomponnent ici quelques jours pour arriver à point sur les étals tourangeaux.

Et c’est tout un art, explique Éric Fontaine, le responsable du site : « La banane est très sensible aux températures. Un peu trop chaud et elle pourrit, un peu trop froid et elle noircit. » Des murailles de cartons sont stockés dans de grandes chambres dont la température est choisie au degré près, entre 14 et 16, selon le stade de mûrissement désiré par les clients : certains demandent des fruits d’un jaune paille, d’autres les veulent d’un vert tirant sur le jaune. Un métier de funambule dont Éric Fontaine ne se lasse pas. Pendant que nous discutons, deux techniciens surveillent la petite chaîne d’expédition ultra moderne qui pèse, emballe et étiquette les fruits. Une supérette tourangelle vient de demander une palette : peut-être les bananes que j’achèterai ce soir, en rentrant du travail ?

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